Plus rien n’y fait. Ni la célébration de l’UMTS par notre plus grand vulgarisateur scientifique, Michel Serres, ni les premières démonstrations de matériel à Cannes, pas plus que la publication de calendriers réalistes de déploiement n’auront ralenti la crise des équipementiers et opérateurs télécoms.Elle refroidit l’enthousiasme des chantres européens de la nouvelle économie qui voyaient là la promesse du rattrapage européen dans l’une des technologies génériques de la troisième révolution industrielle. De plus, l’impensable commence à être évoqué : et si l’UMTS était notre nouvelle sidérurgie, notre nouveau Crédit Lyonnais ?
Radiographie d’une crise
Avant d’envisager des scénarios extrêmes, il importe de faire la radiographie de cette crise, autour de quatre lectures. La première, très optimiste, est basée sur les travaux des économistes de l’innovation. En substance, l’expérience de la diffusion des innovations vraiment révolutionnaires montre qu’on en surestime toujours les effets à court terme et qu’on en sous-estime toujours les effets sur le long terme.L’électricité, en son temps, a mis près de quarante ans, nous rappelle Paul David, avant de livrer son vrai potentiel. Entre-temps, la fièvre boursière avait produit ses excès, à la hausse comme à la baisse.La deuxième, moins optimiste, renvoie aux travaux des économistes politiques. L’UMTS constituerait un cas d’école d’une erreur de design institutionnel. L’Union européenne aurait agi avec frivolité en décidant le passage accéléré à l’UMTS sans procédure d’harmonisation des modalités d’attribution des licences, alors même que la technologie n’était pas disponible. Le fait que le Japon et les États-Unis ne connaissent pas les mêmes problèmes en fournirait la preuve.La troisième, plus inquiétante, met en exergue la rapacité des gouvernements. Leur appétit financier pressant aurait gâché le potentiel de cette innovation. Les entreprises, victimes d’une telle prédation et durablement affaiblies par leur endettement, deviendraient plus timides dans les déploiements des nouveaux services, compromettant un marché prometteur.La dernière, franchement terrifiante, voit dans l’UMTS la “tulipomanie” des temps modernes. Chaque génération ferait l’expérience de sa bulle spéculative. Et celle des traders online serait l’UMTS.Tout y est : la surestimation du potentiel d’un objet technique, la réfutation des modèles classiques d’évaluation, la surenchère dans les estimations, la contagion du sentiment d’euphorie, les comportements grégaires d’achat, l’échange de promesses plus que de titres, l’arrivée au plus haut des petits porteurs, le refus des analyses contraires… Jusqu’au jour du retournement.Que penser de ces lectures ? Le design institutionnel européen a probablement été exécrable et il est incontestable que les États, assoiffés de rentrées fiscales, se sont engouffrés dans les failles du dispositif. Mais cela serait négligeable si internet était l’électricité de notre temps.
Or, si l’on peut estimer que les révolutions numériques des quarante dernières années ont grandement contribué à la croissance et aux gains d’efficacité productive, il paraît acquis que la dernière vague d’innovations n’est pas comparable à celle de la deuxième révolution industrielle (qui nous a donné, en vrac, l’automobile, le téléphone ou la télévision).Il est probable qu’internet contribuera à transformer les échanges. On peut d’ailleurs faire confiance aux consommateurs pour inventer des usages avec les nouveaux objets nomades. Du reste, il faut beaucoup d’innovations de ce type pour maintenir le rythme soutenu de croissance que nous connaissons.De là à justifier les discours hyperboliques qui ont nourri la bulle financière, il n’y a qu’un pas, qui n’aurait pas dû être franchi. Or, précisément, les opérateurs ont cédé à la pression des marchés. France Telecom a payé Orange en cash, à un prix excessif, au nom des promesses de l’UMTS et pour rester crédible auprès des marchés. Piège fatal.
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