Si vous êtes sorti de chez vous la semaine dernière, vous n’avez pas pu manquer la campagne de lobbying en faveur de l’Internet commuté illimité (via la ligne téléphonique et un modem). Tout le monde en parle. Au point que ça m’a fichu la trouille d’aller chez mon boulanger. Des fois qu’il me dise : “Dites donc, le journaliste, il faudrait peut-être parler de l’Internet illimité pour faire bouger les choses.” Et ça, franchement, j’en ai pas envie.Déjà, détail significatif, les signataires de ladite pétition ne surfent plus sur Internet avec un accès RTC et un modem à 56K depuis longtemps. Et ça se voit. Moi, ça m’arrive encore deux à trois fois par semaine et c’est quand même la galère. Il suffit qu’un de mes potes ait eu la bonne idée de m’envoyer par mail la dernière animation Flash de W. Bush dégommant Ben Laden dans une échoppe afghane et ça y est, j’en ai déjà pour dix bonnes minutes à lire mon courrier. C’est lent, mais qu’est-ce que c’est lent !Le patron du cybermarché Houra ?” qui a signé la pétition ?” a-t-il essayé de faire ses courses en ligne à partir d’une connexion RTC. Il ne doit pas y avoir de meilleur moyen de dégoûter les gens d’acheter sur le Net. Avec un peu de chance, votre connexion coupera à ce moment-là et vous pourrez tout recommencer, ou presque. Je ne vois donc pas pourquoi gaspiller de l’argent ?” il y en a déjà si peu ?” à développer une technologie bonne pour le musée de l’informatique.Tout cela sans compter que la qualité de l’accès RTC illimité risque d’être inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. C’est un peu comme au Flunch. Quand on vous propose des légumes ” illimités “, on s’arrange toujours un peu pour que vous n’ayez pas franchement envie d’en reprendre. Soit les frites sont froides, soit il faut faire la queue si longtemps que vous abandonnez avant. L’accès RTC illimité qu’on nous promet sera comme ça. Il sera soit de mauvaise qualité, soit il sera bridé : déconnexion au bout de 15 minutes d’inactivité et compagnie. Le rêve… pour qui ?Alors, évidemment, on va me ressortir l’argument anglais. Très développé en Grande-Bretagne, l’accès Internet illimité y serait un succès. Sauf que le Royaume-Uni est aussi le pays le plus à la traîne en matière d’accès haut débit (ADSL, câble) en Europe. Pour un fournisseur d’accès à Internet, proposer de l’illimité en RTC, ça a un coût, car les infrastructures de récupération et de gestion du trafic ont un prix.Marc Fossier, de France Télécom, m’expliquait en avril dernier que la généralisation de l’Internet illimité allait coûter, au bas mot quelque 500 millions de francs à France Télécom. Eh bien, moi, je préfère que cette somme soit utilisée pour développer l’ADSL plutôt que pour ressortir du placard une techno qui n’a plus de sens.D’ailleurs, et c’est franchement amusant, mais le plus gros promoteur de l’Internet illimité n’est autre qu’AOL France. Ça vous étonne ? Pas moi, puisque AOL est l’un des seuls fournisseurs d’accès français dont l’offre haut débit est quasi inexistante. On comprend bien tout l’intérêt de la société de Stéphane Treppoz à militer en faveur du RTC illimité : elle n’a que cela à proposer à ses clients. Et surtout, elle a déjà investi 300 millions de francs dedans, selon les mauvaises langues. En proposant un accès de ce type il y a un an, elle a largement investi dans des équipements, en plus de subventionner ses clients de l’époque.La vérité, je vous le dis, mes amis, c’est que la connexion RTC est un appoint lorsqu’on n’est pas à son poste fixe. Et, pour cela, il existe des offres adaptées. Free propose 50 heures de connexion pour 100 francs, ça ne vous suffit pas ?Prochaine chronique vendredi 9 novembre 2001
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