Croissance en berne, climat d’incertitude et d’instabilité permanent… Les entreprises françaises du secteur du Numérique ont, ces six derniers mois, traversé une période morose, a souligné Numeum, le premier syndicat du secteur, lors d’un point presse du mardi 10 décembre. L’organisation présentait les résultats de son enquête semestrielle : l’occasion de faire l’état des lieux du secteur du Numérique français et de mettre en lumière les perspectives pour 2025.
Et pour les éditeurs de logiciels, les plateformes de cloud, les sociétés de conseil et de services liés au Numérique de l’Hexagone, le « changement de dynamique (a été) assez brutal », a commenté Benoit Darde, administrateur en charge des contenus de Numeum. Les nuages proviendraient de « l’instabilité politique et économique » — la dissolution du Parlement, puis la démission du Gouvernement — mais pas seulement.
Les éditeurs de logiciels et les plateformes de cloud s’en tirent mieux que les entreprises de services numériques
Numeum, qui a interrogé un grand nombre de DSI (directeurs des systèmes d’informations) d’entreprises françaises, note un « net repli de la croissance du secteur » lors du second semestre 2024. Alors qu’elle était de 6,5 % en 2023, elle n’est plus que de 3,5 % en 2024.
Dans le détail, les éditeurs de logiciels et les plateformes de cloud s’en tirent plutôt bien (8,2 % de croissance), contrairement aux entreprises de services numériques (+0,7 %) et aux activités de conseil en technologies (+1 %). Côté sociétés de services numériques, qui travaillent sur le système d’information de leurs clients, ce sont surtout les grandes entreprises (de plus de 5 000 salariés) qui sont en difficulté, les PME et ETI réussissant à s’adapter plus rapidement à la conjoncture actuelle, explique Charles Mauclair, président du collège Entreprises de Services du Numérique (ESN) et de l’Ingénierie Conseil en Technologies (ICT) de Numeum.
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Réduction des investissements et des recrutements
Résultat, l’ensemble du secteur a réduit ses investissements. Et les perspectives pour 2025 ne sont pas non plus flamboyantes : le syndicat prévoit une croissance de 4,1 %, soit un peu mieux que le second semestre 2024. Il faut dire qu’« aujourd’hui, on a la moitié de nos répondants (les adhérents qui ont répondu à l’enquête semestrielle, NDLR) qui prévoient une croissance nulle ou négative l’année prochaine », rapporte Benoit Darde.
Pour Numeum, le premier frein à la croissance n’est plus « la capacité des entreprises à acquérir des talents », mais « leur capacité à trouver, à identifier de nouveaux projets, à les gagner, pour pouvoir, en fait, faire des éléments de croissance dans notre secteur », ajoute l’administrateur de Numeum.
Résultat, 60 % des adhérents stabilisent ou réduisent leur demande de recrutement. « Il s’agit d’une dynamique à laquelle on n’était pas du tout habitué sur les dernières années et qui montre bien qu‘il y a moins d’affaires, il y a moins de projets », commente-t-il.
Une adoption de l’IA générative trop lente, selon Numeum
Une partie de l’étude avait trait à l’adoption de l’IA générative par les entreprises du secteur. Et selon Numeum, l’adoption de cette technologie à court terme n’est toujours pas envisagée pour 60 % des entreprises interrogées, bien que « 90 % de nos membres identifient, avec l’IA générative, des gains de productivité allant de 5 à 30 % ». Ces chiffres témoignent d’une adoption « trop lente par rapport au marché américain », estime Jean-Philippe Couturier, vice-Président du collège des éditeurs et plateformes de logiciels de Numeum.
Un certain nombre de freins expliquent cette frilosité : outre « le manque de retour sur l’investissement, ou la difficulté de l’imaginer », les entreprises ont « des difficultés à trouver les bons cas d’usage pour elles-mêmes ou pour leurs clients ». Elles font état d’un « manque de compétences disponibles sur le marché et de craintes de réglementation et de problématiques cyber », avance Charles Mauclair, en charge des ESN de Numeum.
Investir dans les technologies et l’innovation est « la seule voie pour l’Europe »
Pourtant, « plus on va adopter vite, et plus on poussera cette IA générative à transformer nos solutions logicielles. Cette transformation est essentielle parce qu’on voit déjà sur le marché passer des assistants d’IA à ce qu’on appelle les agents » autonomes.. À noter que ceux qui se lancent « font moins appel à la prestation de conseil que prévu » — ce qui signifie moins de prestations à proposer pour les entreprises françaises qui accompagnent son adoption, explique Charles Mauclair.
Dans « ce climat d’incertitude, où les entreprises sont un peu attentistes et peu enclines à investir », où « l’Europe est en décrochage en termes de productivité par rapport aux États-Unis et par rapport à la Chine », « investir dans les technologies et dans l’innovation est la seule voie pour l’Europe », commente Véronique Torner, présidente de Numeum. L’organisation plaide pour le maintien des dispositifs de financement dans l’innovation comme le crédit impôt recherche, le crédit impôt innovation, « des éléments essentiels » si on veut « jouer dans une cour internationale ».
L’organisation défend aussi la plus grande simplification règlementaire pour les sociétés, l’AI Act, le règlement européen sur l’intelligence artificielle, étant décrit par Jean-Philippe Couturier comme un « pavé de 900 pages hyper contraignant » qui ne doit pas « nous ralentir par rapport à des acteurs internationaux » qui n’y sont pas soumis.
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