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Pourquoi Apple a tort de supprimer la prise jack de son iPhone 7

Sous un couvert de « courage » et en faisant référence à de bonnes décisions passées, Apple ferme un peu plus son écosystème. Il en retire le peu de souplesse d’utilisation que comprenait encore son célèbre téléphone.

Il y a eu le “pour”, voici le contre ! Tout le monde ne se réjouit pas – loin de là ! – de la disparition de la fameuse prise jack des nouveaux iPhone 7. S’il existe quelques arguments techniques intéressants, la (longue) liste des inconvénients a de quoi faire grincer des dents. Et se transforme, à la lecture, en long réquisitoire.

  • Plus de batterie ? Plus de musique

Le premier argument évident contre cette disparition est logiquement pratique : la prise Ligning unique de l’iPhone 7 servant à tout faire, vous devez choisir entre recharger votre téléphone ou écouter de la musique de manière filaire. Si cette situation ne vous satisfait pas, vous devez vous procurer un adaptateur… qui n’existe pas encore, ou alors dans les cartons d’un industriel chinois qui se frotte les mains en pensant au volume d’utilisateurs concernés. Apple aurait pu contourner cela en intégrant la recharge sans fil, mais l’iPhone 7 n’en est toujours pas équipé.

  • Le sans-fil, et la multiplication des objets à charger

Adopter des casques sans fil implique qu’ils fonctionnent sur batterie. En bonne icône de la Silicon valley, Apple pense ses produits pour des utilisateurs qui vivent dans des régions où il est facile de recharger des périphériques sans fil. Mais certaines régions du globe n’ont pas forcément ce luxe de l’accès constant à l’électricité.
Et même pour les utilisateurs chanceux, c’est une contrainte supplémentaire, il faut veiller à toujours avoir des casques assez chargés pour tenir la durée.

  • Un adaptateur ne vaut pas une prise

http://frayedlightningcables.tumblr.com/ – La fragilité des câbles Lightning a conduit certains utilisateurs à ouvrir des Tumblr chargés de photos de câbles abimés.

Peu de gens ont un jour cassé la prise jack de leur téléphone. Nombreux sont ceux qui, en revanche, ont dû racheter un câble. Et pour cause, un câble est fragile par essence, plus qu’une prise. C’est cette fragilité qui risque de poser problème dans le cas de l’adaptateur Lightning vers Jack fourni avec l’iPhone 7.
On le sait bien, Apple veut depuis toujours un monde sans fil. Il n’empêche que le jack reste la norme, qu’il est simple, rustique et pratique.  Sur le reste de la planète, pas dans le microcosme high tech, les voitures en sont toujours à généraliser le jack 3,5 mm – on crie “youpi” quand une voiture de location en est équipée. Et l’immense majorité du parc installé utilise cette connexion.
Lorsqu’on se retrouve chez un ami au fin fond de l’Ariège, il vaudra mieux ne pas avoir perdu ou oublié son adaptateur sous peine de laisser son cousin prendre le contrôle de la musique pendant tout un week-end. Or, la cornemuse c’est beau, mais ça use.

  • Lightning n’est pas un standard ouvert

Il faut reconnaître à Apple d’avoir fait le bon choix historique de retirer les ports série (RS-232), parallèle (DB-25) et le lecteur de disquette de son premier iMac, des prises qui avaient laissé la place à l’USB 1. Bonne décision, belle victoire. Mais la situation est ici bien différente et pour une raison majeure : Apple s’était débarrassé à l’époque de vieilles connectiques standards au profit d’un autre standard, tout aussi ouvert.

Or, Lightning n’est pas un standard ouvert, il s’agit d’une technologie propriétaire et les constructeurs d’accessoires n’ont aucune visibilité ni aucun poids sur ses évolutions.

A titre d’exemple, si DxO n’a pas pu intégrer la recharge en Lightning sur son son DxO One – et a donc dû recourir à une seconde prise Micro USB – c’est qu’à l’époque, les iDevices n’autorisaient pas la prise Lightning à alimenter les périphériques. Une situation qui a changé du jour au lendemain l’an dernier – mais après le développement du DxO One, dommage –, selon le bon vouloir d’Apple.

