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Pourquoi Google+ décolle enfin

Après un démarrage plutôt lent, presque confidentiel, le réseau social de Google commence enfin à s’affirmer. Une montée en puissance qu’il doit à trois points essentiels : facilité d’utilisation, absence de publicité et variété de services associés.

Evénement inédit : le 30 janvier dernier, à 18 h, les Américains se préparaient à tchater en vidéo avec leur président Barack Obama, sur un réseau social. Et pour cette opération, la Maison Blanche n’avait pas choisi Facebook, le plus populaire d’entre eux, mais son challenger : Google+. Un fait significatif qui a braqué les projecteurs sur le géant du Web, jusque-là tapi dans l’ombre du leader. Et qui a confirmé également les légers signes de désaffection pour le réseau de Mark Zuckerberg, que souligne le rapport Pew Internet : 20 % des utilisateurs ont déjà quitté définitivement Facebook.

À cela s’est ajouté un changement dans les habitudes des internautes, avec la montée en puissance des réseaux sociaux. Il y a encore trois ans, le premier réflexe des utilisateurs consistait à se rendre sur le moteur de recherche de Google pour y lancer une requête. Aujourd’hui, les infos lui arrivent directement par le biais des messages postés sur les réseaux, les tweets des personnes influentes ou les alertes par mail. Ces évolutions ont poussé Google+ à entrer dans une ère de reconquête, qu’il est en passe de réussir.

Ce qui saute aux yeux en premier lieu, lorsqu’on se connecte à Google+, c’est sa simplicité. À la différence de Facebook, le site a choisi une présentation très épurée. Celle-là même que l’on retrouve dans tous ses services et à laquelle on est habitué. Son système de contacts joue aussi la carte de la facilité en s’appuyant sur des cercles (l’équivalent des listes d’amis sur Facebook), entièrement personnalisables et cloisonnés. Il suffit de faire « glisser » ses contacts dans les cercles correspondants (amis, famille, travail, etc.) pour les y intégrer.

Dans le même esprit, les règles de confidentialité sont simples et efficaces. D’une part, la page des réglages vous permet de gérer tous les paramètres d’un seul coup (visibilité du profil, partage, photos, notifications, etc.), en langage clair et surtout en quelques clics. D’autre part, chaque message peut être défini comme public ou réservé à certains cercles. On limite ainsi la visibilité de ses publications. Bref, rien à voir avec la confusion, souvent décriée, qui règne sur Facebook. « Au moment du bug de Facebook, où les messages privés se sont retrouvés publics, les responsables du site ont laissé entendre aux utilisateurs qu’ils étaient nuls et ne savaient pas se servir de l’outil, explique Julien Carlier, spécialiste de réseaux sociaux et PDG de Social Dynamite, société de conseil en stratégie sociale. Ils ont du coup créé une défiance et une désaffection de Facebook au profit de Google+ ».

Les fonctions, simples à comprendre, proposées par le réseau sont nombreuses et faciles à mettre en œuvre grâce au menu de gauche, constitué de pictogrammes explicites. On y trouve une boussole pour découvrir le fil des posts publics et de ses contacts, un calendrier pour fixer des événements avec ses proches, un appareil photo pour publier ses photos (ce service existe sous forme d’une appli mobile pour iOS et Android). Le pictogramme représentant un groupe de personnages permet de visualiser les communautés. En dessous, l’icône des cercles est dévolue à la recherche et à l’ajout de personnes. Il est possible de découvrir de nouveaux lieux et de bonnes adresses en cliquant sur l’icône de Google Maps. On peut aussi jouer à des jeux en sélectionnant la petite roue colorée et, enfin, organiser des Hangouts en activant le pictogramme qui représente une caméra. Les Hangouts sont des séances de tchat vidéo à plusieurs entièrement gratuites. Certaines séquences sont mises à la disposition du public pour être vues en différé, un peu comme un programme télévisé ; d’autres se déroulent en direct et sont ouvertes à toute personne souhaitant discuter d’un projet, débattre de l’actualité, etc.

