C’est une forme de reconnaissance pour le marché du livre électronique, tout juste émergent puisqu’il représenterait 1 % des ventes de livres en France : mardi soir, 15 février, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi destinée à réguler son prix de vente. Le principe retenu est celui d’un tarif unique, fixé par l’éditeur, comme c’est déjà le cas pour les ouvrages papier depuis la loi Lang de 1981. Ce cadre législatif est censé empêcher la vente à perte, une tactique que certains revendeurs pourraient utiliser pour accroître leur part de marché et tuer la concurrence.
Si ce principe a permis de maintenir une saine concurrence dans le secteur du livre papier, les professionnels craignent qu’il ne soit pas adapté au marché numérique. Ils évoquent notamment l’article 3, selon lequel « le prix de vente s’impose aux personnes établies en France, proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France ». Cette mention exclut donc du champ d’application de la loi les géants que sont Amazon, Apple ou encore Google, ceux-là même qui par leur puissance commerciale peuvent faire la pluie et le beau temps sur le marché français, en vendant des articles moins cher.
Pourtant le Sénat a bien tenté, lors de la première lecture du texte fin 2010, de mettre un garde-fou, en ajoutant une clause imposant aussi aux plates-formes installées hors du Vieux Continent d’appliquer ce tarif. Mais elle a été retirée lors de l’examen à l’Assemblée, pour des raisons de conformité avec le droit européen.
Les professionnels sont en colère
Lors des débats précédant le vote, Christian Kert, député appartenant à la majorité, a en effet évoqué cette disposition, faisant valoir que « l’étendre en dehors des frontières posait un problème avec le droit européen. L’application extraterritoriale du prix unique nous exposerait aujourd’hui à un avis négatif de la Commission […]. Le droit communautaire n’autorise pas l’application d’un autre droit que celui du pays dans lequel une entreprise, comme un distributeur, est installée. »
Et de reporter la responsabilité de la régulation du marché sur les éditeurs, qui ont la possibilité de fixer les prix par le biais des « contrats de mandat » qu’ils passent avec les plates-formes de vente. « Il n’est pas de l’intérêt des éditeurs de pratiquer des prix différenciés entre les opérateurs nationaux et ceux qui seraient établis hors de France », a-t-il ajouté.
Reste que cet argument ne paraît pas suffisant aux yeux des professionnels du secteur. Le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels (le SDLC, qui compte parmi ses membres la Fnac, Cultura, Virgin Megastore) a publié un communiqué où il explique que la loi ouvre une voie royale aux Amazon, Apple et consorts. « En mettant sur un pied d’inégalité aussi manifeste les acteurs français et étrangers, c’est, après le marché de la musique en ligne, celui du livre numérique que l’on offrirait de facto à ces plates-formes. »
Le SDLC prédit ainsi la concentration à court terme du marché et l’appauvrissement de la création éditoriale. Il demande la révision de l’article 3 de la loi, de manière que le prix unique s’impose à tous ceux qui proposent des ouvrages numériques aux acheteurs situés en France.
Un nouveau débat s’annonce puisque le texte doit encore être voté en commission mixte paritaire, chargée d’élaborer un texte commun conciliant les versions des deux chambres du Parlement.
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