Ainsi, si les adaptateurs Lightning > jack 3,5 mm sont bien évidemment disponibles à la vente, tous les constructeurs des dits adaptateurs devront être certifiés Apple et reverser leur dime à la firme californienne.   

  • Pas un progrès

Le port USB (Universal Serie Bus), qui a supplanté les ports spécialisés série, imprimante, joystick (DA-15), a apporté de vrais améliorations. Il a simplifié les branchements, a généralisé le plug-and-play dans les ordinateurs et a offert des vitesses de transfert bien plus grandes que les précédentes interfaces. Tout comme le Lightning aujourd’hui, il a pu profiter d’adaptateurs mais ceux-ci étaient voués à relier de gros engins (imprimantes, scanners, etc.) à un ordinateur de bureau.

La comparaison tant technique qu’ergonomique par Apple avec la situation actuelle est absurde : le Lightning n’est pas standard et l’ajout d’un adaptateur est un acte contraignant dans le cas d’un produit mobile. Quant à la qualité audio, il est très improbable que même les plus audiophiles puissent faire la différence entre un signal passant par un jack alimenté par une bonne puce sonore et un signal converti par des puces intégrées aux casques.
Apporter et promouvoir une technologie c’est bien, l’imposer c’est mal.

  • La menace du « tu payes ou je coupe »

Un des arguments techniques phare d’Apple de ce grand remplacement est de garantir la chaîne numérique. Soit. Les casques sans fil sont déjà équipés de convertisseurs numérique/analogique, la chaîne numérique existe déjà pour les allergiques du câble. En version câblée cependant, le seul intérêt est de libérer le téléphone de ce convertisseur.

Or, l’intégration de ce composant dans les casques peut non seulement faire augmenter leur prix, mais il permet aussi d’introduire la menace des DRM tels qu’on la connaît avec le HDMI. On peut imaginer que pour écouter tel album/programme/film, il faudrait un câble et un casque tous deux certifiés, solution idéale pour contrôler ce que les gens écoutent, comment ils l’écoutent et limiter un piratage supposé. Sans parler qu’ajouter un composant à un produit plutôt sollicité physiquement (le casque passe sur nos têtes, le fond de nos poches, sacs, etc.) ne peut faire qu’ajouter à sa fragilité, quand une bonne puce intégrée dans le téléphone a peu de chance de pâtir des affres du quotidien.

Pour ceux qui prennent cette peur pour de la paranoïa, les précédents de l’histoire numérique (format audio propriétaires, DRM imbéciles, etc.) légitiment quelque peu la vigilance.

  • Ecologie et économie

Ecologiquement, la production de millions d’adaptateurs livrés avec les iPhone 7 et 7 plus, de même que la production supposée de millions d’adaptateurs Lightning vers jack + Lightning (ou double Lightning) va avoir un impact. Tout comme l’incitation déguisée à acquérir des casques et chaînes sans fil.

Faire tourner l’économie c’est bien, mais aux vues des engagements écologiques qu’Apple assène à chaque conférence, il est dommage que ses équipes n’aient pas pris la peine de mesurer les dommages collatéraux d’une telle décision. Apple a une image puissante et vend des dizaines de types de terminaux chaque trimestre. L’innovation ne justifie pas, en 2016, de ne pas réfléchir aux impacts de ses décisions.

  • Du courage, vraiment ?

On termine sur la notion de courage énoncée par Apple lors de sa conférence. Comme le fait remarquer cet éditorial du site Engadget, « ce n’est pas de courage dont Apple fait preuve. Mais d’un autre mot en « C » : consumérisme ».

Une conclusion à laquelle nous souscrivons : on peut appeler ça de l’audace, de la hardiesse ou du culot, mais nous allons faire les rabat-joie en réservant le courage aux pompiers et autres personnes (ou corps de métiers) qui affrontent de vrais dangers – non, les cris d’orfraies des geeks et autres journalistes ne représentant pas un vrai danger.

Vu l’argent, les enjeux et la puissance d’Apple, il vraisemblable que, à l’instar des hommes politiques, chaque mot de la keynote soit savamment pesé. Il est de notre rôle d’être vigilants et de ne pas laisser Apple écrire sa propre odyssée.

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Adrian BRANCO