PowerVia : retenez ce nom, ce pourrait bien être une des pierres angulaires du retour d’Intel dans la course aux performances de la production de semi-conducteurs. Alors que les nanomètres sont le mètre étalon de la plupart des conversations autour de la fabrication des puces, la technologie PowerVia se concentre sur les circuits d’alimentation internes à la puce. Loin d’être une simple pirouette technique, cette approche implique une modification en profondeur de la façon de concevoir structure interne des circuits. Avec comme bénéfices potentiels des gains en matière de circulation et consommation énergétique, entraînant avec elles une baisse significative de la chauffe des circuits. Ainsi qu’un atout de poids : une simplification (potentielle !) du design de la partie logique des puces.
La présentation de sa technologie à la conférence VLSI Symposium qui aura lieu au Japon du 11 au 16 juin prochain est extrêmement importante pour le « titan blessé » des puces qui présentera les résultats de ses premières puces fonctionnelles. Malmené aussi bien par les wafers que par les investisseurs, Intel a perdu depuis plusieurs années sa domination dans le domaine de la miniaturisation des semi-conducteurs.
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L’arrivée du PDG Pat Gelsinger à la tête d’Intel en janvier 2021 dernier a rebattu les cartes avec un changement stratégique majeur : Intel va continuer de développer ses puces, mais il a décidé d’ouvrir ses usines aux autres pour concurrencer les TSMC et autres Samsung. Et pour reprendre le lead avec ses processeurs Core comme pour séduire d’éventuels clients, Intel a besoin d’arguments technologiques majeurs. Et PowerVia le potentiel pour être un de ces arguments.
Découpler l’alimentation et les transistors
Les processeurs modernes de PC ou de smartphones sont des composants électroniques ultra-complexes. D’une part, ils sont constitués de plusieurs « sous-puces » avec des fonctions différentes (CPU, GPU, NPU, ISP, etc.), mais en plus, ils sont de véritables sandwiches d’éléments hétérogènes. Constitués d’une dizaine à plus d’une vingtaine de couches de circuits, ils sont constitués tel un réseau d’autoroutes, routes et chemins de largeur très différentes. Si la finesse de gravure minimale est un élément clé dans la montée en puissance (elle permet de densifier les transistors responsables des calculs), de nombreux autres éléments techniques ont une influence majeure sur les performances. Qu’il s’agisse de l’agence des unités de calcul les unes entre les autres, de la nature du substrat employé, etc. Parmi ces éléments, il y a la façon dont l’énergie circule.
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Sans rentrer dans les détails très pointus de process industriels, il faut savoir que la conception moderne de ces puces commence par la gravure des circuits les plus fins, base sur laquelle les machines déposent, les unes après les autres, des couches de plus en plus grossières. Et à l’heure actuelle, le principe actuel d’alimentation électrique « par l’avant » (Frontside Power Delivery) consiste à « brancher » les circuits d’alimentation directement sur cette couche grossière. Avec comme limite évidente qu’il faut que l’électricité traverse toutes les couches de la puce pour atteindre les transistors de pointe.
Utilisée par la totalité de l’industrie, cette méthode facilite le test des composants, mais implique d’importants coûts de fabrication, des soucis de voltage (plus les circuits d’alimentation « plongent » dans la puce, plus le voltage peut s’effondrer) et de résistance interne.
La technologie PowerVia consiste à découpler la fabrication des circuits d’alimentation de celle des transistors, de manière à alimenter ceux-ci « par l’arrière » et simplifier de manière notable la circulation de l’énergie. Impliquant de nombreux bénéfices (diminution de 30 % à 80 % des soucis de baisse de tension et d’augmentation de la résistance, meilleur agencement interne et une densification potentielle des transistors, gain « gratuit » de fréquence de 6 %, etc.) qui impliquent l’augmentation des performances des puces. Ce à quoi il faut aussi ajouter un argument clé pour les clients potentiels : une baisse probable des coûts de production. Car si la fabrication en PowerVia implique quelques couches de plus, celles-ci sont gravées avec des procédés moins avancés et donc moins risqués que les procédés de pointe.
Des défis et des preuves
Avant de crier victoire pour Intel, il faut effectuer quelques rappels. Le premier est d’ordre technique : si le mécanisme d’alimentation « par l’arrière » PowerVia a des avantages, le procédé emporte avec lui quelques risques. Le premier pour les clients est un risque de baisse de rendement dû par la difficulté à tester les puces, la couche de transistors de pointe étant plus loin des contacteurs de test que dans le cas d’une alimentation par l’avant. Ensuite, si la puce est mal conçue, le risque d’échauffement est supérieur, là encore à cause de l’enfouissement de cette couche ultrafine de transistors. Surchauffe qui peut entraîner avec elle des soucis de durabilité en cas d’élévation excessive de la température – autant vous dire tout de suite que PowerVia va attendre un moment avant d’arriver dans les puces automobiles !
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Finalement, si Intel affirme avec assurance que sa technologie est « bien en avance sur les solutions d’alimentation des concurrents », le souci pour nous est qu’il est tout bonnement impossible de vérifier cette affirmation. Bien que le principe fondamental de l’alimentation par l’arrière soit théorisé depuis un moment par l’IMEC (la « Mecque » du développement des semi-conducteurs) et qu’Intel présente de nombreuses slides rassurantes, il va falloir bien plus que des processeurs de test pour convaincre. Intel assure que sa technologie PowerVia ne demande que deux trimestres d’implémentation dans un node pour proposer les mêmes rendements que l’alimentation par l’avant. Mais ça, ce sera à ses clients industriels d’en juger.
D’autres technologies dans la manche et le travail du temps long
PowerVia sera-t-elle la technologie qui va sauver Intel ? Certainement pas, mais elle pourrait bien être l’une des briques technologiques qui remet Intel sur les rails de la compétitivité. Selon d’entreprise et de nombreux analystes, Intel a, dans ce domaine, jusqu’à deux ans d’avance sur la compétition. Et l’entreprise travaille aussi sur de nombreux sujets comme les nouveaux transistors RibbonFet (de même type que les GAAfet de Samsung), ces deux technologies étant au cœur de « l’ère Angström » des process Intel 20A et 18A prévus dans les deux années qui arrivent. Ce à quoi s’ajoute le travail de pointe qu’Intel est en train de faire sur la gravure EUV High-NA de nouvelle génération.
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Il faut rappeler que l’une des erreurs d’Intel est d’avoir retardé son adoption de la gravure EUV (et donc de la miniaturisation) au profit d’un travail massif sur ces technologies d’amélioration de structure. Alors que son concurrent TSMC a préféré jouer la miniaturisation et les rendements maximum et rester plus conservateur dans la structure des circuits.
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Intel espère donc que son accélération dans la finesse et les rendements lui permette de rattraper rapidement son retard dans ce domaine. Et que les briques technologiques qu’il a développé de longue date finiront par lui (re)donner l’avantage. Le temps des semi-conducteurs est un temps long, où on ne récolte les fruits de son travail qu’une bonne demi-décennie après les premières décisions.
Les premiers éléments de réponse arriveront en 2024 avec les puces Arrow Lake gravée en Intel 20A, puces qui intègreront à la fois PowerVia et RibbonFet.
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Source : Intel