Il y a quelques années, les montants atteints par les enchères pour un tableau de maître comme Van Gogh provoquaient le frisson. Aujourd’hui, les enchères à la mode industrielle – organisées par les Etats et non plus par Sotheby’s – auraient plutôt tendance à nous donner le vertige. Ainsi, le Royaume-Uni et plusieurs pays d’Europe ont décidé de se servir de ce processus pour attribuer les licences de mobiles UMTS, dits de troisième génération. Les sommes mises sur la table dépassent l’entendement. En deux mois, le total proposé pour les cinq précieux sésames a dépassé allègrement, et sans difficulté, les 200 milliards de francs. Le 145e round a vu grimper les propositions à 244 milliards de francs, soit 1/7e du budget de la France. Et ce n’est certainement pas fini. Car les sommes démentielles ne paraissent pas décourager les candidats. Le premier à se retirer, Crescent, ne l’a fait qu’au 94e round – c’est dire si la compétition est intense.
Mais il y a quelque chose d’un peu dérangeant – quand on y réfléchit – à délivrer une licence, non pas au plus innovant ou au plus original des compétiteurs, mais à celui dont les poches sont le plus garnies de dollars. Car on peut se demander quelle tête auront ces réseaux du futur une fois que chaque vainqueur d’une licence anglaise ou allemande aura versé son dû à l’Etat – vu les enchères actuelles, jusqu’à 66 milliards de francs pour une seule licence. La France, elle, au vu de ce qui se passe outre-Manche, n’exclut pas de fixer désormais un ” ticket d’entrée ” aux candidats – qui seront désignés sur dossier – et de demander ensuite aux vainqueurs des redevances coquettes. Plus question pour Paris, qui se veut néanmoins mesuré dans ses exigences pécuniaires, de brader ces mines d’or.
Les infrastructures mobiles de troisième génération coûteront cher à déployer : un réseau est estimé à 30 milliards de francs. Les enchères ou les redevances onéreuses n’auront-elles pas un impact négatif sur leur déploiement ? Les zones urbaines – les plus rentables – ne seront-elles pas une fois de plus favorisées ? Et quid des tarifs pour accéder aux services multimédias depuis son téléphone, condition sine qua non de la réussite d’un projet aujourd’hui ? Le cas d’Iridium, ce projet de téléphonie mobile par satellite, avec ses prix prohibitifs, est devenu l’exemple à ne pas suivre. Laurent Fabius s’est voulu rassurant, en déclarant qu’il n’y aurait pas de “téléphone réservé à une catégorie de la population” et que, “y compris dans les plus petits villages, on pourra se servir de l’UMTS”.
Il n’est pas question ici de s’apitoyer sur les tirelires que les grands opérateurs ou consortiaux de télécoms vont devoir casser. Reste à espérer que les milliards du téléphone mobile seront intelligemment répartis et justement utilisés. Les chantiers ne manquent pas pour les pays européens, entre l’accès plus égal et démocratique aux hauts débits, l’équipement et la connexion des établissements scolaires, la formation des professeurs aux technologies de l’information, ou encore la création d’espaces publics d’accès à Internet
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