Résumé des chapitres précédents :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Les convertis de fraîche date se laissent aller parfois à l’excès de zèle, histoire de cimenter leur appartenance à la communauté. Jusqu’à frôler l’intolérance. En quelques jours, Gaëtan s’était ainsi fondu dans la ” e-banking family” avec une ardeur et une aisance stupéfiantes. Il avait découvert une autre source d’ivresse que le rhum : le e-cabotage de site en site. Au vieux complexe vis-à-vis de la technique informatique, qu’il n’avait pu soigner malgré le secours du ” PC pour les nuls “, il avait enfin tordu le cou. Le discours des gens du marketing, il l’avait fait sien : c’est toujours l’utilisateur qui a le dernier mot. D’après lui, quelque chose d’aussi banal qu’un service bancaire devait inspirer un mode de commercialisation et de consommation d’une commodité assez convaincante pour demeurer à la portée de tous, y compris des clients réfractaires à la nouveauté, à l’euro, au téléphone portable, à l’éducation sexuelle à l’école, au mariage homosexuel ou à la féminisation des noms de métier. Or, le site de Prestibank était complexe et… lent. Il ne s’affichait pas aussi vite que ceux de la concurrence. Un consultant lui avait livré une explication :” Les moteurs de recherche mettent moins de temps à identifier les sites à densité textuelle. Chez Prestibank, vous avez privilégié la fantaisie graphique. Ça ne facilite pas l’indexation. Les délais de connexion et de chargement s’en ressentent forcément. “
Depuis, Gaëtan s’était mis à dénoncer la ” dictature ” du directeur artistique de l’agence web qui avait emporté l’appel d’offres de Prestibank.Arzel Serisy tança son vieux collaborateur :
“Ce n’est pas deux secondes de temps de connexion qui nous pénalisent par rapport à la concurrence ! Tu t’attardes sur un critère marginal, Gaëtan. C’est sur la qualité de l’offre que seront notées les banques en ligne. “
Mais Gaëtan secoua la tête :
“Avant d’estimer la qualité de l’offre, ce qui représente un gros effort intellectuel, l’e-surfer note spontanément la qualité de la page d’accueil : son attrait, la clarté de ses informations. Eh bien, figure-toi que la nôtre est si confuse que j’ai longtemps cherché le 808, le numéro azur de Prestibank.“
Arzel haussa les épaules. Encore un défaut mineur, facile à corriger !
“Maintenant, ajouta-t-il, voyons sur le fond. Prestibank n’est pas aussi mal placée que tu prétends…“
Gaëtan se rengorgea : “Tu parles de la qualité de l’offre, Arzel… Pourquoi sommes-nous le seul établissement à facturer 30 francs toute opération passée par téléphone ? Si c’est comme ça que Prestibank veut attirer les technoconvertibles de mon espèce, la partie est perdue d’avance.“
?””Mais, mais… objecta Arzel. Parce que le téléphone, c’est une autre époque. Révolue ! Les pires clients de la VPC sont ceux qui commandent par téléphone. Ils sont une source de coût, pas de rentabilité !“
Gaëtan hochait la tête, un frémissement ironique aux lèvres. Il ponctua sa mimique d’un soupir : “Plus je t’écoute, Arzel, et plus je me sens hacké menu. Prestibank a constitué sa base de clientèle en garantissant la gratuité des opérations par téléphone. La décision qui a été prise de les facturer depuis est une sottise. Une satanée e-sottise ! “
La semaine prochaine : ” La fée du centre d’appels “
*journaliste, écrivain, ancien éditeur. Dernier ouvrage paru : “Caïn et Abel avaient un frère” (LOlivier Édition).
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