Le 12 mars 1989, l’ingénieur britannique Tim Berners-Lee propose de réorganiser les bases de données du CERN, le laboratoire européen pour la physique des particules.
Il vient de poser sans le savoir les principes de ce que deviendra le Web deux ans plus tard : un formidable système d’information global. 28 ans après, le scientifique lance un cri d’alarme dans les colonnes du Guardian. Il dit être de plus en plus inquiet depuis un an face à la montée en puissance de trois fléaux qui remettent en question la vision ouverte du Web qu’il a toujours défendue.
Nos libertés personnelles sont bafouées
De nombreux sites Web font reposer leur business model sur du contenu gratuit. Mais en échange, ils exigent de récupérer les données personnelles des utilisateurs. De cette manière, nous avons perdu tout contrôle direct sur nos informations, analyse Tim Berners-Lee.
Nous ne pouvons même pas nous opposer à ce qu’elles soient partagées avec des tiers, contraints que nous sommes d’approuver l’ensemble des conditions d’utilisation, sous peine de renoncer à utiliser ces services.
Mais il y a plus grave. La collaboration de ces entreprises avec les gouvernements menace nos libertés individuelles. Dans les régimes répressifs, certains blogueurs peuvent être arrêtés ou tués. Même dans les pays dits démocratiques de nouvelles lois restreignent les libertés de tous les citoyens et permettent désormais potentiellement de les surveiller en ligne. « Cela empêche le Web d’être utilisé comme un espace pour explorer des sujets importants, comme certaines questions sensibles de santé, la sexualité ou la religion », fait observer Tim Berners-Lee.
La désinformation se propage facilement
Par ailleurs, le créateur du Web craint que ce qu’on appelle encore parfois les autoroutes de l’information ne se transforment en autoroutes de la désinformation.
Moteurs de recherche et réseaux sociaux nous proposent en permanence des contenus soigneusement sélectionnés pour nous plaire. Ils sont choisis grâce à des algorithmes qui scrutent en permanence nos données personnelles.
Un système pervers, selon l’inventeur du web, car il incite ces supports à faire de la surenchère en poussant des nouvelles choquantes, surprenantes, complaisantes et carrément des fake news. De cette manière, la désinformation se propage plus facilement sur le Web pouvant même être exploitée à des fins politiques et financières.
Le ciblage publicitaire est opaque
Le Web est devenu le terrain de chasse privilégié des politiques qui ciblent maintenant directement les internautes. 50 000 publicités politiques auraient été comptabilisées chaque jour sur Facebook durant la dernière campagne présidentielle américaine. La situation est devenue ingérable pour Berners-Lee. Certains partis n’hésiteraient pas à abuser de la crédulité des lecteurs en les redirigeant vers de faux sites d’information pour les influencer ou les décourager de voter. La publicité ciblée peut donc se muer en manipulation.
Tim Berners-Lee appelle tous les internautes à lutter contre ces pratiques. Il encourage plus que jamais le dialogue avec les géants du Web pour récupérer davantage de contrôle sur nos données mais aussi passer au filtre tous les contenus grâce à un dispositif distinguant les fausses informations du reste.
Du haut de sa stature d’autorité morale, il exige également plus de transparence sur la façon dont fonctionnent les algorithmes impactant notre vie de tous les jours, ainsi que sur le ciblage politique. Il enjoint enfin toute la communauté à résister aux lois liberticides des gouvernements. « Nous avons tous participé à construire le Web que nous avons aujourd’hui. Nous avons le pouvoir de construire maintenant le Web que nous voulons pour tous », conclut Tim Berners-Lee qui y travaille sans relâche avec sa Web Foundation, créée en 2009.
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