Passer au contenu

Qui a voulu se payer la tête d’eMule ?

Il y a quelques jours le destin de la communauté eMule a bien failli basculer. Retour sur une histoire où s’entremêlent sociétés écrans, paradis fiscaux, spécialistes de l’Internet surtaxé et adeptes du logiciel libre.

Tout commence au printemps 2002, avec l’apparition d’eMule, un client mis au point par un informaticien peu satisfait du fonctionnement d’eDonkey2000, un réseau de partage de fichiers. Très vite adoubé par la communauté du logiciel
libre, le programme connaît un succès fulgurant. Au point d’être aujourd’hui l’une des applications les plus téléchargées. Un tel parcours ne va pas sans susciter quelques appétits. L’histoire rapportée sur un site helvétique consacré à eDonkey2000
est éloquente.Il y a quelques mois, un avocat allemand, Günter Freiherr von Gravenreuth, se met en affaires avec l’un des spécialistes germanique de l’accès à Internet via des numéros surtaxés, Bernhard Syndikus. Cette rencontre débouche sur la
création d’une société, 3PO Web-Invest Ltd, domiciliée aux Iles Vierges britanniques, un paradis fiscal situé dans les Caraïbes.Peu de temps après, la société lance sur le Web Masterconnector, un dialer (un logiciel de connexion via des numéros surtaxés), qui permet,
moyennant 40 euros, d’accéder à une banque de liens eDonkey et de goûter aux plaisirs du téléchargement. Rien de bien répréhensible en soi. Comme le relève le site
ed2k.ch, les internautes sont libres de dépenser à fonds perdus quelques dizaines d’euros pour une matière qu’ils peuvent par ailleurs se procurer gratuitement.

Tentative d’appropriation de la marque eMule

Mais les choses vont commencer à se gâter pour nos deux compères, Freiher von Gravenreuth et Syndikus, quand ils vont essayer, par structures juridiques interposées, de mettre la main sur la marque eMule. Pour y parvenir, ils vont s’y
prendre le plus légalement du monde en déposant la marque eMule au DPAM, le pendant germanique de l’Inpi (Institut national de la propriété intellectuelle). La demande est déposée par Firstway Medien GmbH, une société dont le représentant légal
n’est autre que le cabinet d’avocats Frhr. Von Gravenreuth Partner.En effet, égarée dans ses grands principes (‘ la liberté comme notion fondamentale de la création informatique ‘), la communauté qui a permis à eMule de voir le jour avait juste oublié de
faire enregistrer la marque ! Le 1er janvier dernier, Firstway Medien GmbH menaçait l’un des plus gros sites allemands d’eMule, eMule.de, d’une injonction, lui demandant de ne plus utiliser leur nom de domaine.Branle-bas de combat dans la communauté eMule, pour qui cette démarche est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Un site de défense voit le jour et commence à collecter auprès des internautes des fonds pour financer de futurs frais d’avocats (une habitude dans le monde du logiciel libre, puisque l’on retrouve des
pratiques similaires en France sur le site Eucd.info, qui lui se pose en défenseur de la copie privée). Dans chaque camp, on fourbit ses arguments, la pression monte. Puis soudain, le 23 février, le soufflé retombe. Et Firstway finit par
s’engager à transférer la marque déposée eMule
aux développeurs historiques du projet.Entre temps, plus de 22 000 euros ont été récoltés. Une somme inutilisée que les bienheureux donateurs sont invités à venir récupérer, à moins qu’ils ne souhaitent l’abandonner pour la (bonne ?!), cause du logiciel libre.
Un véritable happy end hollywoodien, que n’aurait pas renié un certain Bill Gates…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Philippe Crouzillacq