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Pornographie, cyber arnaques, outrage en ligne : que va changer la loi sur le numérique finalement adoptée ?

Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) a été finalement adopté par l’Assemblée nationale, après des mois de débats et de controverses. L’application de ces nombreuses mesures va désormais débuter, ce qui pourrait provoquer de nouveaux maux de tête.

C’est peu dire que le projet de loi SREN a provoqué le débat ces derniers mois. Les défenseurs des droits fondamentaux sont montés au créneau pour vilipender telle disposition jugée liberticide, tout comme les plateformes de contenus pornographique qui ne savent pas comment demander l’âge des internautes… Et pour ne rien arranger, la discussion s’est parfois transformée en concours Lépine de la mesure la plus improbable ou mal renseignée.

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Après un long parcours du combattant législatif, le projet de loi a finalement été adopté avec un peu plus de 64 % des suffrages. Ce n’est pas un chèque en blanc, mais les réécritures et le passage en commission paritaire mixte le mois dernier ont permis de lisser quelque peu le texte pour le faire tenir à peu près debout. Même si la mise en œuvre des nombreuses dispositions va certainement rallumer la mèche des polémiques.

Vérification de l’âge par les sites pornos

La loi SREN intervient dans plusieurs domaines. Il s’agit tout d’abord de « protéger les enfants de la pornographie » en exigeant des sites pornos la vérification de l’âge. L’application de cette mesure a fait polémique, d’abord par sa portée : seuls les sites français et les sites extra-européens sont concernés. Ce qui revient à dire que seules les plateformes françaises risquaient de se faire pénaliser… Néanmoins, une disposition permet de désigner « par arrêté » les sites basés dans un autre pays européen. L’honneur est sauf.

Et puis cette mesure devra attendre le cadre de référence de l’Arcom, le régulateur de la communication devant plancher sur les exigences techniques minimum auxquelles devront se conformer les systèmes de vérification de l’âge. Le référentiel sera publié dans les deux mois suivant la promulgation de la loi, et les sites auront trois mois pour les respecter. De leur côté, les plateformes préféreraient que ces systèmes soient pris en charge directement par iOS et par Android.

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Arnaques et délit d’outrage en ligne

La loi SREN prévoit aussi la mise en place de plusieurs dispositifs de lutte contre les escroqueries en ligne. Le fameux « filtre anti-arnaque » en fait partie ; le gouvernement tente depuis plusieurs mois de créer cet outil qui doit prévenir l’internaute lorsqu’il se rend sur un site malveillant. Mais c’est techniquement plus facile à dire qu’à faire, d’ailleurs la mise en œuvre de ce filtre doit être précisée par décret.

La lutte contre le harcèlement en ligne occupe aussi une bonne place dans le texte. Le juge va pouvoir prononcer une « peine de bannissement » des réseaux sociaux de 6 mois (ou 1 an en cas de récidive) pour les personnes condamnées pour haine en ligne, cyber-harcèlement, pédopornographie, proxénétisme, dérives sectaires, entraves à l’avortement, menaces contre les élus et autres infractions graves. Cette « suspension » des réseaux sociaux pourra être prononcée en plus de la peine normalement prévue pour ces infractions.

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L’Arcom gagne aussi le droit d’exiger des opérateurs l’arrêt de diffusion sur internet d’une chaîne de propagande étrangère frappée par des sanctions européennes (type Sputnik ou RT France).

Le Parlement a ajouté au texte un nouveau « délit d’outrage en ligne » qui va réprimer la diffusion de contenus injurieux, discriminatoires ou harcelants. Plus précisément, il s’agit de sanctionner la « [diffusion] en ligne de tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

L’opposition, vent debout contre ce nouveau délit, en déplore le caractère vague qui irait à l’encontre de la loi de 1881. Quoi qu’il en soit, une amende de 300 € pourra être infligée à tous ceux qui s’en rendront coupables.

La loi comprend aussi un renforcement des sanctions pour la publication en ligne de deepfakes. Le texte prévoit également qu’à l’horizon 2027, tous les Français aient la possibilité de créer une identité numérique et qui puisse servir à accéder à tous les services publics.

DMA, DSA et Data Act dans le droit français

La loi SREN intègre aussi des mesures concernant les fournisseurs de services de cloud, afin de briser la concentration du marché entre trois fournisseurs américains (Amazon, Microsoft et Google). Les Jonum, ces jeux à objets numériques monétisables qui se situent entre les jeux d’argent et les jeux vidéo, vont bénéficier d’un cadre expérimental pour trois ans pour évaluer les risques d’addiction ou de blanchiment d’argent.

Enfin, le texte adapte le droit français aux règlements européens sur les marchés numériques (DMA) et sur les services numériques (DSA), ainsi que le Data Act. Un sacré morceau donc, que la société va devoir digérer dans les prochains mois. Prochaine étape : le recours déposé par la France insoumise auprès du Conseil constitutionnel.

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Mickaël Bazoge