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Quand les députés UMP se déclarent les amis d’Internet

Un rapport rédigé par 28 députés de la majorité tente de cerner les enjeux du numérique et d’apaiser les relations avec les internautes. Ses propositions se révèlent un peu fourre-tout…

Bien trop souvent Internet est caricaturé par les politiques. » Ce ne sont pas des internautes qui le disent mais… des politiques ! En effet, 28 députés UMP ont présenté hier, mardi 1er juin, un rapport de 38 pages intitulé de manière enthousiaste « Vive Internet ! Liberté et règles dans le monde numérique » (à lire ici en PDF). Le document a été remis au président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé.

L’enjeu ? Dépassionner le débat sur la régulation d’Internet, donner des gages aux internautes sur le respect de leur vie privée, la liberté d’information et l’accès à la culture sur la Toile. Autrement dit : essayer de combler le fossé creusé entre les usagers du Net et les pouvoirs publics depuis le vote des lois Hadopi.

Le rapport propose donc une résolution qui clarifierait certaines choses. Les députés souhaitent, par exemple, expliquer plus clairement qui régule quoi dans les pouvoirs publics et l’administration. Ils veulent aussi rappeler combien Internet est un média formidable, offrant un « accès élargi à la culture et à l’information » et de « nouvelles perspectives économiques ».

D’après Lionel Tardy, un député UMP qui a participé à ce rapport et qui s’exprime sur son blog, cette résolution servirait à « définir une doctrine » et fournirait une « base de départ pour l’examen des textes sur le sujet [le numérique, NDLR] ». Lionel Tardy pense ainsi à la proposition de loi sur le droit à l’oubli sur le Net ou au paquet télécoms.

Ainsi, grâce à cette résolution, l’UMP parlerait d’une voix plus unie. « Tout le monde ou presque a tiré les leçons du fâcheux épisode de la Hadopi et considéré qu’il fallait reprendre le dialogue sur des bases radicalement différentes », note encore le député, qui avait lui-même voté contre le projet de loi Création et Internet (ou Hadopi 1).

Plaidoyer pour la Hadopi

Le rapport n’en reste pas là. Il fait aussi une série de propositions sur des thèmes plus précis. A priori, elles n’ont pas vocation à devenir des lois mais plutôt à être appliquées sur le mode de la « concertation avec les acteurs du Net ». Cette pratique, qui consiste en des partenariats et des accords entre acteurs privés (ou entre ceux-ci et les pouvoirs publics), est en fait depuis longtemps encouragée par le Forum des droits sur l’Internet. Le juriste Cédric Manara, professeur à l’Edhec Business School, rappelle qu’il « existe depuis plusieurs années, à l’initiative de la Fevad, de l’UDA (1) ou d’Eric Besson, alors secrétaire d’Etat au Numérique, diverses chartes pour réguler l’activité des comparateurs de prix, la publicité par voie électronique, les plates-formes C2C… Rien de neuf, donc ».

Les députés évoquent aussi plusieurs débats récents, mais là encore sans véritable révélation. A rebours de la proposition de loi du sénateur Jean-Louis Masson, ils disent vouloir préserver la publication anonyme ou sous pseudonyme. Plutôt que de demander aux blogueurs de révéler leur nom, le rapport suggère de leur rappeler leurs droits et leurs devoirs en matière de publication.

Concernant la vie privée, le rapport se montre tout aussi général. Il propose de former les internautes sur leurs droits en matière de données personnelles. « Les réseaux sociaux fragilisent la frontière entre vie privée et vie publique, et les plus jeunes, sans campagne d’information préalable, ont tendance à livrer des informations sur leur vie privée qui pourraient compromettre leur sécurité. » Le document aborde également le rôle de la Cnil, la neutralité des réseaux, la formation des élus à l’usage des outils numériques, le droit d’auteur, etc.

Le rapport estime que les efforts faits pour « moraliser » l’internaute (manière édulcorée de parler de lutte contre le piratage) ne sont pas le moyen le plus efficace pour protéger la propriété intellectuelle. L’idée : se concentrer sur les distributeurs de contenus numériques et veiller à ce qu’ils aient des pratiques plus « loyales » envers les auteurs et les éditeurs. Pour simplifier : qu’un Apple, par exemple, ne profite pas de sa position dominante sur le marché pour dicter sa loi en matière de reversement de droit d’auteur.

Coauteur du rapport, Franck Riester était aussi le rapporteur de la loi Création et Internet à l’Assemblée. Il a tenu à commenter les propositions dans un communiqué de presse. Au-delà du satisfecit qu’il leur accorde, il en profite pour glisser un plaidoyer pour la riposte graduée et la Hadopi. Histoire que l’on n’aille pas croire qu’il y ait contradiction entre la loi antipiratage et le présent document…

(1) Fevad : Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance ; UDA : Union des annonceurs.

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Arnaud Devillard