À peine rentrés, nous sommes déjà crevés. Bronzés dehors, lessivés dedans. Roland, notre boss, qui revient du Lubéron et de Saint-Tropez aussi regonflé que les seins de Loana, a sorti de ses Vuitton une dizaine de nouveaux concepts à mettre en ?”uvre “dès hier“, selon son expression favorite, qui ne fait rire que lui. Je vous épargne la liste complète, pour ne vous livrer que le concept numéro 1 de notre agité du bocal, qu’il a modestement baptisé l’ultra-psy. Vous sentant largués, je vais devancer votre pâle question : “Mais qu’est-ce donc que l’ultra-psy ? “
Réponse, ô combien fondatrice, de Roland : “En économie, ce n’est pas la réalité qui compte, c’est la perception qu’on en a. Tout est psy. Dans la net économie, où tout est pareil, en dix fois mieux ou dix fois pire, tout est donc ultra-psy.” Fortiche, non ?
Conclusion lyrique de Roland : “ Nous avons chacun un abord trop technique de notre boulot, il faut absolument psychologiser notre démarche. C’est la technique qui doit s’adapter à la psychologie, et non pas l’inverse !” Au comité de direction, un silence religieux a accueilli ces paroles. Chacun de nous entendait penser son voisin, appliqué à bien suivre Roland, peinant et ahanant dans les côtes escarpées de son raisonnement. Pour réussir à coller à la roue du champion, une petite injection d’EPO aurait à peine suffi. Le seul concept qu’arrivaient à pondre nos pauvres cerveaux tenait en une question :
“Et concrètement ? ” Eh bien, concrètement, pas grand-chose. Excepté cette catastrophe, que Roland avait gardée pour le dessert : la nomination de Charlotte, la directrice marketing, au poste de directrice adjointe.Bref, apocalypse now : pour Charlotte, son nouveau gourou, Roland a créé ce poste de numéro 2, à la droite de Dieu. Est-ce uniquement dû à notre séminaire d’été à Biarritz, pendant lequel elle s’exhibait en string sur les plages où nous brainstormions comme des bêtes ? À tout ce que qu’elle nous a montré de son… QI ? Non, ce qui a plu à ce Sein-Nitouche de Roland, c’est, dit-il, “sa remarquable démarche psy “. Charlotte a dû lire un ou deux livres dans sa vie (disons trois pour ne pas nous faire traiter de macho), dont un hors-série du Reader’s Digest sur la psychologie d’entreprise. Une niaiserie américaine dont elle se gargarise à chaque roulement de hanches, histoire de nous démontrer qu’elle a aussi un cerveau. Dont sort quoi ? Quelques objectifs aussi psy que fumeux (psychologie-clients, psychologie-gestion, psychologie-machin) et des réunions pénibles en pespective, où chacun devra tout déballer sur la table façon jeu de massacre (psychologie relationnelle).Dans notre paranoïa de cadres sur sièges éjectables, nous n’avons compris qu’une chose : Roland et Charlotte, à mots couverts, sont en train de nous faire avaler un remake très perso de Loft Story, de Koh Lanta et du Maillon faible. Avec leur histoire d’ultra-psy à la mords-moi le surmoi, il ne s’agit que d’une chose : nous aider gentiment à nous éliminer les uns les autres. Excusez ma grossièreté : je repense au string de Charlotte, en me disant que ce n’est pas elle, mais nous qui lavons dans le…
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