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Pourquoi Doctolib est accusé de privatiser nos données de santé ?

Fin novembre, Doctolib a annoncé un nouvel onglet qui va centraliser les données médicales (traitements, résultats d’analyse) de ses utilisateurs… à l’image du dispositif déjà existant « Mon espace santé » de l’Assurance maladie. L’initiative de la plateforme privée a entraîné une action masquée de l’administration et une polémique, sur fond de crainte de voir nos données de santé être privatisées.

Nos données de santé vont-elles être revendues au plus offrant ? C’est ce que craignent certains depuis que Doctolib a annoncé mettre en place au sein de sa plateforme un espace santé à destination de ses cinquante millions de Français, rapporte Le Monde, dimanche 1ᵉʳ décembre. La licorne française, qui permet à ses utilisateurs de trouver des créneaux chez des généralistes et des spécialistes, a suscité la controverse fin novembre après avoir annoncé un nouvel onglet « Santé ».

Ce dernier permet de réunir dans un seul espace les données médicales d’un patient. Dans cette nouvelle application, l’utilisateur pourra déposer ordonnances, traitements, antécédents et résultats de laboratoire : de quoi aider le suivi des soignants.

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Des données hébergées par Amazon, une entreprise américaine

Problème : c’est exactement l’objectif de la plateforme (publique) de l’Assurance maladie. Depuis 2022, le dispositif « Mon espace santé » rassemble lui aussi les données médicales d’un patient. Il compte près de quinze millions d’utilisateurs. Pourquoi alors mettre en place un dispositif similaire sur Doctolib, un site privé dont les données sont hébergées par une filiale d’Amazon ? Ne risque-t-il pas de concurrencer un dispositif de l’État au détriment de ce dernier, les utilisateurs étant plus nombreux sur Doctolib que sur « Mon espace santé » ?

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Si la plateforme privée a déclaré à nos confrères qu’il ne s’agissait pas  « de privatiser le “carnet de santé numérique” ou de créer un autre coffre-fort numérique », l’initiative n’a pas échappé à l’Assurance maladie. Son directeur général, Thomas Fatôme, n’a pas caché son inquiétude, demandant « une clarification » à Doctolib. Dans les colonnes du Monde, le patron rappelle que « le lieu de référence de l’hébergement des données de santé, c’est le service public, avec “Mon espace santé”, c’est un choix du législateur, et il y a une vraie ambiguïté à en proposer un autre ».

De son côté, la délégation du numérique en santé (DNS), soit le bras administratif du ministère de la Santé, n’a pas officiellement pris position contre cette initiative. Mais elle aurait rédigé une tribune dénonçant « le risque de valorisation de nos données les plus sensibles », et « de financiarisation de notre système de santé ». Le texte aurait ensuite été proposé pour signature à différents acteurs du secteur, avec une précision qui a fait polémique : la DNS a précisé qu’elle n’apparaitrait ni comme signataire, ni comme autrice du texte.

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Ce processus masqué en a choqué plus d’un, Doctolib compris : la DNS est en effet son autorité de tutelle. Pourquoi alors l’État ne dit pas simplement stop, regrette Franck Devulder, patron de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), interrogé par Le Monde. Selon une source syndicale de nos confrères, Geneviève Darrieussecq, l’actuelle ministre de la Santé, n’aurait pas été avertie de l’opération. Contacté par nos confrères, le ministère avance un devoir de neutralité entre acteurs privés et publics, « à condition que le cadre réglementaire soit bien respecté ».

Fondée en 2013, Doctolib a fini par devenir incontournable pendant la crise sanitaire. La pépite française est désormais devenue un maillon essentiel du système français de santé, gérant les rendez-vous allant des hôpitaux aux laboratoires d’analyses, des professions paramédicales aux médecins généralistes ou spécialistes. La licorne, qui est encore sous pavillon français – notamment grâce à Bpifrance – pourrait désormais ajouter à son arc le stockage de documents médicaux… en lieu et place de l’État ?

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