“Nous sommes dans une phase de transition vers notre nouveau produit, d’où nos résultats en dents de scie” Ah, le doux euphémisme ! En fait, quand un patron vous dit ça, c’est que son entreprise a de gros soucis et qu’il va louper ses objectifs. Dans le business, vous pouvez ajou-ter à cet état de passage un manque avoué de stratégie dû à une “visibilité réduite “. Le résultat, c’est que nous voilà chroniquement en phase de transition vers un “après” aussi vaseux qu’informe. La high-tech transite vers l’après internet, les opérateurs vers l’après GSM, la société vers l’après 11 septembre, l’économie vers l’après mondialisation, les entreprises vers l’après 35 heures et la France vers un après Chirac qui voudrait s’appeler Jospin, sauf que c’est dur de se faire une tête de futur propre quand on a les mains dans le cambouis du présent. C’est toujours “après” que ça se passe, comme si “avant” n’avait jamais existé. Et si le transit est difficile, on vous forcera à digérer la soupe à la grimace. Moi, j’aimerai simplement qu’on me dise où je suis, aujourd’hui, sans me renvoyer à un avenir hypothétique.Ce “transitionnisme” prudent n’a d’égal dans le monde post-moderne qu’un “antisme” virulent : on trouve toujours quelqu’un pour être anti-mondialisation, anti-capitalisme… Les “anti” forment la cohorte des nouveaux penseurs, ces grands critiques de la modernité si bien brossés par Jacques Julliard dans Libération (13/11/01) : “Il y a de l’Orgon dans l’intellectuel progressiste : il suffit qu’un mur s’effondre devant ses yeux pour qu’il renonce à l’architecture.” Et voici que se profilent les nouveaux “sans” : les sans-fenêtres toulousains de l’après AZF et les sans- usines de Moulinex ont remplacé dans le c?”ur des médias les sans-papiers africains de l’après Saint-Bernard qui avaient déjà un air de sans-culottes ni pantalons, sans oublier les vieux SDF sans toit ni loi mis au rancart. Jimagine un futur slogan électoral qui sera forcément jugé hyper-réactionnaire : “Allez, les “pro”, en avant !”
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