Si la plupart des iPhone produits dans le monde sont bien “Made in China”, les usines d’où ils sortent appartiennent en fait à des groupes industriels taïwanais : le géant Foxconn et ses compatriotes Pegatron et Winstron. Mais un chinois s’est invité dans la danse dans le courant de l’été, l’inconnu Luxshare. Une entreprise mise en lumière par un article de Reuters sous l’angle de la crainte qu’elle suscite chez Foxconn. Le géant taïwanais aurait ainsi mis sur pied une équipe de choc pour se « débarrasser » du bourgeon de concurrence chinois. Une affirmation qui n’a été que mollement démentie par Foxconn.
Pourquoi, alors que Luxshare ne pèse que 5% du chiffre d’affaires de Foxconn, ce dernier aurait peur du petit poucet ? Parce que les temps changent.
Primo, le climat économique est mauvais pour Foxconn : l’entreprise dévisse en bourse depuis un peu plus de deux ans et cherche à augmenter ses marges, notamment en diversifiant ses sources de revenus. De l’assemblage d’appareils pour des tiers, Foxconn veut aussi produire ses propres composants – ce qui a déjà commencé avec le rachat de la division écrans de Sharp – et même fabriquer ses propres produits. Mais ces stratégies sont coûteuses et prennent du temps. Et se déroulent dans un contexte où le cost-killer Apple cherche à réduire sa dépendance à Foxconn et Pegatron en faisant jouer la concurrence des prix.
Deuxio, Luxshare a déjà éclipsé un premier taïwanais. En juillet dernier, Luxshare a racheté l’usine chinoise de production d’iPhone de Winstron. Parti de la production de câbles et d’antennes, Luxshare est aujourd’hui le principal producteur d’Airpods de l’Empire du Milieu. Si le deal avec Winstron est validé d’ici la fin de l’année, Luxshare s’invitera en 2021 dans le club très fermé des producteurs d’iPhone, l’un des produits les plus techniques jamais conçus par Apple.
Tertio, l’ombre du pouvoir politique plane forcément sur Luxshare. Si l’entreprise est bien toujours en majorité détenue par les soeur et frère Grace et Laisheng WANG, le gouvernement chinois détient déjà 1,68% de Luxshare via l’entreprise nationale d’investissement Central Huijin Investment Limited. Et Luxshare a aussi reçu pas moins de 148 millions de dollars d’investissement de subventions directes de la part de Pékin depuis 2016 dont 75 millions rien qu’en 2019.
Quatro et ultimo, dans le contexte de guerre économique sino-américain actuel, la stratégie de la Chine vise à réduire sa dépendance aux entreprises étrangères, aussi bien du point de vue technologique que manufacturier. D’un côté le gouvernement chinois doit répondre aux blacklistages technologiques en accélérant le développement de certains secteurs, notamment celui des semi-conducteurs. De l’autre, il doit répondre aux délocalisations que produisent les sanctions américaines en créant des champions locaux. Luxshare semble être le poulain idéal pour mettre sur pied un « Foxconn chinois » dont le cœur ne soit pas à Taïwan mais sur le continent.
Sise dans la ville de Dongguan dans la province de Canton et jouxtant l’énorme zone économique de Shenzhen, Luxshare pourrait rapidement représenter le fleuron de la « chaîne d’approvisionnement rouge », voulue par Pékin. Mais de manière paradoxale, le succès de ce champion chinois dépend grandement du bon vouloir du géant américain Apple. Une information qui n’aura sans doute pas échappé à Washington…
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