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Le fléau du vol de vélos a peut-être trouvé sa solution grâce à deux étudiants français

Vous en avez assez de vous faire voler votre vélo ? Deux étudiants, à la tête de la start-up V-Lock, pourraient avoir la solution. En deux ans, le binôme est parvenu à créer un système de borne connectée équipée de chaînes antivol pour les vélos, des systèmes destinés à être installés dans les petites et grandes agglomérations. Les deux acolytes nous racontent leurs mille et un périples entre recherche de fonds, partenariats, réception de prix, et premières commandes.

Et si vous aviez à disposition un antivol de vélo fiable, pas encombrant et peu cher, prendriez-vous plus souvent votre deux roues ? C’est le pari fait par ce duo d’étudiants, à la tête de la start-up « V-Lock ». Romain Rudent et Antoine Desveronnieres, respectivement 21 ans et 22 ans, ont créé un système d’anti-vol de vélo alimenté à l’énergie solaire, pour lequel ils viennent de recevoir deux prix (le prix spécial du Challenge innovation de la Sécurité routière, et la bourse de la French Tech de la BPI). Un tremplin pour la petite start-up née il y a deux ans au sein de l’UTT de Troyes (université de technologie), dans laquelle ils étudient depuis quatre ans.

Leur objectif : faciliter la vie des cyclistes en leur mettant à disposition, dans plusieurs points clés des centres-villes, des dispositifs d’antivol. Il suffit en effet de se rendre sur une application dédiée pour géolocaliser la borne la plus proche. Une fois sur place, vous pourrez attacher votre roue avant et votre cadre à la borne, dotée d’une chaîne : avec un tel système, terminée la recherche plus ou moins infructueuse d’un poteau pour accrocher votre vélo, exit aussi le port d’un ou de plusieurs anti-vols lourds et parfois volumineux. Le dispositif de chaîne se bloque ou se débloque via l’appli dédiée. En cas de tentative de vols, une alarme retentit sur le smartphone de l’utilisateur, mais aussi sur la borne. Le tout fonctionne à grâce à un panneau solaire.

V Lock Systeme Borne Velo
© V-Lock.

L’idée d’un anti-vol connecté serait partie d’Antoine Desveronnieres, le Rémois. Pendant deux étés, rapporte Anne, sa mère, le passionné des deux roues travaille pour se payer un beau vélo… Mais une fois acheté, il hésite à le prendre pour aller à Reims, à une quinzaine de kilomètres de son village, de peur de se le faire subtiliser. Pendant sa première année d’école d’ingénieur, il remarque qu’autour de lui, les vols de vélos s’enchaînent. « À l’échelle nationale, c’est encore pire qu’au niveau de notre région (le Grand Est). Par exemple, l’année dernière, c’est 500 000 vélos qui ont été volés. C’est plus d’un vélo chaque minute », s’étonne-t-il.

« On s’est dit qu’avec nos compétences en école d’ingénieur et notre envie de changer les choses, on pouvait vraiment apporter une solution qui tienne la route »

Pour y remédier, le jeune homme commence à réfléchir et à demander de l’aide pour la partie informatique à Romain Rudent, un autre étudiant de l’UTT de Troyes, rencontré lors d’une réunion d’intégration. L’Avignonnais avait déjà, au lycée, « un certain goût pour le business », se souvient sa mère, Laure. Ce dernier s’amusait à « acheter et revendre des sneakers stockées dans sa chambre, avant de monter des ordinateurs pour ses amis », ajoute-t-elle. 

Les deux amis décident de s’associer : l’un, Romain, s’occupera de la partie logiciels, application mobile et sécurité informatique, pendant que l’autre, Antoine, se penchera sur les matériaux et le fonctionnement de l’anti-vol. « On s’est dit qu’avec nos compétences en école d’ingénieur, notre envie de changer les choses, on pouvait vraiment apporter une solution qui tienne la route », se souviennent-ils.

À mesure que les plans se dessinent et que les idées fusent, le duo se rend vite compte qu’il faut trouver des fonds, ne serait-ce que pour fabriquer le premier prototype. « Au commencement, tout a été très lent. Il y a eu une grosse phase de vide, entre guillemets, de fonds, de trésorerie, parce qu’on a eu du mal à nous entourer des bonnes personnes pour créer justement ces prototypes », nous confie Antoine.

« Quand on lui disait non à un endroit, il disait ok, je demande ailleurs »

Le jeune homme consulte tous azimuts, et à la force du verbe, une avocate, un expert-comptable, et un banquier. « Il s’est débrouillé, il allait demander de l’aide partout en disant : je n’ai pas de sous, mais j’ai besoin de conseils. Est-ce que vous m’aidez ? Quand on lui disait non à un endroit, il disait ok, je demande ailleurs », nous confie sa mère.

