- Pro Cycling Manager 2010 : Tour de France, tour de force
- « Rater une révélation, c’est notre hantise »
Les séances de capture de mouvements pour les footballeurs, la physique de la balle de tennis, etc. : le jeu vidéo est habitué à se frotter aux difficultés de chaque sport. Mais, pour le cyclisme, au-delà de l’aspect graphique important, c’est surtout une base de données de 1 370 coureurs qu’il faut entretenir et ajuster avec pertinence et, si possible, précision. Car le plus grand défi des développeurs de Pro Cycling Manager est ailleurs : cerner leur comportement en course et anticiper leurs performances sur le Tour.
Clément Pinget vit en Belgique et fait l’aller-retour chaque semaine jusqu’à Nanterre. Passionné de cyclisme, il est en effet chargé de mener à bien chaque année le nouveau Pro Cycling Manager. Une tâche pas si simple qu’il n’y paraît, puisqu’il lui faut éplucher, avec l’aide de son équipe, les résultats de près de 65 équipes, de 10 à 30 cyclistes chacune, pour aboutir à une simulation aux résultats crédibles. « Pour les coureurs français, belges et italiens, ce n’est pas un souci, car ils marquent des points UCI [Union cycliste internationale, NDLR] en participant à des courses, nuance Clément Pinget. Le palmarès des coureurs, même amateurs, est référencé sur Cqranking.com, une mine d’or pour nous. En revanche, les Espagnols ne participent pas aux courses UCI, alors c’est plus dur. On se réfère dans ce cas aux courses Espoir, ou, sinon, on se repose sur la communauté spécialisée. » Reste ensuite le travail le plus délicat, le plus subjectif, et pourtant essentiel : transformer un athlète en une série de chiffres, avec ses statistiques en montagne, en descente, en contre-la-montre, son accélération ou encore sa faculté de récupération, pour rendre son comportement dans le jeu fidèle à ses futures performances sur le Tour de France…
01net. : Pour attribuer les statistiques, quelles sont pour vous les courses déterminantes ?
Clément Pinget : Paris-Nice, le Tirreno-Adriatico et le Tour du Pays basque, c’est très important. Liège-Bastogne-Liège aussi, pour les puncheurs : le vainqueur est sûr d’avoir sa caractéristique « vallon » au maximum ! [Rires.] Pareil pour Paris-Roubaix et la caractéristique « pavés »…
Avez-vous déjà eu l’impression de surcoter des cyclistes ?
Fatalement, et plus d’un ! Il faut savoir qu’à la sortie d’un Pro Cycling Manager la communauté râle tout le temps sur la base de données, parce que chacun a un rapport affectif à ses cyclistes préférés. Même entre nous, ça chambre lorsqu’on se trompe. Par exemple, j’ai eu tendance à surnoter Freire ou Cunego. Mais qui ne l’a pas fait après sa victoire dans le Giro [celle de Cunego, NDLR] ? Le pire, ce sont les cyclistes qui se révèlent pendant les deux premières semaines du Giro, au moment où nous finalisons les notes. Comme nous devons boucler le jeu avant la troisième semaine, nous avons toujours peur qu’ils s’écroulent au dernier moment, pile quand le jeu n’est plus modifiable !
Contador qui survole les cols, Cavendish invincible l’an dernier dans les sprints… comment jonglez-vous avec le réalisme sportif et l’équilibre du jeu, afin de préserver le suspense des parties ?
Eh bien, dans la réalité, il y a toujours quelque chose qui bloque, même les meilleurs coureurs, comme la motivation, ou une fringale subite, comme Contador dans le Paris-Nice 2009, et qu’il est très dur pour nous d’intégrer. Du coup, on tend à réduire les écarts réels entre les cyclistes, même pour un Cavendish. C’est également indispensable pour les coureurs qui sont à la fois très bons grimpeurs et sprinteurs, comme Valverde, car ils gagneraient tout le temps !
L’an dernier, Brice Feuillu a été la révélation française du Tour. Est-ce qu’il n’est pas tentant pour un studio français de booster légèrement ses statistiques, par coup de cœur patriotique ?
La tentation est clairement là, mais toute la communauté n’est pas française, et, si les joueurs estiment qu’on a favorisé un cycliste, ils n’hésitent pas à nous le dire ! Cela a déjà été le cas par le passé, notamment pour des coureurs français comme Moncoutié ou Moreau. D’ailleurs, on a beaucoup baissé les statistiques de ce dernier, il a 39 ans quand même.
Il n’y a pas de cycliste difficile à évaluer ?
Oh si ! Vinokourov, c’est typiquement le genre de coureur sur lequel on va fatalement se tromper, dans un sens ou dans l’autre. L’année dernière nous avions rencontré le même dilemme avec Armstrong, qui revenait après trois ans d’arrêt, et je trouve que l’on s’en est bien sortis. On lui a accordé des statistiques plutôt bonnes, mais moins qu’avant, et cela correspond à ses performances dans le Tour de France.
Vous n’avez pas peur de passer à côté d’une révélation ?
Forcément. Il y a des cyclistes qui ratent leur début de saison mais se réveillent pour le Tour. C’est notre hantise.
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