En tant que journaliste en charge des tests de smartphones sur 01net.com, je change très régulièrement d’appareil. A chaque fois vient une longue étape de restauration, qui m’oblige à rentrer mes mots de passe un à un et peut parfois me faire perdre beaucoup de temps. J’ai donc pris l’habitude de conserver un iPhone au côté de l’appareil Android que je teste, sur lequel tous mes comptes sont enregistrés, y compris bancaires. Le smartphone Android devient mon appareil principal. L’iPhone me sert pour les tâches urgentes et contraignantes.
Puis vint le Pixel 3. Impressionnant en photo et extrêmement fluide, un smartphone qui m’a donné envie de tenter l’expérience 100% Android et d’éliminer complètement l’iPhone de mon quotidien. L’occasion de réaliser à quel point quitter iOS est compliqué, surtout quand on y laisse derrière soi dix années de routine numérique.
iMessage, prison sociale
Depuis iOS 5, Apple propose son propre service de messagerie instantanée, iMessage. A la différence d’un WhatsApp ou d’un Facebook Messenger, celui-ci fonctionne de manière complètement transparente. Il remplace les SMS dès que possible sans que l’utilisateur n’ait à solliciter quoi que ce soit. Un bonheur pour les utilisateurs d’iPhone, pour qui le service n’est pas loin de la perfection.
Le problème d’iMessage, c’est qu’il ne veut pas vous laisser partir. Deux jours après avoir inséré ma SIM principale, je me suis étonné de n’avoir reçu aucun SMS sur le Pixel. Plus étonnant, les conversations que je venais de commencer avec l’appareil étaient toutes sans réponses, alors que mes amis sont plutôt réactifs. J’ai alors compris ce qui se passait, leurs iPhone m’envoyaient des iMessage, qui n’arrivaient donc nulle part. Après vérification, mon hypothèse était la bonne, le message était soit « Non distribué », soit parti en iMessage mais jamais arrivé. A aucun moment l’iPhone n’a eu l’idée d’envoyer automatiquement un SMS, ou de vérifier si le destinataire avait toujours iMessage activé.
Comment rendre à mon numéro de téléphone sa liberté ? Des lecteurs m’ont indiqué sur Twitter qu’Apple proposait un outil pour forcer la désactivation en ligne. Après l’avoir essayé, j’ai en effet commencé à recevoir des SMS au bout de quelques heures, même si quelques-uns de mes proches s’étonnaient d’avoir toujours des erreurs d’envoi. Sans doute le temps nécessaire pour que leur appareil apprenne que mon numéro n’équipait plus un iPhone.
Au-delà de toute cette phase de configuration, durant laquelle des SMS sont passés aux oubliettes, quitter iMessage force aussi l’utilisateur à « rééduquer ses amis ». Les SMS n’étant pas la solution de messagerie la plus moderne en 2018, il m’a fallu convaincre mes groupes iMessage de switcher vers Messenger ou faire comprendre à d’autres que l’envoi de vidéos par MMS n’était pas l’idée du siècle. Perdre iMessage est une douleur pour un habitué de l’iPhone, une douleur qu’Apple fait tout pour faire remarquer. Trois semaines plus tard, iMessage me manque toujours autant et pourrait être l’élément qui finira par me faire revenir. Preuve que cette stratégie fonctionne.
Accéder à son compte iCloud sur Android
Plutôt séduit par l’approche d’Apple en matière de vie privée, j’ai toujours préféré utiliser iCloud pour mes données personnelles plutôt que les services Google. Mails, calendrier, contacts ou photos… Toutes mes données sont stockées sur la plate-forme d’Apple. Je me doutais que y accéder sur Android ne serait pas facile, je ne me suis pas trompé.
Apple ne laisse pas à Android la possibilité d’accéder à un compte iCloud facilement. Pour en configurer un dans l’application Gmail, il faut sélectionner « Autre », entrer son adresse mail et… insérer un mot de passe spécifique. Les plates-formes tierces n’ont pas accès au système de double authentification de la marque, ce qui empêche tout bêtement l’appareil de se connecter. Apple indique à Gmail que le mot de passe est incorrect.
Rendez-vous alors sur iCloud.com qui demande un code à six chiffres pour se connecter… un code qu’il envoie uniquement sur un appareil Apple, comme un iPhone. Heureusement, une option SMS est cachée dans un sous-menu et permet de se connecter tout de même. En fouillant les réglages d’iCloud, rien. Il faut en fait se rendre sur le site appleid.apple.com et « créer un mot de passe spécifique ». Apple génère un mot de passe unique qui ne fonctionnera qu’avec l’application Gmail sur Android, pour retrouver sa boîte mail. Les contacts et les calendriers ne sont en revanche pas synchronisés. Pour les retrouver, pas d’autre choix que de les exporter et de les importer sur un compte Google (en passant par l’application Google Drive, par exemple). Impossible d’ajouter un contact sur le Pixel et de le retrouver sur mon Mac sans iCloud.
En l’absence de client Apple Photos sur Android, impossible de retrouver ma photothèque de 80 Go sur mon smartphone Android. Seule solution, tout télécharger en local sur mon iPhone et les importer dans Google Photos. L’utilisateur non fibré peut donc en avoir pour plusieurs semaines. Seul Apple Music est disponible sur Android et ne pose aucun problème de conversion.
Rester, ou tout quitter
Paradoxalement, pour retenir un utilisateur dans son écosystème, Apple le pousse à tout transférer chez la concurrence. C’est le constat que je dresse de cette expérience de migration vers Android. J’aurais aimé profiter du Pixel en conservant mes services Apple mais la marque fait tout pour que l’utilisateur qui l’abandonne n’ait pas d’autres choix que de tirer un trait sur tout le reste de son écosystème. Pas besoin de vous dire qu’un HomePod, une Apple Watch, un Mac ou un iPad se montrent bien moins collaboratifs avec un Pixel qu’un iPhone, histoire de rappeler à l’utilisateur qu’il est désormais sorti d’un monde intégré, passé dans une autre dimension, celle des smartphones Android. La stratégie d’Apple est cohérente mais peut aussi repousser le client qui aurait le courage de tout abandonner.
Vais-je revenir sur iPhone dans un futur proche ? Peut-être. Mais si on devait tirer une morale de cette histoire, c’est qu’il ne faut jamais trop dépendre d’un écosystème, au risque de se retrouver pris au piège.
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