“Procès Microsoft, suite… et suite ?”, écrivait Le Nouvel Hebdo le 9 novembre dernier. À l’époque, l’interrogation avait de quoi surprendre. La firme de Bill Gates ne venait-elle pas de parvenir à un accord historique avec le gouvernement américain, mettant ainsi fin à une interminable guerre de procédure ? Peut-être, mais c’était sans compter les ressources infinies du labyrinthe judiciaire en vigueur aux États-Unis. Car depuis lors, menaces de procès, procédures d’appel et jugements en tout genre n’ont pas cessé de pleuvoir sous le ciel déjà lourd de Redmond, siège historique de Microsoft depuis plus d’un quart de siècle. Sur place, l’enlisement est réel. “L’accord intervenu le 2 novembre avec le DOJ [Department of Justice, ndlr] entérine la volonté de l’administration Bush d’en finir avec les poursuites judiciaires, mais il ne préjuge en rien de l’attitude des magistrats”, reconnaît, en privé, un proche du patron de Microsoft.
Neuf irréductibles pour en découdre
En juin 2000, pourtant, l’affaire avait bien failli se conclure. Le juge Jackson, alors chargé du dossier, avait ordonné le démantèlement de Microsoft. Une décision contestée devant la Cour suprême, qui s’était déclarée incompétente, au motif qu’elle ne pouvait faire droit à un appel direct. Retour devant la cour d’appel et, finalement, renvoi vers une juridiction inférieure. En l’occurrence, la United States District Court for the District of Columbia, sise à Washington. C’est là, désormais, que tout se joue : neuf États irréductibles refusent obstinément de renoncer au démantèlement de l’éditeur de logiciels. Leur unique chance de succès : faire enfin reconnaître par le tribunal l’illégalité du “bundling”, c’est-à-dire du couplage des logiciels.Mais rien n’est simple. Avant de renvoyer l’affaire au tribunal, la cour d’appel avait statué que, en couplant son logiciel de navigation web Internet Explorer à Windows, Microsoft contrevenait à la section II du Sherman Act, interdisant à une entreprise de se comporter en prédateur aux seules fins de maintenir son monopole. Au surplus, Microsoft aurait également enfreint la section I du même texte, disposant qu’une entreprise ne peut forcer un client à acheter un deuxième produit pour avoir le premier. C’est tout le phénomène de la “vente liée”. Le juge Jackson avait nettement conclu à la culpabilité de Microsoft dans ce domaine… avant d’être dessaisi. Retour à la case départ.
L’arlésienne version US
Désormais, l’espoir de voir le bout du tunnel s’amenuise. Car même dans l’hypothèse où la United States District Court for the District of Columbia ferait droit aux revendications des plaignants, le procès ne serait pas près de se conclure. D’abord parce que cette décision serait aussitôt frappée d’appel. Ensuite parce qu’il faudra tenir compte des “class actions”, ces plaintes émanant d’associations de consommateurs que Microsoft voulait amadouer en proposant d’offrir des ordinateurs aux écoles, déclenchant du même coup l’ire d’Apple (dont l’un des actionnaires est un certain… Microsoft). La firme à la pomme n’aurait pas hésité, le cas échéant, à porter l’affaire devant les tribunaux. Enfin, parce que le juge n’a pas encore statué sur l’accord du 2 novembre dernier, celui passé entre Bill Gates et le gouvernement américain… Inextricable !En ce début d’année, une seule chose paraît certaine : dans cette affaire, le consommateur n’est plus qu’un lointain souvenir. Certes, chacun continue de se battre en son nom. Mais la “fin de l’histoire”, pour reprendre l’expression fameuse de Francis Fukuyama(*), n’intéresse plus le chaland. Immense gâchis ? Pas pour tout le monde, semble-t-il. Comme l’affirmait récemment, avec un cynisme non feint, un grand patron de l’informatique, “détourner le business de l’économie réelle pour le porter sur le seul terrain de la procédure, c’est encore et toujours du business.” Tout est dit.(*) L’auteur Francis Fukuyama annonçait lors de la chute du mur de Berlin ” la fin de lhistoire “.
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