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Plusieurs polices européennes rêveraient d’un fichier unique pour la reconnaissance faciale

Selon The Intercept, un rapport de dix polices nationales demanderait la mise en place d’une base de données regroupant les visages des citoyens européens. Le fichier aurait vocation à être partagé avec les États-Unis.

Pour l’instant, si quelqu’un commet un crime dans un des pays membres de l’Union européenne (UE), les polices nationales n’ont accès qu’à un fichier regroupant l’ADN et les empreintes digitales des citoyens européens. Mais les forces de l’ordre songeraient à y inclure en plus leurs visages. Cette base de données supranationale permettrait ensuite d’être combinée avec des technologies de reconnaissance faciale.

Un outil « hautement approprié »

The Intercept a mis la main sur un document confidentiel qui révèlerait que dix polices nationales de l’UE appellent à la création d’un tel service communautaire – sans préciser les pays concernés. Comme le rapporte le site d’investigation, le rapport qui a circulé à l’automne dernier a été rédigé sous la direction de l’Autriche. Le but ? Trouver comment introduire cet outil dans l’actuel dispositif législatif européen.

Pour la police, les avantages de la reconnaissance faciale sont clairs. Les auteurs du rapport considèrent cette technologie comme un outil « hautement approprié » pour identifier les suspects inconnus. Selon The Intercept, il est suggéré que les bases de données doivent être créées et couplées « le plus rapidement possible ». Cependant, le document reconnaît la nécessité de mesures de protection des données, comme la vérification humaine de toute correspondance automatisée.

Élargir le système Prüm

Ce rapport a été produit dans le cadre des discussions sur l’expansion du système communautaire Prüm, une initiative qui relie les bases de données d’ADN, d’empreintes digitales et d’immatriculation des véhicules. Il n’y a pas encore de texte de loi sur la table, mais les travaux préparatoires sont bien avancés. Selon les informations fournies par la Commission européenne au Parlement en novembre dernier, près de 700 000 euros ont été versés au cabinet de conseil Deloitte pour une étude portant sur les technologies de reconnaissance faciale.

Toujours selon The Intercept, la Commission européenne a aussi versé 500 000 euros, de manière séparée, à un consortium d’organismes publics dirigé par l’Institut estonien des sciences judiciaires pour « cartographier la situation actuelle de la reconnaissance faciale dans les enquêtes criminelles dans tous les États membres de l’UE », dans le but d’aller « vers l’échange de données faciales », selon une présentation de projet envoyée aux représentants nationaux à Bruxelles, fin 2019.

« Surveillance envahissante, injustifiée ou illégale »

« C’est inquiétant au niveau national et au niveau européen, d’autant plus que certains pays de l’UE se dirigent vers des gouvernements plus autoritaires », a déclaré Edin Omanovic, directeur de la défense des droits pour Privacy International, cité par The Intercept. Le militant est préoccupé par la mise en place d’une « surveillance motivée par des considérations politiques » et pas seulement pour le travail policier standard. Il appelle à un moratoire sur ce sujet.

Au-delà des risques d’une « surveillance envahissante, injustifiée ou illégale », l’article alerte sur le rôle et l’intérêt des États-Unis pour ce fichier – que le pays pourrait fusionner avec les données qu’il possède déjà. Un tel réseau paneuropéen relié à des données américaines créerait « ce que les chercheurs en matière de protection de la vie privée appellent une consolidation transatlantique massive des données biométriques », écrit The Intercept.

Les Américains à la manoeuvre ?

Déjà en 2004, les États-Unis militaient pour « des échanges élargis et [un] partage de toutes les formes de données, y compris les données personnelles » avec l’UE. Depuis, les efforts pour atteindre cet objectif se sont intensifiés. En 2015, comme le rappelle le site, une telle coopération s’est mise en place dans le cadre du programme de délivrance de visa. Le FBI a notamment aidé d’autres États à mettre en place les réseaux informatiques nécessaires. L’Autriche par exemple. En octobre 2017, la police autrichienne a commencé à vérifier les empreintes digitales des bases de données criminelles du FBI. Depuis, environ 12 000 empreintes ont été recoupées, ce qui a mené à 150 correspondances.

Selon The Intercept, le rapport demande à Europol, l’agence de renseignements de l’UE, de jouer un rôle dans l’échange de données biométriques et de reconnaissance faciale avec des États non membres de l’UE. Une recommandation qui fait écho à une déclaration des pays membres datée de juillet 2018 invitant la Commission à envisager d’« élargir la portée » du réseau de Prüm et Europol à prendre l’initiative du partage de données avec les pays tiers. Sollicités par les journalistes américains, ni Europol, ni le FBI n’ont souhaité répondre à leurs questions concernant les accords de partage de données entre l’UE et les États-Unis.

Source: The Intercept

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Marion SIMON-RAINAUD