San Francisco, il y a un mois. L’avion de ligne d’Albert Szulman vient d’atterrir sur le tarmac. Comme de nombreux voyageurs, l’entrepreneur français rallume son mobile mais s’empresse aussitôt de le ranger au fond de sa poche. Aux états-Unis, les écriteaux sont formels : pas question de jouer avec son smartphone avant d’avoir accompli les formalités de douane. Vingt minutes plus tard, à l’air libre, Albert Szulman reprend enfin son téléphone. “À l’écran, un message de mon opérateur indiquait que je venais de consommer 40 des 50 euros autorisés à l’étranger. Sans rien faire ! Juste à cause de la synchronisation automatique de mes mails. Avec Be-Bound, cela m’aurait coûté à peine quelques euros…”
‘‘La techno pour la techno, ça ne sert à rien. L’important, c’est ce qu’on en fait.’’
Be-Bound, c’est l’invention d’Albert Szulman. Une application devrait être lancée en septembre prochain. Elle permettra de se connecter au Net sans passer par la 3G de son mobile, si onéreuse à l’étranger. L’astuce réside dans le fait que les échanges de données entre l’appareil et le réseau mondial se font par… SMS. Autrement dit, en passant par le bon vieux réseau mobile 2G, celui qui ne sert qu’à téléphoner et envoyer des textos.
Une fois installé, Be-Bound se présente sous la forme d’un portail d’applications préconfigurées pour fonctionner sans 3G ni autre réseau de données jusque-là nécessaire (Edge, Wi-Fi, GPRS, 4G). Messagerie, Wikipedia, Twitter, météo… tous les indispensables y sont et la liste s’agrandit chaque semaine. Chaque fois que l’un de ces services est sollicité, les requêtes envoyées sur Internet sont regroupées dans un SMS qui transite jusqu’aux serveurs relais de Be-Bound, situés en France. Et c’est ce seul SMS que l’opérateur va facturer à l’utilisateur ! “Soit de 12 à 14 centimes en Europe, et 25 centimes aux États-Unis”, précise Albert Szulman. à leur tour, les serveurs de Be-Bound envoient à l’utilisateur les réponses à ses requêtes, également dans des SMS, ces derniers étant facturés sous forme de Be-Miles.
Pour pouvoir utiliser Be-Bound, il faut donc avoir acheté des Be-Miles. “Mais nous sommes en mode prépayé, sans risque de mauvaise surprise, assure l’entrepreneur. Aucune dépense involontaire n’est donc possible.” Au lancement de Be-Bound, au mois de septembre, un Be-Mile ne coûtera que 5 à 7 centimes. “Nous espérons encore faire baisser les tarifs. Notre but est d’être le moins cher possible. Pour cela, nous travaillons sur l’encodage et la compression des données afin de pouvoir en transporter de plus en plus dans un seul SMS, pour le même prix.” Plus les données sont compressées, moins elles consomment de SMS, et moins elles coûtent de Be-Miles.Albert Szulman est convaincu que sa start-up versaillaise, Altheia, va ouvrir avec Be-Bound les portes d’un énorme marché. “Ce qui m’importe vraiment, c’est qu’on arrive à connecter le monde, résume-t-il. Près de 4 milliards et demi de personnes dans le monde disposent d’un téléphone sans pour autant accéder à Internet. Les réseaux de données ne couvrent que 14 % de la planète contre 86 % pour la 2G !” Bien évidemment, ce sont d’abord les voyageurs qui profiteront des services de Be-Bound. “Chaque année, un milliard de personnes changent de pays, souligne Albert Szulman. Pour moi, l’innovation, c’est d’offrir aux gens de nouveaux services. La techno pour la techno, ça ne sert à rien, ce qui est intéressant, c’est ce qu’on en fait.”
Lancement mondial en septembre
Ce diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Paris, sait de quoi il parle. L’innovation, il baigne dedans depuis le début de sa carrière. Durant onze ans, d’abord, chez 3M (la maison du Scotch et du Post-it). Puis chez Kimberly Clark (l’inventeur du Kleenex et de la couche jetable). Enfin, au début des années 2000, au sein des sociétés d’ingénierie Alten puis Bertin. C’est au cours de cette dernière période qu’il crée, parallèlement et coup sur coup, deux start-up. “Je me suis dit que si je ne montais pas ma boîte à 45 ans, je ne le ferai jamais.” La première entreprise fournit des jeux à Orange – qui la rachètera. La deuxième met au point un système de diffusion de publicités sur les distributeurs de billets. “À une époque où ce n’était pas encore autorisé, ça a posé problème, on a arrêté.”
Puis lui vient l’idée de Be-Bound. “J’ai passé mon année 2011 à chercher des gens dotés des compétences nécessaires à mon projet. J’ai utilisé les services de l’un des rares promoteurs de la méthode KCP développée à l’École des Mines de Paris, une méthode de diffusion de l’innovation remarquable.” Altheia voit le jour en octobre 2011, à Versailles. Aujourd’hui, Albert Szulman est à la tête d’une équipe de sept personnes, “une quinzaine à la fin de l’année”, assure-t-il. L’équipe doit s’étoffer pour assurer le lancement mondial de Be-Bound en septembre. Un événement qui suscite déjà convoitise et intérêt. Pour preuve, la deuxième place décrochée en décembre dernier au concours de start-up du salon Le Web 2012 face à 1 600 autres compétiteurs. Un premier succès qui a permis à Altheia de concrétiser une levée de fonds. Désormais, ce sont les États-Unis qui font les yeux doux à la jeune pousse française. “Nous sommes en train de discuter avec le Centre de recherche de Palo Alto (Californie), nous confie Albert Szulman. Pour faire quelque chose avec eux.” Quoi donc ? “Ça, c’est top secret !”
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