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Quel héritage Stéphane Richard laisse-t-il en quittant Orange ?

Le PDG de l’opérateur historique laisse un bilan en demi-teinte. Il aura initié peu d’innovations, tout en contribuant à faire d’Orange un champion de la fibre optique. Mais il aura surtout pansé les plaies profondes d’un France Telecom meurtri.  

Stéphane Richard démissionne de son poste de PDG d’Orange et quittera ses fonctions au mois de janvier prochain au plus tard. Une décision prise à la suite de sa condamnation hier à un an de prison avec sursis dans l’affaire Tapie.
Ce départ précipité va ouvrir une période d’incertitude en attendant la nomination d’un(e) remplaçant(e). Cela ne devrait malgré tout pas remettre en cause la domination d’Orange sur le marché des télécoms français. L’opérateur restera probablement le leader sur le fixe (près de 12 millions d’abonnés), comme sur le mobile (près de 20 millions d’abonnés).

Mais il est surtout le premier sur le marché de la fibre optique. Il affichait 5,6 millions de clients en FttH lors de ses derniers résultats financiers au mois d’octobre. A lui seul, il a déployé 58% des lignes existantes actuellement en France. Certes, Orange a hérité du patrimoine et de la force de frappe de France Telecom, qui lui ont permis d’investir vite et fort dans la fibre optique. Au point que ces concurrents l’ont souvent accusé d’être en situation de monopole. Il n’a pas non plus subi ces dernières années de grande réorganisation ou de plans sociaux à répétition saignant les équipes comme ce fut le cas pour Bouygues Telecom ou SFR.

Le pari de la fibre

Toutefois, Orange a fait le pari de miser sur cette technologie à un moment où ses concurrents s’en désintéressaient. Ses efforts ont débuté dès 2008. Ils se sont poursuivis les années suivantes sous la présidence de Stéphane Richard arrivé dans le groupe en 2009, devenu DG en 2010, puis PDG l’année suivante.
Lorsque le Plan France Très Haut Débit est adopté en 2013 avec pour objectif de fibrer 80% des foyers français, Orange écrase alors la concurrence en alignant 200 000 clients sur 300 000 en France en FttH.

Au niveau du mobile, le bilan est également positif. Orange aligne sans discontinuer les meilleures performances de qualité de service lors des enquêtes de l’Arcep depuis 11 ans. C’est aussi l’opérateur qui a raflé le plus de fréquences lors des enchères dans la bande 3,5 GHz pour la 5G, ce qui devrait lui permettre de continuer à faire la différence dans les années à venir. On pourrait presque dire que sous Stéphane Richard, le patrimoine de France Telecom a été bien gardé et développé.

Le cuivre et le réseau commuté : une épine dans le pied

Sauf que cette croissance de la fibre optique c’est peut-être aussi faite au détriment de l’entretien du réseau cuivre qui fournit encore communications téléphoniques et accès à Internet en ADSL à plusieurs dizaines de millions de Français.
Les pannes à répétition et le délai des interventions ont fait l’objet de remontrances, et même d’une mise en demeure de l’Arcep. Et il y a un point noir. Stéphane Richard porte le poids de la panne majeure des numéros d’urgence survenue au mois de juin dernier. Un rapport piloté par l’ANSSI a pointé du doigt de gros dysfonctionnements de la part de l’opérateur. Plus globalement, cet incident montre les difficultés à maintenir différentes technologies en même temps comme le réseau commuté et la voix sur IP.

Cette épine dans le pied d’Orange, Stéphane Richard a tenté de l’enlever en poussant à la fin du réseau commuté, puis du réseau cuivre. Le premier est bien engagé, mais le démantèlement des lignes va être l’un des grands défis du groupe dans les prochaines années. Un dossier complexe à gérer, notamment vis-à-vis des clients qui y sont encore attachés.

La fin des ambitions hardware

Si Stéphane Richard aura été l’homme de la diversification avec le lancement d’Orange Bank, il aura aussi acté l’abandon des ambitions en matière d’innovation hardware grand public. Pourtant, le patron d’Orange aimait prendre la lumière et se mettre en scène à la façon des keynote d’Apple lors de grands Show Hello environ une fois par an. C’était alors l’occasion de présenter toutes les nouveautés du groupe Orange. Toutefois, aucun produit grand public matériel sorti des laboratoires de l’entreprise n’a jamais vraiment réussi à s’imposer. Les Livebox d’Orange sortent avec régularité certes, mais jamais en révolutionnant les usages ou le marché comme cela a pu être le cas avec les Freebox. L’échec commercial de l’assistant vocal et enceinte Djingo a même convaincu Orange d’arrêter les frais.

Avec Stéphane Richard, Orange a aussi voulu se présenter  comme un opérateur multi-service et plus simplement télécom. L’opérateur propose, par exemple, de la télésurveillance avec Maison protégée ou de la domotique avec Maison connectée. Des options sont souvent testées dans les autres pays où il est présent en Europe comme la Roumanie ou la Pologne avant de les lancer en France.

La personne qui succédera à Stéphane Richard aura pour mission de creuser le sillon de cette inflexion. Car la crainte de tous les opérateurs est de se voir réduit à un simple rôle de tuyau de l’Internet. La menace des GAFAM n’a en effet jamais été aussi grande avec des boitiers multimédia qui rivalisent avec leur box et des services de streaming qui concurrent les contenus proposés par les opérateurs.

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Amélie CHARNAY