Résumé du chapitre précédent :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Il était quatre heures du matin. Au volant de sa Laguna, Arzel faisait les frais de sa médiocre tolérance au rhum vieux de mélasse. Gaëtan lui en avait fait goûter pour le remercier de l’avoir raccompagné à Antony, la réunion chez Prestibank s’étant prolongée tard dans la nuit. Ensemble, ils avaient convenu de leurs tâches au sein de la banque en ligne. Arzel se chargerait de la veille concurrentielle, son subordonné mesurerait la satisfaction clientèle.Arzel avait prêché Gaëtan. Ce dernier se lasserait de la navigation à la voile. Il était à peine vieux. S’il acceptait, il disposerait d’un nouveau bagage professionnel.
“Tu vas y gagner une expérience, mieux que ça : une expertise. Tu la regretteras pas le jour où t’auras envie de reprendre le travail.“
Ça l’avait mis en fureur, Gaëtan. L’expertise l’indignait.
” Tu vas pas me gonfler avec l’expertise, à la fin ! Les gourous et les experts, c’est pas ça qui manque. On leur fait dire ce qu’on a envie d’entendre, crois-moi. Tiens donc, tu te souviens d’Abby Cohen, le gourou de Goldman Sachs ? Eh bien, c’est fou ce qu’elle s’est fait discrète, ces temps-ci. Elle n’y croyait pas à la fin de la croissance américaine. On a ergoté. C’est-y un ralentissement ? C’est-y un aplanissement ? Y’a des mois que ça fume sur le Nasdaq, la v’là qui sort du bois. Oh, elle le tient son augure : “À l’avenir, les gains sur les actions seront plus faibles et la volatilité des cours plus grande que dans les années 1990.” Tu parles d’un pronostic… Y’a pas plus volatil qu’un gourou ! “
Gaëtan s’était incliné pour finir. Il était avide de déboucher le vieux rhum. Son Eldorado raffiné en Guyane anglaise était aussi capiteux que l’eau de toilette de Niak, le génie du marketing, mais il exhalait des arômes bien plus convaincants de vanille, de banane, de coco. D’une traite, il expédiait à La Barbade. Après trois rasades, il faisait entendre le choc des sabres, la ripaille et les chants de la flibuste.Au-delà, insensible au danger, on accédait à l’invincibilité. Par bonheur, Arzel s’était surpris à commettre un spectaculaire excès de vitesse. C’est à 160 km/h qu’il avait pénétré dans Bourg-la-Reine. Un contrôle d’alcoolémie et il était bon pour échanger la Laguna contre une voiturette.
Arrivé devant le parking souterrain de son immeuble, Arzel se frotta les yeux. Il faisait toujours ça avant de s’engager dans la pente, même à jeun. Il n’était plus qu’à une dizaine de mètres de son emplacement quand il se mit à beugler : “Merde de merde ! Pauv’type !” La tôle avait heurté l’arête du poteau en béton qui se dressait au bas de la rampe conduisant au troisième sous-sol. C’était son repère habituel. Il l’avait négligé… En braquant trop tôt, il avait accroché l’aile à l’arrière-droit.En se déchaussant dans l’entrée de son appartement, Arzel se reprocha d’avoir promis à sa femme Astrid qu’il serait rentré avant une heure du matin. Il éteignit la lumière qui brûlait dans le séjour. Il jeta un ?”il par une porte entrouverte sur le couloir. Toujours enrhumé, son fils Théo ronflait. Le fainéant conservait toutes sortes de détritus dans sa chambre : bouteilles de Coca, paquets de chips, de brownies…
Du linge séchait sur l’étendoir de la salle de bains. Au bout du couloir à droite, provenaient un bourdonnement familier et une lumière bleutée. Astrid sétait endormie tout habillée dans leur chambre, la télévision allumée.
La semaine prochaine : ” Harcèlement clientèle “
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