Résumé des chapitres précédents : Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Arzel perdait le contrôle. Son fils séchait le lycée. Sa femme ne lui demandait plus à quoi il pensait. La métamorphose du collaborateur qu’il avait entraîné chez Prestibank le préoccupait. Au mépris de leur accord mutuel, accord qui remontait à cette nuit où tous deux avaient abusé du vieux rhum, Gaëtan avait volé sa mission à Arzel. À force de pérorer sur la veille concurrentielle, lui qui aurait dû s’occuper de la satisfaction clientèle, il avait contraint Arzel à assurer cette dernière tâche à sa place. Trop tard pour faire machine arrière. Les gens de Prestibank avaient entériné le renversement des rôles. Du coup, Gaëtan jouissait d’une autonomie croissante, tandis qu’Arzel se débattait sous l’étroite dépendance de Ludovic Martigny. Englué dans l’opérationnel, Arzel ne pouvait défricher par lui-même les solutions d’avenir. Interrogé sur son plan de relance, il divulguait les propositions imaginées par un autre, par Niak en l’occurrence. Pour les soutenir devant le directoire d’Euryx-Bartabas, comme l’en avait prié Martigny, il n’aurait pas assez de huit jours de préparation.Malgré tout, Arzel avait réussi à faire appliquer une idée à lui : une fois dans l’année, les cadres de Prestibank devaient avoir l’expérience du travail des opératrices du centre d’appels. Niak et lui-même avaient montré l’exemple. Quand était venu le tour de Gaëtan, celui-ci avait réclamé la permanence de nuit. Comme par un fait exprès, la téléopératrice qui aurait dû reprendre le service au retour d’un voyage au Sénégal était toujours retenue en otage quelque part en Casamance. “Tu ne peux pas la remplacer au pied levé, avait déclaré à Gaëtan la responsable de la plateforme. Tu n’as aucune expérience…” Pour finir, Marie-Rachel s’était offerte à partager avec lui la permanence de nuit.Arzel s’était levé plus tôt que d’habitude le lendemain matin. Il estimait de son devoir d’être physiquement présent lorsqu’il s’agirait de relever Gaëtan. Ce dernier l’accueillit à bras ouverts :”Quelle nuit de folie, mon vieux ! Que des plaignants et des bretzingues, on a eu, Marie-Rachel et moi… J’ai eu un type qui s’est fait passer pour Nick Leason, tu sais, le mec qu’a fait sauter la Baring ; ouvrir un compte qu’il voulait ! J’ai eu un patron de boîte de nuit qu’a menacé de tout fermer. Il ne peut pas déposer ses liquidités à la poste ; c’est pas dans ses horaires. Le comble, c’est quand le consul de France à Lima a appelé pour nous demander d’envoyer un Falcon à une famille de Français victimes du choléra quelque part près du lac Titicaca. Il croyait parler aux gars de Mondial Assistance !?”Gaëtan ne t’a pas tout dit, ajouta Marie-Rachel. Il n’a pas eu à accueillir que des plaisantins, n’est-ce pas Gaëtan ?
?”Des clients ont passé des ordres de virement, mais j’ai dû me battre avec un bogue. La saisie était interrompue par des vignettes successives :
” Voulez-vous installer la correction automatique ? Voulez-vous poursuivre l’installation ? Voulez-vous reporter l’installation à demain ou à un autre jour ? ” Windows, un cauchemar ! Je hais Bill Gates ! “
C’est à ce moment-là qu’Arzel s’aperçut que Gaëtan avait changé son screensaver : Jennifer Lopez avait remplacé la silhouette du ” Moro “, le voilier qu’avait engagé Gardini dans l’America’s Cup.
La semaine prochaine : ” Une indulgence pas très net “
* Journaliste, écrivain, ancien éditeur. Dernier ouvrage paru : “Caïn et Abel avaient un frère” (L’Olivier Édition).
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