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Premiers tests de la 5G d’Orange : des débits aussi incroyables que mystérieux

À Nice, la 5G d’Orange nous laisse pour l’instant dubitatifs. Absolument incroyable à certains endroits, elle se révèle extrêmement volatile la plupart du temps. Nous avons tenté de comprendre ce phénomène.

Il y a quelques jours, nous vous avons proposé un test du réseau 5G de SFR depuis Nice. Armé de quatre smartphones et d’un protocole strict, nous avons réalisé plusieurs dizaines de mesures afin d’évaluer le potentiel de la nouvelle génération de réseau cellulaire. Nous vous révélions avoir été impressionnés par la qualité de ce réseau naissant qui, contrairement à ce que nous pensions avant d’arriver sur place, était beaucoup plus performant que prévu. Nous vous expliquions en conclusion de notre article qu’à défaut de révolutionner les usages des Français, la 5G pourrait vraiment aider à désengorger notre réseau mobile. 

À lire aussi : On a testé la 5G de SFR et nos résultats sont très prometteurs

Comme promis à la fin de ce premier article découverte, nous sommes ensuite partis à la chasse des antennes des autres opérateurs. À Nice, Orange et SFR ont pour point commun de n’utiliser que des antennes 3,5 Ghz, la fréquence délivrant les meilleurs résultats en attendant les futures ondes millimétriques. Lundi 7 décembre, nous sommes donc partis à la recherche de la 5G de l’opérateur historique. Vous allez le voir, tout ne s’est pas passé comme prévu.

Un protocole devenu irréalisable

Petite séance de rattrapage, parlons du protocole de 01net. Si tout s’était déroulé normalement, nous avions prévu de nous rendre à quatre endroits. Nous souhaitions réaliser des tests au centre-ville de Nice (sur la place Jean Medecin), au port de Nice, au pied d’une antenne (à St-Laurent-du-Var) et à l’intérieur d’un centre commercial. À chaque fois, nous souhaitions utiliser trois outils de benchmarks, l’application Speedtest, l’application nPerf et le site Fast.com. Ensuite, nous devions télécharger un épisode de la série The Mandalorian sur Disney+ (1,4 Go) et téléverser un fichier sur WeTransfer (673,22 Mo), le tout chronomètre à la main. Enfin, Stadia aurait dû nous permettre de mesurer la qualité du cloud gaming en 5G.

01net.com – Quoi de mieux qu’un carnet et un stylo ?

Chacun de nos tests devait être réalisé sur plusieurs smartphones. L’iPhone 12 Pro Max et le Google Pixel 5 n’étant pas encore compatibles avec la 5G française, nous souhaitions utiliser un Huawei Mate 40 Pro (modem 5G intégré) et un Samsung Galaxy S20 Ultra (modem 5G non intégré). Problème, seul le Galaxy S20 Ultra a réussi à reconnaître la 5G d’Orange. Il est donc le seul appareil que nous avons pu utiliser. Orange nous a ensuite indiqué que les terminaux Huawei seront, comme ceux d’Apple, prochainement mis à jour.

Enfin, à chaque fois, notre plan était de réaliser le test en 5G Orange, 4G Orange et en 5G SFR, histoire de vous proposer des comparaisons précises. Ah, c’est beau de rêver ! 

Des résultats incompréhensibles

Après avoir récupéré une carte SIM compatible le matin, nous nous sommes rendus avec beaucoup d’engouement sur la promenade des Anglais histoire de réaliser de premières mesures, un endroit recouvert de publicités pour… la 5G d’Orange. Le logo 5G apparaissait bien en haut de notre Galaxy S20 Ultra, ce qui était bon signe (vous allez voir plus tard que ça ne veut pas dire grand chose).

Premier speed test… 11,9 Mbps descendant, 1,57 Mbps ascendant. Notre étonnement était immense, d’autant plus que l’antenne se trouvait théoriquement à moins de 400 mètres (au port de Nice). En marchant 100 mètres vers elle, nouveau test… 13,8 Mbps, 3,77 Mbps. En comparaison, SFR proposait alors constamment un résultat autour des 200 Mbps, que nous n’avons malheureusement pas pensé à noter. Nous avons choisi d’ignorer ces résultats et de tout recommencer une fois arrivés au port.  

Là-bas, nous avons compris que notre journée de tests était sur le point de ne pas du tout se dérouler comme prévu. Alors que l’antenne devait se situer à 50 mètres de notre smartphone, nous n’avons pas réussi à dépasser les 260 Mbps descendants et 24,8 Mbps ascendants alors que chez SFR, nous étions à plus de 700 Mbps (une antenne se situait dans la même zone). Naïfs, nous avons tout de même tenté de réaliser notre protocole avant d’abandonner à cause de l’incohérence des résultats. En nous déplaçant de seulement quelques mètres, nous perdions plusieurs dizaines de Mbps à chaque fois.  

