Google a bâti son succès sur son moteur de recherche. Mais il s’est vite diversifié, allant jusqu’à créer en 2010 une entité dédiée à la recherche : le labo X ou Google X. Un labo cultivant le secret et développant des « moonshots », c’est-à-dire des projets « visant la lune », compliqués à mettre en œuvre technologiquement… mais potentiellement disruptifs.
Depuis la création de la holding Alphabet, le labo a été extrait de Google et rebaptisé « X », tout simplement. Attention, il ne s’agit pas de la lettre mais du chiffre dix. Parce que l’objectif est d’avoir « un impact 10 fois supérieur sur les problèmes les plus difficiles à résoudre du monde, pas seulement une amélioration de 10% », comme l’annonce le site officiel.
Si Alphabet a donné l’impression de se disperser, voire de s’enliser sur des terrains impossibles, il commence tout de même à compter un nombre non-négligeable de succès à son actif.
Waymo : la voiture autonome est une réalité
La filiale d’Alphabet Waymo a lancé le premier service commercial de voiture autonome à la demande, Waymo One, au mois de décembre 2018 à Phoenix. L’application a été lancée au mois d’avril sur Google Play, accessible à tous. Une première usine d’assemblage de véhicules autonomes ouvrira bientôt ses portes à Détroit afin de constituer au plus vite une flotte conséquente permettant d’étendre le service dans d’autres villes américaines.
Il aura donc fallu une dizaine d’années et des centaines de milliers de kilomètres avalés pour concrétiser cette nouvelle technologie. Google a su flairer le filon au début des années 2000, a débauché les bonnes personnes dans la foulée du Darpa Challenge consacré aux véhicules autonomes et a eu la judicieuse idée de laisser de l’autonomie à Waymo pour prendre son envol.
Entre-temps, de nombreux obstacles se sont dressés sur la route de ce projet, entre la concurrence de nouveaux acteurs qui l’ont imité, le vol de secrets industriels et la remise en cause de la sécurité de ce type de véhicules.
Waymo les a tous surmontés. Mais des questions restent en suspens : la voiture autonome sera-t-elle acceptée par la société ? La législation suivra-t-elle ? Comment cette technologie s’intégrera-t-elle au reste du trafic automobile ?
Loon : connecter le monde grâce à des ballons d’altitude, bientôt plus qu’un rêve
Loon est un système et réseau de ballons stratosphériques qui veut apporter Internet aux populations n’y ayant pas accès. Une folie futuriste ? Non. Il deviendra grand public avant la fin de l’année au Kenya, grâce à un partenariat avec l’opérateur local Telkom Kenya qui commercialise le service et complète ainsi sa couverture.
Une alliance stratégique vient d’être nouée avec le Japonais Softbank. Ce dernier va investir 125 millions de dollars dans Loon. En échange, Loon va soutenir les drones solaires de la filiale HAPSMobile de Softbank qui doivent servir de stations de relais 5G d’ici 2023.
Les ballons sont positionnés à 18 000 mètres du sol, gonflés à l’hélium et sur-pressurisés pour ne pas éclater. La 4G est utilisée pour connecter les ballons entre eux et à Internet, via une ou plusieurs stations de base au sol.
Les utilisateurs se connectent via une simple carte SIM dans leur smartphone. Loon pourrait prendre davantage d’ampleur dans le cas où Alphabet obtiendrait des fréquences lors de la Conférence mondiale des radiocommunications qui se tiendra en Egypte au mois de novembre.
Wing : la livraison par drone entre en service
C’est Amazon qui a eu l’idée de livrer des colis par drone dès 2013. Mais il s’est fait prendre de cours par plusieurs autres acteurs dont Google qui vient d’inaugurer son premier service commercial en Australie au mois d’avril dernier. Il s’apprête à faire de même à Helsinki, en Finlande, dans des conditions météorologiques moins faciles.
