Résumé des chapitres précédents :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.”Une force de vente à domicile ? Mais vous délirez, Serisy !” Martigny avait crié d’une voix blanche. Il se mit debout, les mains à plat sur la table. Confus, Arzel se ratatina sur sa chaise. Pris de panique, il s’était senti devenir un imposteur. Les 5,90 % de rémunération et le démarchage à domicile n’étaient pas ses idées, mais celles de Niak. À dire vrai, l’expert du marketing avait parlé de ” pures hypothèses de travail “. Et il n’avait pas été question de les divulguer. Arzel cherchait à rompre le malaise.Pendant ce temps, s’étant saisi de sa cravate, Martigny entreprit de l’enrouler et de la dérouler autour de l’index avec l’expression impassible du caméléon qui ne lance jamais sa langue au hasard. Il fit le tour du paper board. Dans un sens. Puis dans l’autre. La cravate n’était plus qu’une boule de soie grasse et froissée. Martigny la pinçait entre l’index et le majeur. Ayant brusquement détendu le bras, il se mit à talocher le paper board de la pointe de la cravate.”Comme de juste, hurla Martigny, vous me placez devant le fait accompli ! La surenchère dans la course au taux de rémunération passe encore. Mais le coup du porte-à-porte, pour une banque en ligne, c’est du jamais vu… Enfin, je suppose que vous avez reçu le feu vert de qui vous savez ! ” D’un hochement de tête, Arzel suggéra que c’était le cas. Son remords avait fondu instantanément.
“ Qui vous savez…” Si Niak avait mis Martigny au courant de son plan, qu’avait-il à se reprocher hormis le fait qu’il s’en était indûment attribué la copaternité ? Martigny avait regagné sa chaise, la cravate en vrille. Il fit l’exercice de respiration qu’on lui avait enseigné lors d’un récent séminaire sur le charisme dans le management. Il aurait voulu ajouter quelque chose, mais il ne se sentait plus capable que de ruminer. L’aplomb de Serisy l’avait désarçonné. Si un membre du directoire d’Euryx-Bartabas ?” en l’occurrence le protecteur d’Arzel ?” pouvait approuver des solutions aussi abracadabrantes que celles-là, de deux choses l’une ou bien il s’agissait d’un cheval de Troie au service de la concurrence, d’un saboteur ; ou bien il s’agissait d’un fou furieux incontrôlable.”Je ne suis pas d’accord, reprit Arzel. Croyez-moi, Ludovic ! Si ça ne s’est pas déjà vu, la force de vente à domicile pour une banque en ligne, ça va se voir sous peu. Bibop-Carire, notre nouveau concurrent, a annoncé qu’il ne se contenterait pas d’un extranet et de plateformes téléphoniques ; il s’apprête à déployer des conseillers clientèle qui feront du porte-à-porte partout en France. Nous-mêmes chez Prestibank, nous avons toujours insisté sur cette notion de proximité. Elle est compatible avec notre vocation. Ce n’est pas parce que d’énormes progrès ont été réalisés dans la personnalisation et dans la simplification des opérations en ligne que la mise en présence physique du vendeur et du client est devenue inutile. Tout au contraire ! La résistance du réseau traditionnel le démontre.“Martigny fit comprendre à Arzel qu’il en avait assez entendu.
“Eh bien, soupira-t-il, vous n’aurez plus qu’à en convaincre le directoire. Il se réunit dans huit jours. Objectif : la mise à jour de nos actions stratégiques.“
La semaine prochaine : ” Je hais Bill Gates “
*écrivain, journaliste, ancien éditeur. Dernier ouvrage paru : “Caïn et Abel avaient un frère” (LOlivier Édition).
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