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Pierre Morin (sociologue): “Rebâtir en permanence le contrat entre l’employeur et le salarié”

Les écarts entre discours et réalité culturelle affectent le management des salariés des SSII. Malgré leurs efforts, elles gardent leur image de vendeuses de matière grise.

Depuis trente ans, Pierre Morin (*) milite pour un management contractuel. Son leitmotiv : l’entreprise fonctionne si elle fédère les objectifs divergents de toutes ses composantes, avec un bilan ” globalement positif “.La plupart des entreprises sont aujourd’hui prêtes à écouter et mettre en ?”uvre ce conseil du sociologue. A condition de ne pas se noyer dans ces fameux “discours lénifiants “, qui cachent mal des pratiques archaïques de management.
01 Informatique : Dans le contexte de pénurie d’informaticiens, pensez-vous que les efforts des SSII pour garder leurs ingénieurs sont bien adaptés ?
Pierre Morin : Les SSII font essentiellement du court terme. De projet en projet, elles ne parviennent donc ni à gérer leurs consultants, ni à trouver les bonnes formes de coopération avec eux. Tout dépend en réalité du rapport de force au sein du système. Tant que le marché est favorable à l’employeur et que le coût de l’embauche reste raisonnable, les entreprises se soucient peu de tout cela.Les SSII déclarent pourtant avoir rénové leur culture… Le problème est que trop souvent dans les entreprises, le discours et la réalité culturelle ne collent pas ensemble. C’est ce qui se passe aujourd’hui dans les SSII. La culture, c’est très important. Mais elle ne se décide pas. Elle résulte de l’histoire de l’entreprise.Les moyens mis en oeuvre par certaines sociétés pour améliorer la vie de leurs salariés vous paraissent-ils efficaces ? Les entreprises se sont précipitées sur l’organisation de séminaires et autres lieux de rencontre… C’est une vision à très court terme. Ce que j’appelle le syndrome du lundi matin : les séminaires, c’est bien joli, mais le lundi matin, c’est le retour à la réalité. A quoi bon des séminaires sur le management participatif, si le système sociotechnique ne change pas ?Mais comment faut-il alors manager les équipes ? La faiblesse des grandes SSII, contrairement à ce qu’elles s’imaginent, est de ne pas diriger leurs équipes. Elles n’ont pas de ligne de management, c’est-à-dire de véritables patrons, chargés de décliner les objectifs de la direction concrètement pour les collaborateurs et prenant en charge le contrat de chacun. Ces sociétés ont, pour une grande part, adopté la mode de l’organisation matricielle.Qu’entendez-vous par ” arrangement mutuel ” ? Il s’agit du contrat. Non pas le contrat de travail qui est totalement obsolète. Mais celui qui précise les termes de l’échange entre l’employeur et l’employé. Chaque salarié apporte sa contribution en échange d’une rétribution. Celle-ci s’exprime certes en termes de salaire, mais aussi ?” et surtout ?” par la définition précise de la mission, l’intérêt du travail, les possibilités de carrière, etc.Mais qu’est-ce qui a vraiment changé ? Les nouvelles technologies ont engendré de nouveaux modèles d’organisation dans l’entreprise. Morcelée en filiales, avec ses founisseurs et ses clients, celle-ci se constitue en réseaux, c’est-à-dire en systèmes complexes. Et manager de tels systèmes ?” véritables flottilles ?”, ne se fait pas de la même façon que dans le vieux modèle industriel.(*) Auteur avec Eric Delavallée de Le manager à l’écoute du sociologue, (éditions d’Organisation), grand prix du Livre de management et de stratégie.

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Propos recueillis par Corinne Zerbib