“Les DRH sont coincés entre les opérationnels qui réclament des collaborateurs supplémentaires pour faire face à la demande, et l’actionnaire qui est pointilleux sur les dépenses”, résume Antoine Jeandet, le président du cabinet de communication RH Bernard Hodes Group. Et un nombre croissant de managers s’interroge sur les raisons de cette frilosité, qui ne correspond pas à l’état réel de l’économie française. “On a connu dans le passé des périodes pires, mais peu avec autant d’incertitudes”, reconnaît Jean- Paul Choquel, président de KPMG Consulting, qui table tout de même pour son groupe sur une croissance de l’ordre de 30 à 40 % cette année, et sur une augmentation de ses effectifs de 30 %, pour atteindre les 260 salariés. “La véritable incertitude porte plus sur les délais que sur les besoins des entreprises”, complète-t-il. Moralité : le principe des recrutements n’est pas fondamentalement remis en cause.Parmi les principaux métiers qui devraient embaucher : tous les projets qui visent à améliorer la relation client ainsi que la chaîne logistique. En effet, seuls les dossiers qui n’ont pas une incidence directe sur les performances techniques ou commerciales semblent reportés. “Pour les postes marketing et commerciaux, nous avons la même demande qu’en 2001, constate Fabrice Coudray, directeur général adjoint du cabinet de chasseur de têtes Robert Half France. Dans le secteur high-tech, la période de panique qui a immédiatement suivi le 11 septembre est maintenant révolue.” Mais les événements américains ont tout de même marqué les esprits : pour les métiers liés aux nouvelles technologies, les recherches de profils confirmés se sont allongées de trois à six semaines. Car les cadres de haut niveau semblent moins tentés de quitter leur entreprise, même si le phénomène tend à s’estomper.
La carrière avant le salaire
Les candidats sont plus que jamais intéressés par une connaissance détaillée du modèle économique de l’entreprise qui les sollicite. “Ils sont moins attachés au salaire proposé dans l’immédiat qu’aux possibilités de carrière au-delà du poste qui leur est offert”, remarque Xavier Guzman, directeur associé du cabinet de recrutement Humblot-Grant-Alexander. Autre changement d’attitude : les employeurs jouent la carte du morcellement. “Les sociétés privilégient désormais les recrutements par sous-ensemble, explique Éric Cabos, directeur général de Freelance.com. Elles découpent leurs grands projets en petites entités que l’on peut stopper plus rapidement. Et qui sont donc mieux maîtrisables.” La pénurie d’informaticiens, autrefois dénoncée, est en partie comblée par les récents licenciements intervenus chez Nortel, Lucent ou Alcatel. Des circonstances qui ont contribué à dégonfler la bulle salariale. “Les candidats raisonnent de plus en plus en terme de package financier, en demandant combien ils toucheront en net chaque mois, prévient Xavier Guzman. La répartition entre le salaire, le variable et les avantages annexes les intéresse moins.”À titre indicatif, à la question sur leurs prétentions en matière de rémunération, les internautes qui fréquentaient en 2001 le site de recrutement Cybersearch, spécialisé dans les NTIC, étaient 14 % à choisir la rubrique ” indifférent “. Ils n’étaient que 6 % en 2000. Une prudence qui n’empêche pas une réelle curiosité pour de nouveaux horizons professionnels. “Nous avons reçu 960 000 visites et enregistré douze millions de pages vues en novembre dernier, indique Mats Carduner, directeur général de Monster.fr. Ce qui représente le record de fréquentation depuis la création de notre site en France.” Fait notable, les entreprises ont de plus en plus recours au net pour recruter. “C’est bon marché et cela convient parfaitement aux besoins ponctuels en recrutement”, souligne Antoine Jeandet. Car à force de trop les reporter, la nécessité de certains besoins en personnel se fait parfois brutalement sentir. Ce qui explique que nombre de recrutements, après avoir été longtemps discutés, se concluent un peu dans la précipitation. “Les commandes d’un collaborateur le vendredi pour le lundi se multiplient”, signale Éric Cabos. Une exigence de célérité pas forcément très raisonnable.
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