“Il n’est plus seulement crucial de choisir l’opérateur téléphonique le moins cher. Il faut être sûr que sa facture est juste”, affirme Florent Raugel, p.-d.g. de Cieme Informatique (éditeur d’InfoServ, logiciel de gestion financière des télécoms). Pour ce fournisseur, il faut tenir compte, d’une part, des fautes techniques de l’opérateur (mélange de fichiers dans le système de facturation, par exemple) ; et, d’autre part, de celles qui peuvent intervenir dans la mise à jour des conditions commerciales (délais trop longs ou erreurs de saisie).“De 2 à 5 % des communications facturées sont entachées d’erreurs, qu’elles aient été mal enregistrées (appels non aboutis comptabilisés, sonneries incluses) ou mal valorisées (mauvaise application du tarif)”, avance Florent Raugel. “Les erreurs peuvent aussi bénéficier à l’entreprise, tempère Bernard Houlier, p.-d.g. de Genie Telecom, qui connaît bien le secteur. Un opérateur du fixe oubliait de facturer les appels vers les mobiles Bouygues”, relève-t-il.“Il y a souvent des erreurs dans les chaînes de facturation, par rapport à ce qui a été négocié. L’informatique des opérateurs peine à suivre, face à l’imagination du marketing en termes de remises ou de bonifications”, reprend Bernard Dupré, délégué général de l’Afutt (Association française des utilisateurs du téléphone et des télécommunications).
Des propositions spécifiques
“Nous ne disposons pas de chiffres sur les factures erronées, admet-il. Mais, les entreprises qui vérifient sont rapidement rentrées dans leurs frais. Cette initiative recadre les opérateurs qui, à notre avis, bénéficient d’un crédit de confiance surévalué.”Un retour sur investissement qu’illustre l’expérience de Joël Bonnet, responsable de la téléphonie chez Astrium (ex-Marconi Space), situé à Toulouse, et qui gère 3 600 postes. Sur les trois dernières années, il a détecté trois types d’erreurs. Dans le premier cas, on trouve la non-application du tarif à la date due. Par exemple : un tarif modifié au 1er mars n’est répercuté qu’à partir du 1er juillet. “Il faut alors multiplier les relances pour faire appliquer le tarif rétroactivement”, souligne Joël Bonnet. Le deuxième cas est l’arrêt d’une prestation : une liaison spécialisée que l’opérateur continuera de facturer, par exemple. La régularisation n’interviendra que six mois après. Là encore, de nombreuses relances sont nécessaires. Enfin, le troisième cas concerne l’alignement de l’opérateur sur les meilleures conditions du marché : “Notre opérateur s’y est engagé. C’est à cette condition que nous avons cessé de faire appel à plusieurs opérateurs pour n’en retenir qu’un”, détaille Joël Bonnet.Oui, mais voilà : l’opérateur n’a pas forcément intérêt à réagir dans la semaine, s’il détecte qu’il est moins performant sur une destination. À sa décharge, il se peut d’ailleurs qu’il l’ignore. “Comme nous effectuons deux cent mille appels sortants par mois, un simple retard de trois à six semaines aboutit à un surcoût important”, constate encore Joël Bonnet.Si l’inertie a un coût, la veille tarifaire prend du temps. Joël Bonnet réalise des simulations tous les mois, à partir du logiciel Genitax, de Genie Telecom. Il s’appuie sur les nouveaux tarifs des opérateurs, qu’il les ait récupérés lui-même, ou qu’ils lui aient été fournis par l’éditeur. Le logiciel connaît les communications à la seconde près, car il est interfacé avec les cinq PABX toulousains d’Astrium. Ce qui lui permet également de recalculer la facture de l’opérateur, pour vérification. Si, longtemps, la facture a fortement baissé, elle s’est, à présent, à peu près stabilisée. “Les offres internationales varient désormais d’un pays à l’autre. Il faut une semaine pour étudier la concurrence, au lieu de deux jours auparavant”, déplore Joël Bonnet. Au final, l’offre tarifaire appliquée à Astrium est devenue du sur-mesure. “Il n’y a plus vraiment de tarifs pour les PME qui entendent négocier, confirme Florent Raugel. Ce sont des propositions spécifiques, valables à un instant donné, qu’il faut injecter dans un outil de simulation.” Des propositions auxquelles Astrium accède en organisant périodiquement des consultations auprès des opérateurs. Enfin, il faut noter un autre intérêt à recalculer la facture en sortie de PABX : chiffrer le surcoût en cas de basculement sur un opérateur de secours lors d’une panne de l’opérateur habituel (un surcoût à la charge de ce dernier).
Faire le ménage
En pratique, comment détecter une dérive, et en identifier la cause ? Sur sa facture papier, un opérateur comme France Télécom indique le coût global et le cumul d’unités ou de minutes par type d’appel (voisinage 1, voisinage 2, national, international, numéro spécial, Minitel, ligne spécialisée, etc.). Pour vérifier les numéros spéciaux, il faut les ressaisir sous Excel. Or, “leur liste est quasi impossible à se procurer. Ce n’est qu’au fil du temps que j’ai pu la reconstituer partiellement”, se souvient Joël Bonnet. C’est à partir de cette liste que l’on part à la pêche des appels passés dans le CD-Rom – fourni par l’opérateur -, qui récapitule les appels du mois.Pour d’autres communications – vers l’international, par exemple-, on comparera d’un mois à l’autre, le logiciel de vérification de factures pointant une augmentation dans un pays ou une ville donnés. Les appels correspondants seront alors recherchés dans le CD-Rom, qui est “une botte de foin dans laquelle il est impossible de retrouver une aiguille sans un logiciel de vérification de la facture”, explique Joël Bonnet. En matière d’erreurs de facturation, “la téléphonie mobile constitue le réservoir le plus intéressant”, précise Florent Raugel. Des appels difficiles à contrôler, les mobiles ne passant pas par le PABX.“Quelques grandes entreprises ont fait pression pour vérifier leurs relevés avant qu’ils ne soient injectés dans le système de facturation de l’opérateur”, révèle Florent Raugel. Sinon, “l’entreprise doit insister pour que l’opérateur fournisse un CD listant numéros appelés, numéro de contrat, numéro abonné GSM, numéros composés, durée, heure de début, date, coût de l’appel, et période de facturation, afin de recalculer la facture selon les tarifs négociés”, poursuit Bernard Houlier. On peut aussi recourir à un forfait flotte, dans lequel les minutes sont mutualisées entre les mobiles. En calculant une moyenne par collaborateur, les minutes non consommées par l’un seront disponibles pour un autre. Si la facture n’est pas identique d’un mois à l’autre, il ne reste alors qu’à vérifier là où l’écart est significatif. En conclusion, il est urgent de réagir face à l’explosion des mobiles et d’Internet. “Il est temps de faire le ménage, comme à l’époque du Minitel. C’est le cas pour les SMS+ ou le téléchargement de sonneries”, assure Bernard Dupré. Idem pour Internet : “Les téléchargements MP3 ont probablement peu à faire avec le professionnel”, conclut Florent Raugel.
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