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Quatre options marketing

En France, l’Américain AOL joue l’ami du grand public, Club-Internet se veut haut de gamme, l’Italien Tiscali veut se faire reconnaître et Wanadoo règne.

AOL

Avec son forfait de 50 heures pour 14,5 euros, AOL mise sur le grand public et l’accès de tous à internet. “On a mis fortement en avant le meilleur rapport qualité-prix du marché”, note Charles Tonlorenzi, directeur marketing d’AOL France. Un positionnement familial qui propose aux non-convertis un encadrement de la navigation, grâce à un portail propriétaire accessible aux seuls abonnés. Le gros du marché internet n’est-il pas constitué des exclus du web, les non-technoïdes ?Le système AOL de navigation fermée garantit aux annonceurs une audience ciblée et récurrente, mesurée comme dans les autres médias, c’est-à-dire tenant compte du nombre de visiteurs uniques, mais aussi du temps passé par chaque visiteur sur les contenus du site. Reste qu’AOL brille par deux exceptions : l’absence d’un accès gratuit et son scepticisme à l’égard du haut débit. Pour Charles Tonlorenzi, l’internet rapide n’est rentable qu’à un niveau de prix qui sort de son marché : “Le panier média et télécoms moyen des Français ne peut guère dépasser 100 euros par mois”, explique-t-il. En fait, AOL n’investira dans le haut débit que lorsque le prix à la minute de ce type d’accès sera assez bas pour permettre de bâtir une offre marketing pour le grand public.

L’initiateur

Un positionnement radicalement opposé à celui de Club-Internet qui joue le haut de gamme et l’accès rapide. Pourtant, de tous les FAI, AOL est celui qui a le “churn” (taux de désabonnement) le plus bas. C’est aussi celui qui dépense le plus en marketing par abonné, presqu’autant que le premier annonceur dot-com français tous supports confondus, Wanadoo.
Points forts d’AOL : la diffusion massive de kits de connexion, des accords de distribution avec les constructeurs de PC, une exclusivité de distribution chez Auchan et une stratégie de couplage publicitaire avec les médias, par exemple avec Libération.Mais ce modèle centré sur une audience captive est atteint de plein fouet par la crise publicitaire. Aux États-Unis, Robert Pittman (l’homme qui a lancé la chaîne MTV et qui, aux côtés de Steve Case, a inventé AOL) vient de reprendre en mains la direction mondiale du fournisseur d’accès. Pour relancer les services en ligne, il pourrait bien oublier quelques dogmes et miser sur l’accès rapide pour le téléchargement de musique. AOL, un des rares business rentables dans l’accès à internet, sera-t-il celui qui inventera le service grand public de l’internet rapide ?

Club-Internet

Son credo : les Français consomment plus de haut débit que de bas débit. Bruno Breton, directeur marketing de Club-Internet, s’explique : la connexion rapide est un phénomène de masse, car la consommation d’internet se fait d’abord au bureau, où l’internet rapide est la règle. Et le grand public choisit son FAI dans son environnement de travail. Marie-Christine Levet, dès sa nomination à la tête de Club-Internet, a renforcé la position de la filiale française de T-Online sur le marché du haut débit (60 000 abonnés à ce jour) face au leader Wanadoo (530 000 abonnés déclarés). Une stratégie alignée sur celle de T-Online et de son actionnaire Deutsche Telekom dans l’accès payant (en Allemagne, Suisse, Autriche, Espagne, sous la marque Ya, et au Portugal, via Terravista).Pour Club-Internet, le haut débit marque la fin de l’autonomie de transition négociée par Lagardère lors de sa cession à l’opérateur allemand en mars 2000. Selon Bruno Breton, le choix du haut débit est conforme à l’image d’innovateur développée par Club-Internet, depuis sa création en 1995. Ce FAI a lancé le premier Pack Modem en 1998 (sur le modèle des packs pour mobiles de Bouygues Telecom), les premiers forfaits en 1999 (en riposte au déferlement des offres gratuites), et attaqué le marché du haut débit en proposant le premier, en mars 2002, un pack modem ADSL gratuit (inspiré des abonnements à TPS et Canal Satellite qui incluent la parabole gratuite). De quoi donner à Club-Internet une image de FAI haut de gamme, privilégiant la performance de ses outils. Bruno Breton défend d’ailleurs une évolution de l’internet rapide vers les fonctions de communication : “Je crois plus au boom du “rich media” par les outils d’échange que par le téléchargement.”

L’innovateur

Face à AOL, Club-Internet construit un produit d’accès “métissé”, ouvert sur le web par ses fonctions de recherche et d’échange, et offrant des contenus exclusifs : “L’internaute veut à la fois l’ouverture et la sélection, la liberté de choix du web et l’exclusivité réservée à l’abonné”, explique-t-il. Points forts du FAI : son rattachement à Deutsche Telekom, leader de l’accès internet en Europe, et son savoir-faire en matière d’abonnement. Point faible : la problématique de marque unique qui se posera à T-Online pour valoriser ses positions en Europe.