01net.com – Nos résultats au port de Nice.

Un nouveau protocole pour comprendre le problème

Ici, nous avons dû improviser. Nous sommes allés imprimer une carte de Nice et avons décidé de revoir notre protocole de test. Tous les 50 mètres, nous nous sommes arrêtés pour réaliser un rapide test de débit. Notre nouvel objectif était de « cartographier » la ville en espérant trouver une zone avec beaucoup de débit. Nos résultats se sont au final révélés encore plus étonnants, la vitesse de téléchargement pouvait complètement varier sans raison apparente. Voici une partie de notre carte illustrant bien le phénomène. Nous avons d’ailleurs découvert une immense zone blanche sur toute la coulée verte et la place Massena, des lieux pourtant très fréquentés. Pour le coup, difficile de blâmer Orange, la 5G n’en est qu’à ses débuts et le réseau va beaucoup s’étendre dans les prochains mois.

01net.com – Quelques-unes de nos mesures réalisées à différents endroits. Il ne semble pas y avoir de logique.

Au moment où nous avons quitté le centre-ville de Nice, nous n’avions pas encore identifié le problème. Ce n’est que quelques minutes plus tard, en arrivant près des antennes de Nice Ouest que nous avons commencé à émettre une première théorie sur ce qu’il se passait.

Des antennes capricieuses ?

Au début de cet article, nous vous expliquions qu’Orange et SFR n’utilisaient que des antennes 3,5 Ghz à Nice. À terme, ces antennes seront secondées par d’autres de 2,1 Ghz. Leur débit sera moins puissant mais la couverture sera étendue. 

Justement, parlons de la couverture. À St-Laurent du Var, à l’ouest de Nice, se trouve le centre commercial Cap 3000. C’est ici que nous pensons avoir découvert de quels maux souffrait le réseau en éclosion d’Orange. Sur le toit de l’hôtel Novotel en face de l’entrée principale, il y a une antenne 5G. Devant l’entrée, on bénéficie donc d’un réseau tout simplement incroyable. Nous avons réussi à dépasser les 1 Gbps ce qui, pour le coup, est exceptionnel.

01net.com – Nos meilleurs résultats devant l’antenne.

En nous rapprochant de l’antenne, nous pensions augmenter ces résultats. Pourtant, à notre grande surprise, cela a eu l’effet inverse. L’antenne 5G d’Orange n’est ultra efficace que lorsque l’on est en face d’elle. Sur le côté ou un peu plus loin, les résultats s’effondrent. Nous avons tenté de vous cartographier tout cela.

01net.com – Nos mesures au centre commercial Cap 3000.

Comme vous le constatez sûrement, se déplacer de dix mètres est parfois suffisant pour diviser par dix la qualité du réseau. La 5G d’Orange est sensationnelle à courte-distance de l’antenne, mais perd en puissance ailleurs. Bien sûr, cela n’impactera pas l’utilisateur la plupart du temps. 300 Mbps ont beau être inférieurs à 1,1 Gbps, c’est assez pour utiliser toutes les applications de son smartphone. En revanche, à l’intérieur du centre, on ressent de premiers ralentissements. La 5G 3,5 Ghz n’aime vraiment pas l’intérieur. 

Grâce à la carte du réseau 5G de l’ANFR, nous sommes allés reproduire ce phénomène en face du palais Nikaïa où l’on trouve une antenne 5G. Vers l’antenne (sans être en dessous), nous avons atteint les 783 Mbps descendants et 78,2 montants. 20 mètres plus loin, sur le parking du Lidl, nous étions à 35,1 Mbps descendants et 37 en amont. De quoi appuyer notre hypothèse.

Ailleurs, la 5G fonctionne parfaitement

Cependant, il nous semble important de préciser que ce phénomène ne se produit pas à chaque fois. À l’ouest du centre-ville de Nice, aux alentours du quartier Gambetta, nous avons été bluffés par la qualité de la 5G d’Orange. Située entre deux antennes, cette zone nous a permis de bénéficier de débits bien plus à la hauteur du réseau de l’opérateur alors que nous nous déplacions. 745,94 Mbps descendants au maximum, 360,26 Mbps descendants au minimum… On a enfin de la vraie 5G, stable ! Seule condition pour en bénéficier, rester à l’extérieur. En entrant dans un commerce, on tombe immédiatement sous les 20 Mbps, ce qui confirme que les ondes 3,5 Ghz sont inconstantes. À d’autres endroits, notamment sur la voie Mathis (la voie rapide de Nice), la 5G s’est aussi montrée satisfaisante (250 Mbps alors que nous nous déplacions). Tout cela renforce notre frustration. Pourquoi y a-t-il des endroits où la 5G galère plus qu’à d’autres ? Certaines antennes sont-elles mieux calibrées ?

