« Un instrument de transaction, oui. Une monnaie souveraine, non. » Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, a réagi vivement au dévoilement officiel de la libra, mardi 18 juin, sur l’antenne d’Europe 1. « Que Facebook crée sa propre monnaie, un instrument de transaction, pourquoi pas. En revanche, il est hors de question qu’elle devienne une monnaie souveraine », a-t-il insisté.
Libra au service de Facebook ?
L’État est-il menacé dans ses fondements ? La réponse est ferme : « L’attribut de la souveraineté des États doit rester aux mains des États, et pas des entreprises privées, qui répondent à des intérêts privés ». Une société ne peut pas entrer en « concurrence » avec les pays, qui obéissent à l’intérêt général.
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Disponible en 2020, la libra sera indexée sur une réserve de devises, composée à la fois par les fonds des 28 entreprises composant le consortium et des achats des utilisateurs. C’est donc moins une démarche de banque centrale que de banque commerciale qui est derrière ce nouvel outil. D’ailleurs, le livre blanc publié [PDF] par la Libra Association explicite qu’elle n’aura pas de politique monétaire propre et appliquera les ordres des banques centrales.
Le spectre du financement du terrorisme
Néanmoins, Bruno Le Maire demande des « garanties ». Se refusant de l’appeler une « monnaie », le ministre exige que « cet instrument de transaction ne puisse pas être détourné pour financer le terrorisme ou toute autre activité illicite ». Des inquiétudes qui font écho aux reproches faits régulièrement aux cryptomonnaies. Selon le dernier rapport officiel de TracFin, l’autorité française anti-blanchiment [PDF], le financement d’activités illicites constitue le risque principal, grâce, entre autres, à l’anonymat.
Cependant, la monnaie virtuelle de Facebook se démarque de ses pairs sur ce point. Pour acheter et payer en libra, il faudra montrer patte blanche et fournir une pièce d’identité afin d’utiliser Calibra, le portefeuille numérique de Facebook.
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Un nouveau siphon à données personnelles ?
Autre point soulevé par le ministre de l’Économie : la collecte des données personnelles par Facebook. « Cette cryptomonnaie va permettre à Facebook d’accumuler à nouveau des millions de données, et se retrouver encore en situation de monopole », a-t-il martelé, cette fois, devant les députés, mardi après-midi.
Le directeur de Tracfin, Bruno Dalles, qui dit avoir appris l’existence de la libra dans la presse, prévient également les consommateurs : « Avec ce produit censé permettre les transferts de fonds internationaux sans subir les variations de taux de change, les utilisateurs risquent la captation de leurs données financières personnelles », dans une interview accordée à l’Express.
De son côté, l’entreprise de Mark Zuckerberg assure que Calibra et la Libra Association sont deux entités distinctes et qu’elles ne fourniront aucune donnée au géant de Menlo Park. Sauf en cas de violation de la loi -lire les petites lignes des conditions générales d’utilisation [PDF].
2020, un tournant pour Facebook
La monnaie est un outil éminemment politique. C’est pourquoi Bruno Dalles regrette son lancement médiatique en l’absence de toute concertation avec autorités financières. « La balle est dans le camp de Facebook, c’est à eux de contacter Tracfin et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution afin d’organiser l’indispensable régulation », a-t-il détaillé.
Si Bruno Le Maire a pointé du doigt Facebook, c’est surtout pour enfoncer le clou sur la taxation des services numériques, qui échappent encore à l’impôt et donc à l’État. « Cela renforce ma conviction, a-t-il plaidé devant l’hémicycle conquis. La taxation des géants du numérique est un enjeu du XXIe ». Et, en a profité pour rappeler l’avancée du projet de taxe Gafa, dans les tuyaux de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) prévu pour 2020.
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