Résumé du chapitre précédent :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Jusqu’à sa nomination comme adjoint du directeur de la relation clientèle chez Prestibank, Arzel Serisy compensait sa routine diurne et verticale par des fantaisies nocturnes et horizontales. Moins physiques qu’oniriques. Il était incapable de lire au lit. Le scintillement de la télé l’abrutissait. Voyant la torpeur gagner son mari, Astrid faisait choir le dernier numéro de Maison Française sur le parquet de la chambre. D’un bond, le regard vague, Arzel se redressait sur ses oreillers.
La méthode de réanimation tenait en une question. Astrid lui lançait : “ Dis-moi, à quoi tu penses ? ” S’il était rompu de fatigue et si elle était en chemise de nuit, Arzel soupirait faiblement : “ À rien.” S’il avait conservé du ressort et si elle était en nuisette, Arzel répondait du ton le plus déterminé : “ Eh bien, voilà. Je pense que nous devrions vendre la maison de campagne. “
Dans le premier cas, il prouvait la vacuité de sa pensée en sombrant aussitôt dans le coma. Dans le second, il se hâtait de la détourner d’un débat douloureux en lui témoignant des trésors de tendresse. Ils n’étaient pas d’accord sur la tolérance admissible en matière de pluviosité, pas plus que sur l’attachement réel de leur fils Théo à ce coin du pays d’Auge, mais ces dissonances comptaient peu. Homme et femme, ils étaient tout à fait capables d’accorder leur corps à corps.Il était toutefois arrivé qu’Astrid fasse les frais de cet accès d’affection, soit qu’il eût négligé les préliminaires amoureux, soit qu’il se fût assoupi pour s’y être trop attardé. La seule chose dans laquelle Arzel s’introduisait sans effort apparent, c’était le sommeil. Jusqu’à ces derniers jours. Plus d’une fois, il s’était réveillé au milieu de la nuit, sans pouvoir retrouver le sommeil. Il se souvenait même d’avoir soutenu une nuit blanche complète d’une partie de pêche au silure sur TF1 à la litanie des cours de Bourse défilant sur Bloomberg TV.Plusieurs choses le préoccupaient : primo, il allait changer d’univers. Deuxio, il ignorait quel ponte de chez Euryx l’avait pistonné ; et ça promettait des sueurs froides et des contorsions. Tertio, il allait devoir se faire accepter chez Prestibank en remorquant derrière lui un collaborateur réfractaire aux nouvelles technologies. Il serait jugé sur le tandem qu’ils formeraient ensemble. On ne pouvait imaginer pire handicap.
Pour Gaëtan, un téléphone portable s’appelait ” une laisse “. Il ne disait pas internet, mais ” interné “. Hostile aux raccourcis clavier, contre-indiqués d’après lui en vertu de son génotype d’arthritique, il avait martyrisé trois générations de souris et dépassé tous les délais de livraison du travail. Il lui fallait une semaine pour produire un état, un tableau comparatif ou une projection, quand le premier stagiaire venu produisait les trois types de document en l’espace d’une matinée.
“Dis-moi, Gaëtan, avait dit Arzel un jour qu’il l’avait surpris en train de travailler à l’écran avec un champ de saisie de la taille d’une carte de visite. Fais-moi le plaisir d’agrandir ta fenêtre. Je me demande parfois si ton cerveau n’est pas cadencé à un kilohertz.
Me manque pas de respect, s’il te plaît. Tu me perturbes. C’est contre-productif de me parler comme ça. Je ne sais plus ce que je fais, à la fin. J’émule ou je clique ?
Les deux, mon capitaine. Tu double-cliques, Gaëtan. Tu actives, tu saisis. Écoute un peu : tu saisis ou tu plantes ? La semaine prochaine :” Louverture du compte “
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