Vous ne l’avez peut-être pas remarqué mais depuis ce mois de janvier, votre opérateur vous communique une nouvelle information : l’empreinte carbone de votre usage de l’Internet mobile, qui repose sur votre consommation de données.
Les opérateurs télécom sont en effet obligés par la loi économie circulaire de fournir un équivalent en émissions de gaz à effet de serre à partir de cette année. Il est exprimé en grammes équivalent CO2 (g éq CO2).
L’idée, c’est de faire prendre conscience aux gens de l’impact de leurs usages numériques, puis de les encourager à la sobriété numérique. Le secteur est en effet responsable de 2% des émissions de gaz à effets de serre en France, et cela pourrait doubler d’ici 2025.
Pas de mention sur les factures
Nous avons donc fait le tour de l’ensemble des opérateurs pour voir comment chacun répondait à cette obligation, comment cette information se matérialisait.
Première déception, alors que la loi les y incite, aucun d’entre eux n’affiche les informations directement dans les factures. Elles n’apparaissent que dans les espaces clients.
Chez Orange, il faut chercher quelques longues secondes pour les trouver, et on ne tombe dessus qu’après plusieurs clics. A noter que l’opérateur historique affiche également l’empreinte carbone liée à votre téléphone. Une fois encore, c’est une estimation qui comprend les différentes étapes de la vie de votre appareil.
SFR* et Bouygues Telecom mettent cette empreinte carbone en avant dès la home de leurs applications. Quant à Free, il les affichera d’ici une dizaine de jours, car il attendait les référentiels les plus récents de l’Ademe, l’Agence pour la transition écologique, pour les calculs.
Des estimations qui manquent de précision
Deuxième déconvenue, les chiffres ne sont pas vraiment personnalisés. Pour le réseau fixe, il s’agit d’une estimation générale qui est la même pour tous : l’impact moyen de la consommation Internet fixe d’un Français, soit 4,1 kgCo2 e/mois.
Concernant les réseaux mobiles, c’est plus intéressant puisque votre propre consommation de data est prise en compte. Afin que les chiffres obtenus soient moins abstraits, une équivalence avec un usage quotidien connu est communiqué. Ce peut être un nombre de kilomètres parcourus en voiture ou de baignoires remplies. Par exemple, si vous avez consommé 40g eqCo2, cela correspond à une ampoule basse consommation allumée pendant quatre jours.
Toutefois, quand on regarde de plus près comment le calcul est effectué, on déchante un peu. Les données sont multipliées par le ratio moyen de l’impact du réseau mobile en France, quel que soit l’opérateur dont vous êtes client.
Pour être plus précis le calcul de votre empreinte se fait à partir de chiffres établis dans le cadre de la loi AGEC (loi Anti Gaspillage et Economie Circulaire), en collaboration avec l’Ademe et les opérateurs. Il est ainsi estimé que chaque gigaoctet de données mobiles que vous consommez dans votre forfait représente 49,4 g de CO2 émis.
L’ordre d’idée est là, mais cela manque donc de précision. Et ce n’est pas tout.
Une arnaque intellectuelle ?
Corréler le volume de données avec la quantité d’émissions de gaz à effets de serre d’un réseau n’est pas ce qu’il y a de plus judicieux. Car les données que nous consommons n’influent qu’à la marge sur l’empreinte carbone des opérateurs. Or, ce nouvel affichage laisse entendre que notre comportement individuel pourrait permettre de faire baisser la facture écologique générale et la facture des opérateurs.
Pierre Beyssac, entrepreneur dans la tech et porte-parole du Parti pirate, a tout bonnement qualifié cette démarche « d’arnaque intellectuelle » sur son blog.
«Si demain nous divisons tous par deux notre consommation de données au vu de l’évaluation qui précède, satisfaits de faire ainsi « notre part » dans la réduction d’impact, nos opérateurs vont-ils soudain constater avec plaisir que leurs factures d’électricité, d’équipements, de chauffage, de carburant sont également divisées par deux ? La réponse est évidemment « non »», écrit-il.
Ce n’est qu’une première étape
Pour rappel, cette volonté d’afficher l’empreinte environnementale de la consommation de data vient du gouvernement. L’Ademe a été ensuite chargée de mener cette mission à bien et de mettre au point la méthode de calcul avec la collaboration de tous les opérateurs et d’experts du numérique et de l’environnement, ainsi que le concours de l’Arcep.
Alors, certes, cette première étape comporte des défauts mais elle a eu le mérite de faire se mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur. Et ce n’est que le début.
Les opérateurs vont devoir affiner les résultats. Ils seront tous être obligés de procéder à une Analyse du Cycle de Vie (ACV) multi-critère de leur réseau, ce qui n’avait pas été fait jusque-là. Or, ils ne disposaient jusqu’à maintenant pas de toutes les données pour y procéder, attendant notamment des compléments de la part des équipementiers.
On peut aussi penser que d’autres indicateurs seront pris en compte, et affichés, telles que les émissions de gaz à effet de serre comme la consommation énergétique, la pollution de l’eau ou l’émission de particules fines. Le réchauffement climatique est loin d’être le seul enjeu environnemental du numérique.
Sources : Ademe, Legifrance, Signal
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