Annoncé en septembre 2020, le rachat, ou, en tout cas, l’intention de rachat du britannique ARM par Nvidia, n’a jamais été envisagé comme un long fleuve tranquille par la société californienne. Jen-Hsun Huang, son PDG, ayant annoncé d’emblée qu’il était conscient du temps long et des efforts que ce dossier nécessiterait.
De petites barrières, puis un mur
Le gouvernement britannique avait très tôt lancé une enquête sur ce rapprochement, tandis que le cofondateur d’ARM, Hermann Hauser, répétait à l’envi que cette acquisition risquait de nuire au monde des semi-conducteurs en créant un nouveau monopole américain.
Autant de trous d’air et de petits obstacles qui ont jalonné la procédure de rapprochement jusqu’à présent. Toutefois, la situation vient de prendre un tout nouveau tour. La Commission fédérale du commerce américaine, la FTC, vient d’annoncer son intention de saisir la justice pour bloquer cette acquisition, qui est « la plus grande fusion dans le domaine des semi-conducteurs de l’histoire » arguant que ce rapprochement pourrait « étouffer l’innovation pour les prochaines générations de technologies ».
Car, explique la FTC dans un communiqué, « les technologies de demain dépendent de la préservation de la concurrence d’aujourd’hui sur les marchés des puces de pointe ».
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Un message contre les monopoles
Cette décision de saisir la justice fait écho à l’ouverture d’une enquête par les autorités européennes, mais montre donc surtout l’inquiétude de voir Nvidia gagner un avantage concurrentiel par rapport aux autres acteurs du secteur. Pour la FTC, cet accord pourrait donner à Nvidia la possibilité de nuire à ses concurrents – après tout, une part énorme de l’industrie, des smartphones, de l’IoT, et désormais des PC et serveurs reposent sur les propriétés intellectuelles d’ARM.
La Commission américaine entend également faire de ce dossier un cas d’école, un exemple, dans un contexte où les géants de la tech et leur pouvoir de concentration sont de plus en plus pointés du doigt.
« Cette procédure en justice de la FTC doit envoyer un message fort qui indique que nous agirons avec force pour protéger nos marchés d’infrastructures critiques contre les fusions verticales illégales qui ont des effets à longs termes désastreux sur les innovations futures ».
Quelques précisions avant la plainte détaillée
Dans un communiqué préliminaire, et en attendant tous les détails de l’argumentaire qui figureront dans la plainte, la FTC détaille trois marchés qui pourraient avoir à souffrir, selon elle, du rachat d’ARM par Nvidia.
Le premier tient aux systèmes avancés d’assistance à la conduite. Le deuxième concerne les processeurs réseau chargés d’améliorer et de renforcer la sécurité et l’efficacité des centres de données. Enfin, le troisième marché touche aux puces ARM destinées aux fournisseurs de services de calculs dans le Cloud.
De facto, ce sont trois pans forts qui ont motivé le rapprochement entre Nvidia et ARM.
Mais la FTC souligne d’autres points problématiques. Selon la Commission, en devenant propriétaire d’ARM, Nvidia aurait également accès à certaines des technologies et propriétés intellectuelles de ses concurrents qui travaillent avec la société britannique.
À l’heure actuelle, ARM, qui ne fait que vendre des licences pour ses technologies et propriétés intellectuelles, est un « acteur neutre » du marché, rappelle la FTC. Ce ne serait plus le cas, s’il devait être racheté par un acteur proéminent des semi-conducteurs, ce qui induirait « une perte critique de confiance dans ARM et dans son écosystème ».
Par ailleurs, le rachat d’ARM pourrait dissuader l’entreprise de développer certaines technologies qui pourraient nuire aux intérêts de Nvidia. Une situation qui ralentirait dès lors l’innovation en général.
Preuve que l’inquiétude est partagée au sein de la FTC, la décision de porter cette plainte devant la justice a été adoptée à quatre voix pour, et zéro voix contre par ses membres. Le procès administratif devrait débuter le 9 août 2022. SoftBank, actuel propriétaire d’ARM, va donc devoir être patient. Si Nvidia réussit à défendre son dossier et le voit valider, il aura néanmoins pris beaucoup de retard sur un calendrier initial pourtant prudent. En effet, il est difficile de savoir combien de temps prendra le procès et le rendu du verdict. Ce rachat qu’il soit validé ou rejeté n’aura définitivement pas été un long fleuve tranquille.
Source : FTC
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