Dominique Foray
est directeur de recherche au CNRS et professeur à Paris-Dauphine. Il livre à Newbiz la vision d’un économiste sur l’évolution des technologies de l’information et de la communication.Qu’est-ce que la nouvelle économie pour les économistes ? La notion est ambiguë. Un premier niveau d’analyse consiste simplement à la relier à l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (les NTIC) et au développement de l’internet, comme les historiens ont pu parler d’une nouvelle économie surgie de la révolution industrielle ou d’une nouvelle économie sortie de l’industrie automobile naissante. Cette approche est la moins risquée. Mais d’autres observateurs vont plus loin en prétendant que l’idée de nouvelle économie est étroitement liée à l’innovation en matière de lois économiques.
La technologie change, les lois économiques restent
Leur raisonnement ? Les NTIC associées à la mondialisation ont altéré certains mécanismes fondamentaux de la croissance. En un mot : une croissance durable et rapide aurait remplacée le vieux cycle économique composé de successions de phases d’expansion et de récession.De nombreux économistes ont cependant démoli cette vision. La technologie change et de nouvelles activités apparaissent ; les lois économiques, elles, demeurent et la croissance durable n’est pas garantie.Il vaut donc mieux en rester, modestement, à une conception technologique de la nouvelle économie. Gardons-nous toutefois de réduire cette dernière à la partie émergée de l’iceberg : la prolifération des activités liées au Net.La partie immergée de l’iceberg correspond à ce que l’on nomme désormais ” l’économie de la connaissance ” (knowledge economy). Voilà sans doute le vrai socle de la nouvelle économie. C’est le choc entre une tendance qui s’approfondit sans cesse depuis environ un siècle ?” l’augmentation continue des investissements liés à la connaissance ?” et un événement technologique majeur, l’arrivée de l’ordinateur et de ses dérivés (téléphone Wap, agendas électroniques et toutes les NTIC).C’est ce choc qui met à la disposition d’un nombre de plus en plus grand de gens éduqués, formés et hautement qualifiés, un outil puissant de traitement, de transmission et d’acquisition de la connaissance et de l’information. Conséquence ?On observe une croissance massive des activités intensives en connaissance (éducation, formation, activités de conseil et d’expertise, information, santé et activités traditionnelles ” régénérées par l’ordinateur “) qui forme une nouvelle économie. C’est, en somme, la place du savoir qui se renforce partout.Or le savoir est le seul bien qui ne s’use pas lors de son utilisation, qui peut être possédé simultanément par une infinité d’agents, et qui peut être cédé sans que celui qui l’a transmis en soit dépossédé. Au fond, le bien qui est désormais au c?”ur de la machine économique est explosif : il se démultiplie et les flux de connaissances sont plus forts que jamais.Les coûts de cette nouvelle économie, eux aussi, sont élevés. En grande partie à cause du rythme effréné d’innovations. Celles-ci deviennent l’aspect central de la stratégie des entreprises qui cherchent sans cesse à se différencier.Du coup, les équipements et les compétences sont vite déclassés, les nouveaux produits ont une durée de vie courte, les organisations sont déstabilisées. Les coûts d’apprentissage, d’ajustement et d’adaptation explosent.Conséquence : les qualifications et les savoirs ne suffisent pas. Il faut aussi développer les compétences qui permettent de survivre et de prospérer dans le changement : ladaptabilité, la mobilité et la flexibilité.
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