Résumé du chapitre précédent :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Lèvres pincées, Arzel étouffa un juron. Une latte du parquet avait hurlé à la lune. Pieds nus, respiration bloquée, il venait de contourner le lit conjugal quand, à son tour, le valet vacilla sur son passage. Dressé dans l’angle de la chambre, il croulait depuis deux semaines sous le linge à repasser. Enfin, appuyé à mi-cul sur un montant du sommier, il acheva de se déshabiller. Chemise, pantalon, caleçon, il l’entendit choir entre la bordure du lit et la plinthe du mur, dans cet étroit défilé par où il avait l’habitude d’accéder à son chevet. Et c’est seulement une fois étendu à l’extrémité du matelas qu’il osa se retourner vers sa femme.Astrid était couchée sur le flanc, jambes en travers du lit. Ce déloyal empiétement du territoire compliquait les choses, mais Arzel avait conservé assez de bon sens. La tête calée sur deux oreillers, il se laissait captiver par un reportage télévisé sur Hong-Kong sans cesser d’observer le principe de précaution. Recroquevillé à la lisière du matelas, orientant le bras tantôt le long du corps tantôt à l’oblique pour faire contre-poids, il veillait à ménager l’équilibre au prix d’un risque réfléchi. Plutôt chuter au bas du lit que provoquer le réveil de sa femme. C’était moins compromettant que lui souffler son haleine à la figure.À force de contorsions, l’inconfort de sa position devenait exaspérant. Trop peu saoul, Arzel espérait trouver le sommeil en s’abrutissant d’images télé. Mer et ciel, le bleu de la baie de Hong-Kong envahissait l’écran. Se succédaient vues aériennes, zooms panoramiques, arrêts sur image. Arzel émit un sifflement sarcastique. Le slogan qui accueille les passagers de l’aéroport international trahissait l’utopie commune : ” A MANAGEABLE WORLD “.Chinoise ou occidentale, pauvre ou aisée, la population disait sa fascination. Quoique n’ayant ni tradition religieuse ni vestige historique à célébrer, la ville attirait des foules. Les foules de businessmen faisaient son prestige. “Nulle part au monde, je ne ressens tant d’énergie, disait une jeune britannique. Le plus curieux, c’est la sensation du vide. Ici, il n’y a pas d’élan. “Après Hong-Kong, le Middle West. Un beauf se déclarait enchanté du gel qu’il utilisait pour conserver nickel sa bagnole sous les intempéries. Télécommande en main, Arzel allait lui couper la chique lorsqu’il s’aperçut qu’Astrid pinçait entre ses doigts le dernier numéro de la Gazette de l’hôtel Drouot. Il coiffa sa lampe de chevet du caleçon recueilli au pied du lit. Il dégagea la Gazette de l’hôtel Drouot des doigts d’Astrid.L’écho sur la vente Versace à New York promettait. Qualifié de ” Retour d’Égypte par Hollywood “, le goût du styliste italien poignardé à Miami déchaînait la verve du chroniqueur. Le mobilier de salon tendu d’un imprimé léopard, un beauf milliardaire l’avait payé près de 80 000 dollars. D’un coup, Astrid se redressa.Un fou rire spasmodique secouait Arzel. “D’où vient cette odeur de brûlé ?” fit Astrid. Il avisa le caleçon roussi, l’envoya valdinguer. “ J’en ai ma claque de tes canulars, poursuivit-elle. De prétendus démarcheurs m’ont harcelé hier soir. Noos, Banque Directe, Ebanking… Prestibank. C’est d’un drôle ! “”Pourquoi ça ? chuchota Arzel. Me dis pas que t’es à un tournant de ta vie. Tu me trompes, ou quoi ?“
La semaine prochaine : ” Grandeur nature “
*Dernier ouvrage paru : “ Caïn et Abel avaient un frère ” (LOlivier Édition).
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