La tourmente boursière qui secoue les télécoms affecte indifféremment la majorité des sociétés. Mais cette vision monolithique ne reflète pas la réalité. Les opérateurs matures, et notamment les opérateurs mobiles, présentent des perspectives bien moins volatiles que les opérateurs alternatifs et les équipementiers. Ces derniers (réseaux et terminaux) sont très tributaires de la conjoncture. La genèse de la crise actuelle résulte de la combinaison suivante :
– surcapacité de production créée chez les équipementiers durant les “années d’or” de la croissance du secteur des télécoms entre 1996 et 1999 ;
– manque d’anticipation vis-à-vis d’un ralentissement du marché lié à l’atteinte d’un seuil d’équipement palier des clients mobiles et internet ;
– fort retard dans l’arrivée de l’UMTS ;
– difficultés rencontrées lors du lancement du WAP, qui montrent à l’industrie que le message technologique ne suffit plus pour vendre, et que l’adoption des services mobiles multimédias par les clients sera plus lente que prévu.
Investissements reportés
En conséquence, “il est urgent d’attendre et de consolider les acquis” et, compte tenu du ralentissement économique actuel et du retour à un certain réalisme, les opérateurs décalent leurs projets d’investissement réseau. Au final, que trouve-t-on ? Des équipementiers frappés de plein fouet par le retour de manivelle (décrochage brutal du chiffre d’affaires et licenciements), quelques opérateurs plutôt perdants, notamment les opérateurs alternatifs, qui ont engagé des capitaux considérables et qui sont confrontés à des barrières liées à l’effet de taille, à des technologies peu stabilisées et à la pression des opérateurs historiques. Mais aussi des opérateurs plutôt gagnants. Ces derniers avaient déjà financé la construction de leur réseau et réussi à construire une base de clients significative. Structurellement, ils opèrent un business model de flux ; ils bénéficient d’une stabilité structurelle de leur chiffre d’affaires et leur rentabilité est moins affectée par la conjoncture économique. Ainsi, le chiffre d’affaires consolidé des sept plus gros opérateurs télécoms européens a crû de 22 % sur le premier semestre 2001 par rapport au six premiers mois de l’année 2000.Qui sort son épingle du jeu ? La situation des opérateurs mobiles demande plus d’explications. Alors que leur endettement s’est accru et que les prévisions de revenus ont été ajustées, ils ont été sanctionnés par les marchés financiers. Pourtant, les opérateurs mobiles matures sont bien positionnés avec, pour certains, le soutien de structures de groupes européens (Orange, Vodafone), une base de clients significative, qui génère un revenu récurrent sur une infrastructure GSM déjà financée, et une baisse de leurs coûts d’acquisition. Ces acteurs ont des structures de coûts qui leur permettraient en théorie de stopper la croissance de leur base de clients pour se concentrer sur la fidélisation et la progression des revenus générés par les clients existants. Les niveaux de leur Ebitda et de leur cash flow seraient rapidement et considérablement améliorés.Les opérateurs mobiles (et fixes) sont donc les moins directement affectés par la crise actuelle : un business model de flux, des clients “en stock”, où l’enjeu est d’en développer la base plus que d’en acquérir de nouveaux, des structures de coûts qui, progressivement rationalisées, leur permettent de dégager des marges sur Ebitda de 25 % à 45 %, des pays européens où le portable est entré dans la catégorie des utilities au même titre que l’électricité ou l’eau, et que les événements des États-Unis ont consacré involontairement comme élément de première nécessité. Au moins pour ce type d’acteurs, le futur est-il presque rose… sinon orange.* Vice-président dAt Kearney
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