01net.com – Même en se déplaçant, à certains endroits, la 5G est stable. Gare cependant à ne pas rentrer en intérieur (en haut à gauche).

La réponse d’Orange

Avant de publier cet article, nous avons souhaité présenter nos résultats à Orange. L’opérateur a pris très au sérieux nos remarques et a tenté d’enquêter sur les problèmes que nous avons rencontrés. Plusieurs pistes ont été évoquées par les responsables de l’entreprise, comme le fait que certaines antennes 5G de la ville de Nice, comme celle du port ou de la promenade, ne sont pas encore activées. Le smartphone affiche de la 5G mais ne profite pas du réseau de nouvelle génération. C’est sans doute vrai dans ces cas précis, mais ça n’explique pas les problèmes de distance que l’on a rencontrés à St-Laurent-du-Var. L’opérateur insiste sur le fait que le déploiement de la 5G est progressif et que l’usage «speed test» qu’est le nôtre ne correspond pas à la réalité. Difficile de lui donner tort. Nous n’avons aucun doute sur sa capacité à développer son réseau dans les prochains mois. 

Les antennes sont-elles toutes de même qualité ? 

Revenons au problème de portée des antennes 3,5 Ghz. Vous vous demandez sûrement pourquoi il nous a fallu 10 jours pour nous en apercevoir. À vrai dire, nous avions déjà remarqué un comportement similaire avec SFR dans des proportions moindres. Là où, au maximum de sa forme, une antenne donnait systématiquement entre 600 et 1000 Mbps, nous étions le plus souvent autour des 200 Mbps quand le logo 5G apparaissait en haut de l’écran. C’était moins bien, mais à chaque fois supérieur à la 4G, ce qui nous a laissé penser qu’il s’agissait d’un comportement normal.

Avec Orange, cette instabilité est beaucoup plus problématique. Dans le pire des cas, notamment en rentrant en intérieur, on ne passe pas de 800 à 200 mais de 800 à 20 Mbps, voire moins. Avec un tel débit, il est dur de regarder une vidéo en streaming alors qu’en désactivant la 5G et en repassant en 4G, on profite d’une meilleure connectivité. Ce n’est évidemment pas logique. Heureusement, la plupart des constructeurs ont un système de basculement automatique entre la 5G et la 4G pour répondre à ce genre de scénarii sans que l’utilisateur n’ait à faire quoi que ce soit. 

Après avoir beaucoup réfléchi, nous avons mis au point une hypothèse. 100% du réseau 5G d’Orange à Nice est basé sur des antennes Nokia. 100% du réseau 5G de SFR à Nice est basé sur du… Huawei. L’équipementier chinois banni par les États-Unis et l’Europe est justement réputé dans le milieu pour avoir plusieurs années d’avance sur la concurrence, une étude de GlobalData valide d’ailleurs cette théorie. Nous avons interrogé quelques sources qui nous ont toutes confirmé que notre hypothèse est plausible. Une antenne Huawei fonctionnerait avec une meilleure portée et une meilleure directivité. Bien sûr, tout ceci est à prendre au conditionnel, d’autant plus que la stabilité du réseau de l’opérateur à certains endroits sème la confusion. 

Autre point important, l’arrivée des antennes 2,1 Ghz pourrait rendre la 5G aussi bonne que la 4G en améliorant sa couverture. Les opérateurs communiqueront sur le sujet en 2021. À noter que tous ont décidé de miser sur la couverture en extérieur dans un premier temps, ce qui signifie que ce problème n’est pas spécifique à Orange. Nous vous en parlions d’ailleurs dans notre test de la 5G de SFR. 

Pour conclure, nous dirions que nos premiers tests de la 5G d’Orange ne nous ont prouvé qu’une chose : la 5G en France n’est qu’à ses débuts. Dans quelques mois, ces premières instabilités devraient, on l’espère, être oubliées. On attend aussi beaucoup du passage d’un cœur de réseau 4G à un cœur de réseau 5G en 2023, histoire d’améliorer la latence. En attendant, la 5G continue son rôle premier : désengorger la 4G, tout en nous étourdissant de temps en temps par ses performances d’exception. Faut-il se précipiter et vite changer de smartphone ? Non. Faut-il opter pour un appareil 5G en cas de changement ? Oui, vous avez tout à y gagner. 

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Nicolas Lellouche, avec Amélie Charnay