Google tire la majeure partie de ses revenus de la publicité (90 %) grâce aux AdWords, les fameuses annonces commerciales présentes sur son moteur de recherche. Il n’a donc aucune raison de chercher à monétiser à tout prix son réseau social. C’est assurément une carte maîtresse pour attirer les internautes, de plus en plus nombreux à se plaindre de l’envahissement de la pub. Comme il n’existe aucune réclame omniprésente ou agressive sur Google+, ses utilisateurs se sentent moins traqués par les régies publicitaires, contrairement à ce qui se passe sur Facebook. Ce dernier propose tellement de pubs ciblées que certains finissent par le fuir. La complexité de la gestion des filtres de confidentialité renforce ce sentiment d’être pisté par le réseau de Mark Zuckerberg, qui peine pourtant à dégager de solides revenus. Son bénéfice net au quatrième trimestre 2012 affichait seulement 53 millions de dollars, contre 1 milliard l’année précédente !

Si les marques commencent à coloniser Google+, elles approchent ce réseau social différemment. Car pour les entreprises cherchant à être proches de leurs consommateurs, leur présence sur Google+ semble être un pari plus stratégique. Exister sur le réseau social du leader de la recherche, c’est s’assurer, a priori, de remonter dans les pages de résultats lors d’une requête. Surtout quand on sait que le géant de Mountain View affine sans cesse ses algorithmes, afin de mettre en avant les contenus les plus pertinents, parce que les plus récents, les plus commentés, les plus tweetés, ou encore les plus « likés » dans Facebook.

Pour attirer les marques, Google a trouvé un nouveau concept : l’organisation d’événements spéciaux. Comme la création de pages pour la marque Président, par exemple. À cette occasion, sont mises à disposition des recettes et des interconnexions avec la page Marmiton.org et la communauté fédérée autour de la cuisine. Autre exemple avec la page BNP Paribas qui présente les services d’un SAV et crée le lien entre la banque et ses clients. Canal+ est aussi à l’œuvre sur Google+. Le 24 février dernier, à l’occasion du Classico OM-PSG, la chaîne cryptée a organisé une rencontre inédite entre joueurs et fans des deux clubs. Trois jours avant la rencontre, Blaise Matuidi du Paris Saint-Germain et André Ayew de l’OM tchataient en direct avec les internautes et participaient à un quiz inédit autour de l’histoire du Classico. Chaque participant pouvait se connecter de chez lui avec une webcam, grâce à la technologie Google+ Hang-out. Ainsi, si la publicité reste en toile de fond sur Google+, elle sait se montrer discrète. Et l’internaute apprécie.

Les fondateurs du moteur de recherche définissent volontiers Google+ comme la colonne vertébrale à laquelle s’attachent tous les services Google. Et pour booster son réseau, la firme de Mountain View est maline : utiliser le plus populaire de ses outils, la messagerie Gmail, qui implique automatiquement une inscription sur Google+. Une « invitation » tacite que la plupart des utilisateurs acceptent, n’hésitant pas à franchir le pas pour voir ce que propose le réseau social. Mais ce n’est pas tout. Tous les services de Google, et ils sont pléthoriques, mènent d’une manière ou d’une autre vers son réseau. Vous enregistrez une photo dans Picasa, et le logiciel de gestion de clichés vous invite à la publier sur Google+ ; vous regardez une vidéo sur YouTube et vous serez incité à la partager via Google+, en cliquant sur le bouton +1 ; vous pointez un événement dans votre Agenda en ligne et vous serez guidé pour inviter vos proches à y participer, via Google+ évidemment. Vous trouvez l’adresse d’un bon resto sur Maps et le bouton Partager vous fait un clin d’œil pour en faire profiter tous vos amis

Cette galaxie de services, bâtie au fil des ans, est totalement absente sur Facebook. Reste que, pour l’heure, ce dernier est toujours le poids lourd des réseaux sociaux avec son milliard d’inscrits. Et Google+ reste son challenger. Mais pour combien de temps encore ? La guerre que se livrent les deux réseaux s’est déportée sur les mobiles. C’est de là que part l’essentiel des publications aujourd’hui. Et sur ce terrain, Google dispose d’une longueur d’avance avec son système Android par défaut, lié à toute sa galaxie de services, et donc, à Google+.

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Cyril Valent (Micro Hebdo)