Lors d’une rencontre avec la presse il y a quelques jours, le président du directoire de la Sacem, Bernard Miyet, évoquait les répercussions de la crise de l’industrie musicale sur la société de gestion : faible progression
des salaires, départs en retraite non remplacés, etc.C’est ce genre de dommages que les cabinets de conseil Tera Consultants et Equancy & Co ont décidé d’étudier et de chiffrer pour l’année 2007. Ils viennent de publier un rapport intitulé Impact économique de la
copie illégale des biens numérisés en France.Ses conclusions ? Le piratage aurait entraîné l’an dernier 1,355 milliard d’euros de recettes en moins pour l’industrie culturelle, avec 5 000 emplois supprimés dans les divers secteurs étudiés : musique,
édition, télévision et cinéma.Concernant la filière musicale dans son ensemble ?” de l’auteur au distributeur ?”, 369 millions d’euros auraient été perdus. En termes d’emplois, cela équivaudrait à 1 640 postes.L’étude n’a pas effectué un recensement des postes non renouvelés d’une année à l’autre ni un inventaire des licenciements et n’a pas fait d’enquête auprès de services de ressources humaines. Elle procède uniquement par modélisation et
extrapolation, se fondant par exemple sur le fait ‘ qu’une personne employée dans la chaîne de valeur de la musique [est] associée à un chiffre d’affaires de 225 000 euros ‘.
Dans les faits, cette année, EMI Music et Sony BMG ont engagé des plans de licenciements, avec respectivement 1 500 et 2000 emplois supprimés en Europe, sont 80 à 100 postes en France pour Sony.
Les chaînes gratuites touchées
Côté cinéma, la perte s’élèverait à 605 millions d’euros, dont 54 % dus au seul recul du marché du DVD et 33 % à la moindre fréquentation des salles. Là, ce sont 2 419 emplois à temps plein qui auraient été
détruits.Selon l’étude, les chaînes de télévision gratuites (TF1, France 2, France 3 et M6) subissent elles aussi les conséquences du piratage à travers la diffusion illégale des séries télévisées, celles-ci étant censées engendrer des
recettes publicitaires. L’étude estime que ces chaînes auraient perdu 234 millions d’euros et supprimé 934 emplois en 2007.En revanche, ‘ aucun effet significatif n’ayant été noté en termes d’abonnements pour les chaînes payantes, il a été considéré que l’impact de la copie illégale sur ces chaînes était mineur et
difficilement quantifiable ‘, notent les auteurs du rapport.Dernière estimation pour le secteur du livre, généralement peu évoqué en matière de piratage, comme le reconnaît le rapport. ‘ Alors qu’on assiste en France à l’effondrement, en volume et en valeur,
de la consommation de disques et de DVD, le livre semble encore épargné. […] Ainsi, entre 2004 et 2006, la dépense en biens culturels annuelle par foyer est en baisse de 8 %, dont – 15 % pour le DVD,
– 23 % pour le CD et seulement – 1 % pour le livre. ‘Les auteurs ont cependant tenu à fournir une estimation des dommages subis pour ‘ mesurer la menace, même potentielle, sur un secteur tel que celui du livre ‘. La cible prioritaire du
piratage, ce sont les livres scolaires, qui représentaient 9 % du chiffre d’affaires des éditeurs en 2006, rappelle le rapport.
Pessimisme pour le livre
Ses auteurs ont une vision assez pessimiste de l’avenir de l’édition : ‘ Une fois adopté l’usage du
livre numérique,
on peut craindre un phénomène de pillage massif des catégories les plus populaires, telles que le
roman, […] la jeunesse […] ou encore la bande dessinée. […] Le téléchargement sera par ailleurs d’autant plus facilité qu’il s’agit de fichiers
généralement peu volumineux et donc rapidement téléchargeables, contrairement à des fichiers vidéo. ‘ Ainsi, les auteurs de l’étude envisagent à terme 147 millions d’euros de pertes sur ce secteur, soit
733 emplois.Les auteurs concluent leur rapport en expliquant que les pertes d’emplois dans les industries de la culture ont des conséquences dans d’autres secteurs. Selon eux, il est ‘ raisonnable de retenir un rapport de 1
pour 1, de sorte que l'”empreinte” en France de la copie illégale peut être estimée à une perte de 10 000 emplois ‘.Un phénomène que les auteurs du rapport conseillent d’enrayer en octroyant ‘ davantage d’espace économique à de nouveaux modèles innovants en garantissant une rémunération des droits de propriété
intellectuelle ‘. La loi Création et Internet,
en débat au Parlement, ambitionne précisément de s’y atteler.
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