La qualité de service de la 5G sera-t-elle la même à Strasbourg que dans le reste de la France ? Pas sûr. A quelques kilomètres seulement de la frontière allemande, la capitale de la région Grand Est et siège du Parlement européen pourrait subir de plein fouet des interférences avec les communications de notre voisin d’outre-Rhin. Il en résulterait des brouillages pouvant perturber et même totalement empêcher l’utilisation du réseau 5G.
Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin, trois départements seraient concernés, ainsi que des villes comme Colmar et Mulhouse. Car l’ANFR a prouvé dans un rapport que les interférences 5G peuvent s’étendre sur des dizaines de kilomètres. Il faudrait respecter une distance idéale de 68 kilomètres pour éviter toute détérioration du débit montant.
La 5G impose une “circulation alternée” des communications
Si ce scénario catastrophe est aujourd’hui redouté, c’est parce qu’il n’existe pas encore d’harmonisation de la synchronisation de la 5G à l’échelle européenne. Avec la 2G, 3G et 4G, les communications entre une antenne mobile et les smartphones des utilisateurs se faisaient sur deux bandes de fréquences différentes et simultanément. C’était la technique dite du FDD (Frequency Division Duplex).
« Elle est comparable à une route avec deux voies de circulation, où les voitures circulent dans chaque sens sans risque de collision », nous explique de façon imagée un porte-parole d’Orange.
Mais avec la 5G, c’est une autre technique qui va se généraliser : le TDD (pour Time Divison Duplex). Il consiste à envoyer et recevoir des informations à tour de rôle sur la même bande de fréquences.
« C’est comme s’il n’y avait plus qu’une seule voie de circulation : pour éviter tout risque de collision, il faut alterner le sens de circulation dans le temps », reprend Orange.
Cette « circulation alternée » impose aux opérateurs de se synchroniser entre eux. L’Arcep a prévu d’imposer une trame de synchronisation de référence à tous les utilisateurs français de la bande de fréquence 3,5 GHz à partir du 1er juillet 2020.
Elle détermine des slots pour les phases d’émission et de réception entre les stations de base et les terminaux des clients, de manière à les répartir dans le temps. Il a fallu notamment prendre en compte le cas particulier du THD Radio, qui s’appuie localement sur une partie du spectre 5G pour délivrer un accès à Internet fixe Haut et Très Haut Débit.
Une synchronisation parfaite est impossible
Le gros souci, c’est que nos pays voisins n’ont pas choisi la même trame. Chacun a déterminé la sienne dans son coin. Une synchronisation parfaite est donc impossible pour l’instant.
« Le Royaume-Uni a pour l’instant la même trame que nous. Les opérateurs allemands ont choisi une trame différente et la Suisse nous a indiqué qu’ils s’aligneront sur le résultat de nos discussions avec l’Allemagne. Pas de choix de trame encore en Espagne », nous explique Éric Fournier, directeur de la planification du spectre à l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences). « En Italie, la trame est proche donc cela posera peu de problèmes. La trame de l’Allemagne, très éloignée de la nôtre, est plus préoccupante », complète-t-il.
La situation à la frontière franco-allemande semble épineuse. La Bundesnetzagentur, l’équivalent allemand de l’ANFR, ne tient pas à commenter les discussions en cours, nous concédant tout juste qu’elle est « consciente que des interférences mutuelles entre utilisateurs de fréquences peuvent se produire ». Elle évoque aussi des accords à conclure directement entre opérateurs.
Du côté de Deutsche Telekom, on tient à rassurer. L’opérateur mise, lui aussi, sur une coopération entre opérateurs.
« Si des problèmes surviennent, nous les résoudrons ensemble. Nous sommes prêts à entamer des négociations dès que la bande de fréquence 3,5 GHz aura été attribuée en France », nous a confié son porte-parole, Michael Reifenberg.
Des négociations en cours
Le niveau d’interférences dépendra de plusieurs facteurs : géographie du terrain, présence de la mer ou encore niveau d’imbrication des frontières. Différentes réponses techniques sont étudiées en France.
« La synchronisation exigerait que les stations de base d’un pays n’émettent que pendant que celles du voisin sont en réception. Mais cette solution n’est pas implémentée dans les équipements », évoque Éric Fournier. « On pourrait aussi couper le bloc de fréquences qui pose problème en deux. Mais cela entraînerait une perte de capacité de 15 à 20% », nous détaille encore l’ANFR.
Des négociations sont en cours entre l’Agence française et ses homologues de chaque pays frontalier pour revoir les accords bilatéraux qui existent déjà. Les discussions se basent sur une recommandation récente pour éviter les brouillages qui a été émise par le Comité des communications électroniques (ECC) au sein de la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT).
Pour le moment, il n’y a pas encore eu d’accord signé. Le temps presse. Les Allemands ont déjà commencé à émettre. Les opérateurs français, eux, commenceront à activer leurs fréquences 5G au mois de juillet. Ils éviteront peut-être soigneusement la proximité de nos frontières pour débuter.
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