Real Networks, roi de la diffusion en continu de fichiers multimédia sur Internet est-il en passe de devenir le nouveau Netscape ? Leader incontesté des navigateurs Web, Netscape a aujourd’hui quasiment disparu du marché après le coup de génie de Bill Gates, en 1995 : le cofondateur de Microsoft a tout simplement intégré son propre navigateur Web (Internet Explorer) dans son système d’exploitation Windows, qui équipe près de neuf ordinateurs sur dix.La firme de Redmond se prépare à reproduire ce coup de maître en octobre avec le lancement de Windows XP, qui sera livré d’office avec une version gratuite de Media Player 8, un logiciel concurrent de Real Player, le produit phare de Real Networks . Pour porter son estocade, Microsoft a particulièrement bien choisi son moment.Real Networks traverse en effet sa plus importante crise de croissance depuis sa création, en 1995, par Bob Glaser, un ancien cadre dirigeant de Microsoft. Sur les 4,7 millions d’utilisateurs français et les 210 millions mondiaux de la version gratuite de Real Player, seuls 5 % ont choisi d’en acquérir la version complète, commercialisée près de 30 dollars (34 euros). Représentant environ 20 % du chiffre d’affaires de la société en 2001, cette activité est la plus menacée par l’attaque de Microsoft.
Real cherche des abonnés
En effet, tous les possesseurs de Windows XP disposeront gratuitement de la version complète de Media Player 8. On les imagine donc mal payer pour un logiciel similaire. Chez Real Networks, la ligne officielle est de minimiser l’impact de la sortie de Windows XP : ” Media Player est un produit de qualité inférieure. Son intégration avec XP est pour nous un non-événement “, explique Steve Banfield, chef de produit à Seattle.Pourtant, la société prépare depuis novembre 2000 la transition de son business model actuel vers un modèle d’abonnement récurrent baptisé Gold Pass. Objectif : faire payer les internautes, un peu moins de 10 dollars par mois, pour accéder à des contenus multimédia exclusifs, comme les retransmissions des matchs de la NBA (ligue américaine de basket) ou de la MLB (baseball). Près de 300 000 internautes ont pour l’instant souscrit au service.Ce nouveau modèle économique, destiné à remplacer la vente de Real Player, doit cependant faire ses preuves : le coût de diffusion en continu sur Internet d’un film de 1h30 est estimé entre 5 et 10 dollars pour le diffuseur-partenaire. Soit presque autant que ce que rapporte l’abonnement aux uns et aux autres. Le retour sur investissement de Gold Pass n’est donc pas assuré. Bob Glaser indique pourtant que l’évolution de la marge sur Gold Pass sera fonction de la progression du nombre d’abonnés qui permettra à la société de réaliser des économies d’échelle importantes.Mais Real Networks n’est pas menacée uniquement sur son segment grand public. La société tire en effet près de 40 % de son chiffre d’affaires de la vente de ses applications professionnelles, en majorité des logiciels serveurs.
Bataille sur le marché pro
Alors que Real Player permet aux internautes de voir des vidéos en continu, ces logiciels serveurs sont utilisés par les éditeurs de contenu pour diffuser des vidéos. Pour l’instant, Real Networks est clairement leader sur le marché, ses solutions étant utilisées par 85 % des sites diffusant des contenus multimédia. Mais, là encore, cette position est menacée.Microsoft diffuse depuis plus d’un an des solutions comparables… et totalement gratuites. Pire, la plupart des analystes indiquent que la position de force de Real Networks sur le marché professionnel est une conséquence directe de sa domination du marché grand public, les grands groupes choisissant la technologie susceptible d’être lue par le plus grand nombre de personnes. Avec la distribution de Media Player dans Windows XP, Microsoft est en passe de prendre une position dominante sur le marché du grand public, ce qui l’aiderait à gagner des parts sur le marché professionnel.Conséquence : Real Networks évolue dans un contexte incertain et se refuse à publier des prévisions de chiffre d’affaires au-delà du troisième trimestre 2001. Depuis l’an dernier, le cours de l’action Real Networks a plongé de 91 % et le groupe a vu ses bénéfices pro forma chuter de 77 %, son chiffre d’affaires de 25 %.Pour réduire ses coûts de fonctionnement et rester bénéficiaire, comme elle l’est depuis 1999, la société de Bob Glaser vient d’annoncer la suppression de 140 emplois sur 950. Pour l’instant, il est difficile de prévoir les prochaines réactions de Real Networks. Son président n’a apparemment pas l’intention de lancer un procès à la Netscape. Conscient de la menace que représente Microsoft, Bob Glaser essaye plutôt de verrouiller ses parts de marché en multipliant les partenariats.
Alliés de poids
La société dispose d’un contrat d’exclusivité avec AOL qui intègre Real Player à son offre d’accès à Internet comptant plus de 30 millions d’abonnés au niveau mondial. Autre accord d’importance, la prise de contrôle de 40 % de Music Net, plateforme de vente en ligne de fichiers musicaux d’ AOL-Time Warner, EMI et Bertelsmann. Reste à savoir si cette plateforme, lancée normalement cet automne, générera autant de revenus qu’en attend Real Networks. Merrill Lynch estimait récemment que 25 % du chiffre d’affaires de Music Net reviendrait à la société de Bob Glaser dont l’avenir se joue en partie sur ce service.Dans le cas d’un échec partiel, la survie de Real Networks résiderait dans une hypothétique alliance. Et d’aucuns commencent à laisser entendre qu’ AOL pourrait être intéressé par les solutions de Real Networks, comme il l’avait été par celles de Netscape…
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