Défendre le lancement de chaînes de télévision financées par la publicité expose ces jours-ci au scepticisme, voire au sarcasme. Il est vrai qu’après avoir vécu quelques mois au régime “croissance avant tout”, les tableurs informatiques des responsables financiers sont passés en mode “huile de ricin” et “recettes éprouvées “. Les positions vis-à-vis de la télévision numérique terrestre (TNT) témoignent de ce basculement, s’agissant notamment de sa composante d’offre gratuite.D’après les équilibres esquissés par le CSA, cette dernière devrait représenter 12 à 15 des 30 chaînes nationales diffusées. S’agissant des 8 programmes publics, la part de financement publicitaire devrait rester minoritaire (France 2, France 3, et les créations France 4, FT Infos, Territoires), voire marginale (Arte, La Cinquième, et La Chaîne parlementaire). Resteront 4 à 7 nouvelles chaînes à financer par la publicité et les compléments de recettes à assurer aux programmes payants. Cela est-il envisageable ? Trois remarques incitent à répondre positivement, au-delà des inquiétudes conjoncturelles liées à l’évolution négative de 2001.En premier lieu, la durée du ralentissement économique reste à préciser. Si le FMI paraît pessimiste, l’OCDE se déclarait fin septembre “confiante quant à la probabilité d’un redressement rapide “. La Banque mondiale prévoit pour les pays développés une croissance légèrement supérieure en 2003 à celle de 2000 (3,5 % contre 3,4 %). L’OFCE juge qu’en France, la reprise de la consommation des ménages et de l’investissement “sera nette dès le second semestre 2002 “. Les variables, dont le niveau de recettes publicitaires dépend le plus directement, devraient ainsi repasser au vert avant le démarrage des émissions.L’effet de mise à niveau sur leurs voisins européens, dont les annonceurs français pourraient profiter, offre une deuxième perspective de dynamisme des recettes publicitaires : quand le montant global des investissements en communication était en 2000 de 454 euros (2980 francs) par habitant en France, il atteignait 495 euros au Royaume-Uni, 551 euros en Allemagne, jusqu’à 564 euros aux Pays-Bas et même 804 euros en Suisse, selon une étude Euro Pub.Troisième aspect, les opérateurs de télévision peuvent escompter un rééquilibrage de leur part du marché publicitaire : représentant 12,5 % des dépenses médias et hors médias, les opérateurs français se situent aujourd’hui à un niveau comparable à celui atteint par leurs homologues allemands (12,8 %), mais sensiblement inférieur à celui des Britanniques (22,3 %), celui des Espagnols (23,3 %) ou des Italiens (28,8 %).
Quand l’offre s’élargit, la pub aussi
Transformer en chiffre d’affaires à l’indicatif cette élasticité pressentie au conditionnel constitue la clé. Les précédents allemands ou italiens attestent que le développement de l’offre est facteur d’élargissement du marché. S’agissant de la TNT, on est évidemment tenté de lier la montée en charge des recettes publicitaires et la pénétration de l’outil, donc finalement le niveau d’attractivité de l’offre de programmes.Cela conduit à rediscuter le schéma qui considère l’offre payante comme le principal moteur de la TNT. Et si les chaînes en clair et les éventuels services interactifs s’avéraient assez attractifs pour stimuler la demande de décodeurs ou de téléviseurs adaptés, pour permettre la baisse des coûts de production et pour offrir ensuite une cible de choix au(x) distributeur(s) de l’offre payante ? Dans des périodes de vents porteurs, un tel scénario serait qualifié de cercle vertueux. J’assume le fait que, compte tenu du pessimisme ambiant, les observateurs le qualifient dangélique ou naïf. Les conclusions auxquelles parviendra le CSA, et la gestion des composantes gratuites et payantes qui en découlera, seront déterminantes.*consultant, Nouveaux paysages audiovisuels
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