Brocardée pour avoir été utilisée par des terroristes, censurée par des états autoritaires comme la Russie (voir encadré), la messagerie chiffrée Telegram suscite désormais l’ire des ayants droits. Car elle est devenue une véritable plaque tournante de contenus illégaux, selon le site new-yorkais The Outline qui a mené l’enquête.
Lancée par le très médiatique dissident Pavel Durov en 2013, l’application compte aujourd’hui plus de 200 millions d’utilisateurs basés pour la plupart en Russie, en Inde, au Brésil et aux États-Unis. Et les internautes ne s’y rendent pas que pour discuter. Ils peuvent aussi accéder à des films, des applications ou de la musique piratés. De nombreux canaux ne servent même qu’à cela. Contrairement à ce qui se passe sur les services de Facebook, la permissivité a longtemps été totale sur Telegram, permettant à ces groupes de prospérer et de compter plusieurs centaines de milliers d’internautes. Tancée par l’industrie musicale, la messagerie s’est mise récemment à exclure certains de ces groupes mais n’a toujours pas reconnu l’ampleur du phénomène.
Films, musique et applications en accès libre et gratuit
Accéder à un film récent est une opération très simple comme nous en avons fait l’expérience. Il suffit de se rendre dans la barre de recherche globale, de taper par exemple “Annihilation” et on se retrouve dans un canal de discussion avec un lien pour télécharger la dernière production Netflix. Pas besoin de montrer patte blanche ou d’être adoubé par quelqu’un pour rejoindre le canal, le lien est en accès libre pour tous. Pas besoin non plus de se connecter ailleurs sur des serveurs : le contenu est hébergé dans le cloud même de Telegram, comme n’importe quelle photo ou vidéo personnelle. Si vous tapez Spotify, vous aurez à votre disposition deux ou trois canaux présentant illégalement l’offre de la plateforme. Et il est aussi possible de récupérer des identifiants volés pour se connecter à des services comme CBS ou HBO.
Il est risqué pour l’utilisateur de cliquer sur les liens
Si l’utilisation est on ne peut plus simple, le risque est grand d’un point de vue sécurité informatique. Car rien ne vous garantit que le lien correspond bien au contenu que vous vouliez et que vous n’allez pas récupérer un malware en cliquant dessus.
Le site Outline a demandé à une douzaine d’administrateurs de ce type de canaux quel était leur intérêt d’utiliser Telegram. Et la même réponse est revenue à chaque fois : l’application permet de protéger de façon satisfaisante leur anonymat, à la fois vis-à-vis de l’extérieur et des participants aux canaux. Il est ainsi facile de masquer son numéro de téléphone contrairement à WhatsApp.
D’autres ont aussi déclaré qu’ils apprécient la quantité de stockage gratuit. Si Telegram fixe une limite de 1,5 Go à la taille des fichiers, il n’y en a pas sur leur nombre. Cela a permis à certaines chaînes de partager des centaines de gigaoctets de contenu. Sur d’autres plateformes, ils devraient payer pour cela.
Comme les fournisseurs de services Internet, les moteurs de recherche et les autorités locales font la chasse aux sites de Bittorrent, il est devenu plus facile de faire circuler des contenus illégaux sur Telegram où se trouve de surcroît un large public. Mais rien ne dit que la messagerie ne se mette pas un jour à faire la chasse aux contenus piratés sous la pression des ayant-droits.
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