Exit la toile. Parlons plutôt de grille. Imaginez la planète couverte d’un maillage constitué de millions d’ordinateurs, nos ordinateurs, reliés les uns aux autres. Mais à l’inverse du web, ces machines interconnectées partageront bien plus que des données. Chacune sera mise à contribution pour fournir à l’ensemble sa puissance de calcul et sa capacité de stockage. C’est le Grid Computing (grille de calcul). Et, dans cinq ans, il aura révolutionné l’informatique dans tous les secteurs de l’industrie. Plus encore, dans une décennie, il aura tué internet tel que nous le connaissons aujourd’hui. D’ailleurs, les éléments du crime prennent forme. À commencer par l’identité de son instigateur : Tim Berners-Lee. Car qui mieux que l’un des pères du web ?” il a contribué à créer la toile au début des années quatre-vingt-dix ?” pourrait lui désigner un successeur ?
Une puissance de calcul infinie
Tout comme le net, la grille est issue du monde de la recherche. Pour répondre aux besoins des chercheurs, il s’agissait de fournir une puissance de calcul infinie en mutualisant les ressources processeurs des ordinateurs de centaines de laboratoires. Le Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) en Europe et la Nasa (National Aeronautics and Space Administration) aux États-Unis ont été précurseurs en la matière. Mais très vite, l’idée a séduit hors des laboratoires. Le 7 mars dernier, dans les locaux du ministère de la Recherche, se tenait une journée de réflexion intitulée “Les grilles informatiques : une nouvelle révolution”. À cette occasion, le ministre Roger-Gérard Schwartzenberg, hôte de la rencontre, a souligné que “l’utilisation de moyens informatiques puissants est devenue indispensable à la progression de la connaissance et à ses retombées sur la société”. Mais parmi des chercheurs venus de toute l’Europe, la présence de représentants de Hewlett-Packard, de Sun Microsystems, d’IBM, d’EADS ou encore d’EDF venait rappeler une autre réalité : le Grid Computing se transforme peu à peu en un enjeu économique. “Les marchés sont identifiés. De nombreux secteurs sont concernés, à commencer par ceux de l’énergie, de la finance, des biotechnologies et des grands manufacturiers”, explique Bruno Ensellem, consultant en technologies du fonds d’investissement ETF Group. La problématique est simple : toute entreprise qui a besoin de puissance de calcul et/ou d’espace de stockage ?”“telco”, constructeur de PC et de serveurs, spécialiste de la sécurité, des services, ou encore éditeur de logiciels ?” franchira un jour ou l’autre les portes de la grille.
Les géants sur la brèche
Irving Wladawsky-Berger, vice-président technologie et stratégie d’IBM en charge des projets Grid Computing, ne manque pas une occasion d’en marteler l’importance pour l’industrie. D’autant que, chez Big Blue, on veut croire que la mutualisation de la puissance informatique permettra de tripler le chiffre d’affaires de la division Global Services d’ici à 3 ans (services associés à l’implémentation de grilles dans les entreprises et paiement à l’utilisation).
Mais avant de générer du cash, la technologie devra encore faire ses preuves. Principaux problèmes à résoudre aujourd’hui : le contrôle et la sécurité des données. Mutualiser les ressources pour traiter des infos suppose qu’on maîtrise la circulation de ces dernières sur le réseau de PC interconnectés. Cette préoccupation pourrait exclure dans un premier temps le recours au peer to peer (d’ordinateur à ordinateur). Simple contretemps, pour Bruno Ensellem : “Le “Grid Computing” est un terme générique qui désigne un objectif global, alors que le “peer to peer” est plutôt un problème d’implémentation.” Les deux technologies ne sont donc pas invariablement liées. Et, parallèlement, un modèle prend forme, l’idée étant de se référer à un index pour décrire les ressources données et matérielles. Une base qui précisera où se trouve l’information, comment et à quel endroit la déplacer, comment hiérarchiser les tâches, organiser le travail des processeurs. Car placer un code minimal sur chaque machine, lui indiquant qu’elle fait partie d’une grille, ne suffira pas toujours. Surtout lorsqu’il faudra interconnecter les réseaux de calcul.En matière d’intégration de grilles, les plateformes de web services pourraient jouer un rôle central. D’autant que les services web présentent l’avantage de s’appuyer sur des standards (XML, Soap, WSDL et UDDI) qui ont largement contribué au succès du Grid Computing. En témoigne l’adoption par IBM et Compaq de Globus, une plateforme Open Source de gestion de l’allocation des ressources qui s’impose peu à peu comme le standard de ce marché émergent. Autre pionnier du Grid Computing aux côtés d’IBM, Sun Microsystems, de son côté, propose gratuitement sa plateforme Grid Engine. Le calcul est simple, selon Laurent Chaumereuil, responsable marketing de la société : “À partir d’une certaine taille de grille, on bénéficiera des ventes de serveurs associés.” Pour l’heure, plus de 4 000 Grid Engine ont été distribués.De part et d’autre de l’Atlantique, les grilles sont sur toutes les lèvres. Une fois n’est pas coutume, le Vieux Continent n’est pas en retard. Le projet Datagrid, porté par une vingtaine de partenaires européens et financé par la Commission de Bruxelles, a été initié l’année dernière. Seule l’Asie semblait jusqu’ici se démarquer. Mais depuis la fin de l’année dernière, Fujitsu a créé un département de recherche consacré au Grid Computing, et NEC et Hitachi lui ont emboîté le pas. Au Japon, le ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie cherche à financer un projet qui réunirait l’industrie et la recherche sur le sujet.
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