Sans le moindre euro en poche, mais persuadés de tenir le bon projet, les deux jeunes hommes lancent des demandes de subventions, et tapent à la porte de fournisseurs de montants métalliques et de composants électroniques de la région. « On leur a dit, écoutez, pour l’instant, on n’a rien. Et la seule chose que l’on sait, c’est qu’on ne s’arrêtera pas tant que le projet ne sera pas monté. On vous assure qu’on aura au moins une première commande, deux commandes, trois commandes qui vont rentabiliser le temps que vous avez passé avec nous », rapporte le Rémois.

Petit à petit, les deux acolytes, soutenus par leur école et d’autres étudiants, parviennent à convaincre, les uns après les autres, les maillons clés de leurs projets. À commencer par ces fournisseurs locaux avec qui ils nouent des partenariats, et qui acceptent de les aider à fabriquer leurs prototypes.

« Ils nous ont avancé la matière première, toute la partie “conseil”, ce qui nous a permis de nous structurer, et de sortir un premier prototype “implantable”, qui soit correct visuellement et esthétiquement. Sans ça, on n’aurait jamais pu commencer », reconnait Romain. Il s’agit d’ailleurs d’« une solution 100 % française, et tout est local, issu de la région Grand Est », s’enthousiasme Antoine.

Deuxième maillon essentiel : trouver des clients. Après un premier essai devant un centre commercial, c’est la ville de Troyes qui leur achète 12 bornes, à livrer en juin prochain… Une première commande importante qui devrait initier une nouvelle période de l’histoire de leur petite start-up, se réjouit le tandem.

Le duo s’est pris « un nombre incalculable de murs et de non »

Il faut dire que le duo s’est pris « un nombre incalculable de murs et de non », rapporte Anne, la mère d’Antoine. Imaginez, deux étudiants d’à peine la vingtaine viennent vous voir pour parler borne antivol connectée. « On a dû outrepasser les remarques négligentes de “vous êtes étudiant, écoutez, allez faire joujou là-bas, dans vos études, et laissez les pros travailler” », raconte Antoine. Dans de tels cas, « c’est Romain qui prenait le relai », ajoute-t-il en riant.

Les deux associés n’en sont pas encore à finir les phrases de l’un ou de l’autre. « J’ai pourtant passé plus de temps avec Romain qu’avec ma copine », plaisante Antoine. Et pourtant, leur complémentarité paraît évidente, à mesure que l’interview défile. Romain, « posé, très terre-à-terre », en spécialité informatique, est celui qui « maintient le cap », pendant qu’Antoine, « l’électron libre » de l’équipe, en spécialité mécanique, est le fonceur du duo, commentent-ils à tour de rôle. Leur point commun : les deux acolytes passent des heures à travailler, en sachant à chaque fois écouter et tenir compte des retours des fournisseurs et de leurs potentiels clients.

Pendant les premiers mois, le binôme se confronte aux collectivités – leurs cibles – pour peaufiner leur projet, avant de créer le système d’antivol connecté pour les vélos. Ce sont elles qui leur évoquent la difficulté des raccordements électriques des installations. Car les bornes d’anti-vol sont destinées à être installées dans plusieurs endroits clés des centres-villes et des périphéries. Résultat, les deux partenaires ont l’idée de proposer une « solution qui a non seulement pas besoin d’être raccordée à l’énergie, mais qui ne consomme pas ». Le système, aujourd’hui vendu 2 499 € HT, est « 100 % autonome, implantable partout, déplaçable facilement et peu encombrant », décrit Romain. Un petit panneau solaire, qui trône au sommet de la borne, permet au dispositif de fonctionner.

Depuis deux ans, les étapes s’enchaînent, et ces derniers mois, les bonnes nouvelles aussi. En juin, ils entameront leur première phase de commercialisation, avec la livraison de 12 bornes à la ville de Troyes. L’occasion d’obtenir de nombreux retours d’utilisateurs, et d’améliorer ou d’adapter, si besoin, leur système, avant de se consacrer à de futures commandes. Pour Romain, le message est simple : « Si vous avez envie de faire quelque chose, faites-le. N’écoutez pas les autres. N’ayez pas peur. Travaillez dans l’ombre. On est capable de beaucoup plus que ce qu’on imagine. Et si en plus, on est convaincu qu’on y arrivera, ça fera toute la différence ».

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Stéphanie Bascou