Tout devient portail “, lance sans ambages Kathleen Hall, analyste au Giga Group. L’idée d’une fenêtre web unique ouverte à la fois sur les applications du système d’information interne et sur des contenus externes fait son chemin. Cette notion en arrive à inciter les stratèges marketing des éditeurs logiciels de tous bords à qualifier leur fleuron de portail d’entreprise. Que ces produits proviennent du décisionnel, de la gestion de documents ou encore du travail de groupe, tous se rallient à ce nouvel eldorado (voir tableau page ci-contre). Cette ruée vers ce qui préfigure sûrement la prochaine génération de sites web montre au moins une chose : “Un marché est en train d’émerger“, affirme Yann Le Guellaf, directeur général d’Epicentric France. Cet acteur américain, au même titre que Plumtree ou Viador, fait partie de ces sociétés – les puristes des portails – nées pour occuper ce créneau prometteur. Or, si celles-ci peuvent se targuer de détenir les solutions actuellement les mieux adaptées à l’édification de portails d’entreprise, elles sont désormais doublement menacées.
Les puristes croqués ou convoités
Le marché des portails a amorcé sa consolidation. Quand les petits éditeurs, comme RadNet aux Etats-Unis, ne mettent pas la clé sous la porte, leur expertise attise les convoitises. Le 21 mars dernier, Citrix a acquis Sequoia, pour un montant de 184 millions de dollars, soit près de dix fois le chiffre d’affaires du fournisseur du portail XPS, entièrement fondé sur XML. Quelques jours plus tard, ce fut au tour de SAP de racheter TopTier, pour environ 400 millions de dollars, soit vingt fois le chiffre d’affaires 2000 de cet éditeur, dont le produit instrumentait déjà MySAP Workplace, l’interface de SAP vouée à l’accès unique aux informations de l’entreprise, y compris, bien sûr, les modules du progiciel de gestion intégré (PGI) R/3. Dans la foulée, l’Allemand créait sa division SAP Portals, indiquant ainsi “sa détermination à jouer sur ce nouveau segment de marché“, observe Kathleen Hall. Cette dernière conseille aux directions informatiques, en phase de prospection d’outils de fabrication de portails, de considérer les offres des puristes encore en lice – DataChannel, Viador, Corechange, Epicentric, InfoImage, Plumtree, etc. -, comme un choix risqué. “Tous ces acteurs peuvent être croqués par de grands éditeurs de progiciels ou des géants de l’infrastructure “, avise-t-elle.L’autre danger vient, en effet, des experts des architectures middleware. Les spécialistes des serveurs d’applications – à l’instar d’IBM, iPlanet ou Sybase -, ou de l’EAI (Enterprise Application Integration) – tels que Tibco ou TopTier – ont bâti leur propre solution de portail, “Un complément naturel de l’infrastructure“, soutient Tristan Nitot, ” évangéliste technologique ” chez iPlanet France. Car, si cet écran web unique fédère tous les contenus, avant d’y afficher les données de l’entreprise, celles-ci doivent faire l’objet “d’une uniformisation préalable au niveau des couches basses, avertit Jean-Christophe Cimetière, directeur de Techmetrix, Groupe SQLI. C’est vrai aussi bien pour un projet de portail, que pour une application de commerce interentreprises. ” Sur ce point, qu’il s’agisse d’IBM, avec sa nouvelle offre WebSphere Portal Server (WPS) ; de Sybase, avec Enterprise Portal , ou encore d’iPlanet Portal Server, les éditeurs de plates-formes middleware peuvent mettre en avant leurs nombreux connecteurs sur lesquels ils s’appuient pour jeter un pont entre un existant applicatif hétérogène et l’interface du portail. De telles capacités font défaut chez les start up, qui n’ont d’autres options que de pallier ce manque en nouant des alliances technologiques avec les vedettes de l’EAI. Ainsi, Epicentric s’est rapproché de Tibco et Vitria, tandis que Viador a signé un accord avec Mercator. L’autre supériorité des serveurs d’applications réside dans leur évolutivité et leur aptitude à tenir la charge d’un très grand nombre d’utilisateurs. Lesquels sont 250 000 à se connecter au portail de Ford construit sur Plumtree et dix fois plus, soit 2,5 millions, à consulter le portail du Département de la défense américaine, déployé à l’aide d’iPlanet Portal Server.Les jeunes pousses ont d’autres atouts. Leur principal argument porte sur le temps de mise en place d’un portail d’entreprise. Leurs solutions tiennent plus du progiciel clé en main, que du développement. Celles-ci proposent des vues prédéfinies – baptisées Portlets chez Viador ou Gadgets chez Plumtree – sur les contenus et les applications d’entreprise. Plumtree affirme détenir plus de mille Gadgets. La plupart sont liées à des contenus externes (informations, actualités boursières, etc. ), d’autres se rattachent aux fonctions de divers applicatifs (PGI, travail de groupe, gestion électronique de documents, etc. ). Même si, comme l’indique Kathleen Hall, “seul un faible pourcentage de Portlets est utile“, leur nombre et leur variété contribueront à accélérer le déploiement du portail. Viador et Plumtree fournissent à leurs clients un site web depuis lequel il est possible de télécharger ses vues. L’approche d’Epicentric est encore plus originale. En guise de Portlets, il publie les API de son moteur de déploiement de contenus, conforme au standard Java 2 et permettant l’interconnexion de services web. Si l’utilisateur d’un portail Epicentric souhaite l’enrichir d’un accès à un nouveau composant applicatif, il partira à sa recherche dans l’annuaire UDDI de la place de marché de services web de l’éditeur appelée Web Services MarketPlace. Une fois repéré, le service web en question sera invoqué via le protocole SOAP. “Le site idéal de demain sera édifié par assemblage de services web existants, prédit Jean-Christophe Cimetière. On peut imaginer que les services fonctionnels d’une lointaine version du PGI de SAP puissent être consommés par le biais de ce nouveau protocole XML. ” Bowstreet anticipe cette vision en sortant son offre de portail Business Web Portal Solutions, qui repose sur Business Web Factory, sa plate-forme de construction de site résultant d’une juxtaposition de services web.Si le soufflé des portails d’entreprise ne semble pas près de retomber, les projets de ce type sont complexes et chers (entre 100 000 et 1 million de dollars). “Si l’idée d’établir un point unique d’accès aux informations de toutes sortes est un souhait, ce n’est pas forcément un besoin vital et, en ce cas, pas une priorité“, tempère Jean-Christophe Cimetière.
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