Tiscali

La marque italienne (Tiscali est le nom d’une grotte où se sont réfugiés les Sardes pour résister à l’invasion romaine) s’est imposée comme le vainqueur de la blitzkrieg européenne de l’accès gratuit. Mais avec un parc d’internautes pour moitié en accès gratuit, pour moitié en accès payant, Tiscali est au milieu du gué. Deux ans après le rachat de Libertysurf, la stratégie d’empilement de marques qui a été mise en ?”uvre par Renato Soru ?” Pierre Besnainou, le PDG de Libertysurf préconisait quant à lui la croissance organique ?” conduit Tiscali à opérer une délicate migration de son parc d’internautes sous pavillon italien, alors qu’AOL, Wanadoo, et Club-Internet bénéficient d’une marque déjà bien installée en France. Tiscali veut s’appuyer sur ce statut de “nouvel entrant” et “d’ex-gratuit” pour se présenter comme le challenger des positions acquises, qui se range du côté du consommateur : “Nous voulons être le Leclerc ou le Bouygues Telecom de l’accès à internet”, résume ainsi Caroline Puechoultres, directrice marketing du pôle accès. Ce David de l’internet français fait, en effet, feu de tout bois, profitant de son retard de notoriété pour construire sa marque sur une stratégie de services. Depuis le 14 avril, son offre de haut débit est alignée sur celle de Club-Internet.

Le challenger

Tiscali annonce le basculement progressif du chat et des pages perso en services payants. Depuis septembre, son circuit de distribution a été réorganisé autour de 1 500 points de vente ?” les enseignes du groupe King Fisher (But et Darty), l’ex-actionnaire de Libertysurf, mais aussi Fnac et Casino ?” et réfléchit à “l’ouverture de magasins en propre”, pour contrer les 650 points de vente France Telecom et l’accord exclusif de distribution signé entre Club-Internet et Bouygues Telecom.Enfin le FAI italien compte investir, après l’e-mail vocal lancé en septembre 2001, le segment de la voix sur IP, et développer des forfaits mixtes avec l’opérateur Intercall, propriété du fournisseur d’accès. Mais sa position indépendante à l’égard d’un grand groupe télécoms et médias est-elle soutenable ? Les analystes prêtent à Renato Soru l’ambition de valoriser sa marque à moyen terme pour négocier un rapprochement avec un “mogul” des contenus, sur le modèle d’AOL Time Warner.

Wanadoo

Premier acheteur de publicité parmi les fournisseurs d’accès avec environ 30 % des investissements ; 99 % de taux de notoriété ; leader incontesté de l’accès avec 3,2 millions d’abonnés en France dont 531 000 dans le haut débit… Wanadoo est l’acteur incontournable, celui contre lequel la concurrence aiguise ses armes. Carte maîtresse : son rattachement à France Telecom, gage de confiance pour le grand public. Un lien exploité dans les 650 magasins France Telecom : chez Wanadoo, 40 % des abonnés ont été recrutés dans ces agences. Comme Club-Internet, Wanadoo a lancé sa première campagne de marketing de services à la fin de l’an dernier : un tournant stratégique pour cette marque qui est allée très loin dans la communication abstraite où la technologie promettait un avenir radieux aux consommateurs connectés. “Nous lançons nos produits au plus près des clients, en joignant l’utile à l’agréable”, déclare aujourd’hui Patrice Begay, directeur de la communication de Wanadoo. Le FAI joue aussi la “proximité”, en sponsorisant des opérations nationales comme le Wanadoo Roller ou le Wanadoo Tour.

Le fils à papa

Est-ce à dire que le leader joue son rôle d’éclaireur du marché ? Pas si l’on en croit ses concurrents. Selon eux, l’opérateur historique ne contribue pas à la simplification des offres commerciales, comme il l’avait fait ?” sous la pression de Bouygues ?” dans la téléphonie mobile avec feu Itinéris. “La complexité des offres fait le jeu de FT, dont la marque rassure le consommateur”, affirme-t-on chez Tiscali En particulier dans le haut débit, où Wanadoo se taille la part du lion, et qui constitue le front de la compétition européenne avec le leader T-Online (Wanadoo présent en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique domine l’accès à internet au Royaume-Uni depuis l’acquisition de Freeserve).Patrice Begay confirme que Wanadoo réfléchit, comme Club-Internet ou AOL, aux services liés à l’internet rapide et aux exclusivités à réserver aux abonnés. Mais le premier des FAI français a pour l’instant choisi de jouer les généralistes. Ce sera à la concurrence de créer le vrai marché de l’accès.

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SF