Wing a pour principe de constituer une flotte de plusieurs dizaines de drones stockée dans des hangars en périphérie d’une grande ville. Ils ont pour objectif de transporter des médicaments et de la nourriture à destination de quelques centaines d’habitations. Le premier test opéré par Wing avait déjà eu lieu en Australie en 2014. Wing est devenu une société à part entière de la galaxie Alphabet à l’été 2018. Mais la généralisation de la livraison par drone en milieu urbain dense semble peu probable pour le moment.
L’échec grand public des Google Glass
Dévoilées dès 2012, les lunettes de réalité augmentée de Google devaient être révolutionnaires mais elles n’ont pas séduit le public – pour être plus précis, elles n’en ont pas vraiment eu l’occasion.
Elles promettaient d’afficher sous nos yeux quantité d’informations pour nous faciliter la vie et nous donner l’impression d’être plus intelligents et connectés. Elles ont profité de plusieurs programmes bêta et d’une commercialisation en édition limitée. Mais rien n’y a fait. La communication mal maîtrisée de Google, des questions lourdes et sans réponse sur la vie privée, ainsi que l’omniprésence de quelques glassholes en guise de porte-étendard ont eu raison des Glass.
Le projet n’est pas abandonné mais a été réorienté pour le milieu professionnel, sur le modèle de ce que Microsoft a fait avec HoloLens. Elles ont d’ailleurs été rebaptisées Glass Entreprise Edition. Elles seraient encore utilisées notamment chez General Motors ou Boeing.
Errances robotiques
La tentative du labo X dans le secteur robotique s’est soldée, pour le moment, par un cuisant échec. En 2013, il rachète Boston Dynamics, un fleuron américain qui affole le Web avec ses vidéos impressionnantes de robots aussi mobiles et véloces que des hommes.
Le groupe rafle plusieurs start-up et crée une division dédiée baptisée « Replicant » et dirigée par Andy Rubin. On ignore alors quelles sont les intentions de Google mais le public rêve déjà d’un futur robot assistant humanoïde vendu au grand public. La bulle de spéculations et de rêves se dégonflent quand Andy Rubin part précipitamment au bout d’un an. Boston Dynamics finira par être revendu à Softbanks et la plupart des projets seront abandonnés.
Seuls ceux ayant une vocation commerciale concrète se verront refondus dans le labo X. Les derniers efforts se situent notamment à la croisée de l’intelligence artificielle et de la robotique. Mais les choses semblent avancer à petits pas. Sur le site officiel de X, on peut juste lire la mention laconique “Plus d’informations à venir” .
L’abandon des lentilles connectées pour diabétiques
C’était un espoir pour les diabétiques depuis 2014 mais il a tourné court. Le département Verily, anciennement Google Life Sciences, qui regroupe les projets santé de X, a annoncé abandonner le projet de lentilles connectées mesurant le taux d’insuline en temps réel au mois de novembre de l’année dernière. L’idée était pourtant prometteuse puisque les chercheurs pensaient pouvoir exploiter les informations fournies par les larmes de l’oeil. Mais les résultats se sont avérés moins fiables que prévus, mettant fin à quatre ans de travail.
Verily souhaite se réorienter maintenant vers un projet de lentille intraoculaire intelligente pour améliorer la vue des presbytes ou des patients venant de se faire opérer de la cataracte.
Impossible de passer ici en revue l’intégralité des projets X. Malta vise à améliorer le stockage des énergies renouvelables, Brain se concentre sur l’intelligence artificielle et le machine learning, Chronicle sur la cybersécurité, etc. Certains ont pris leur envol sans qu’il soit possible de trancher sur leur succès ou leur échec comme Calico auquel tient particulièrement le cofondateur de Google, Larry Page.
Créé en 2013 pour lutter contre le vieillissement et les maladies, Calico a donné lieu à un partenariat avec le site de généalogie génétique Ancestry DNA dans le but d’exploiter une énorme base de données d’utilisateurs. L’ambition d’Alphabet est de proposer un jour des outils thérapeutiques luttant contre le vieillissement. Et ce ne sera évidemment pas gratuit. Car si X se présente encore comme une “Moonshot factory”, ce n’est pas du tout une entreprise désintéressée. La rentabilité reste en ligne de mire des projets les plus fous d’Alphabet.
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