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Pierre Marfaing (TF1) : ” Je suis devenu un homme de la télévision “

Lorsqu’il rejoint TF1 en 1987, l’informatique y était presque inexistante. Quinze ans plus tard, entièrement numérisée, l’ancienne chaîne nationale ne cesse d’innover.

En charge de l’informatique et de l’ensemble des équipements de TF1, Pierre Marfaing assure les fonctions à la fois de responsable informatique et des moyens techniques et de directeur de la R & D. Il parvient ainsi à assurer une symbiose quasi parfaite entre les métiers de l’audiovisuel et les technologies de l’information. Faisant de TF1 ?” 2,32 milliards d’euros de recettes en 2001 ?” l’une des toutes premières entreprises numériques françaises.A votre arrivée à la tête de l’informatique de TF1, en 1987, vous n’y avez trouvé que deux micro-ordinateurs. Quelle a été votre priorité ?C’était effectivement le Moyen Age. Mais cela représentait aussi une grande chance, car il n’existait pas de passif. On pouvait donc construire sur les nouvelles technologies, qui relevaient, à l’époque, du client-serveur. J’ai donc proposé un schéma informatique directeur, fondé sur du tout-PC et un réseau à haut débit (Token Ring). Cette idée de concevoir l’informatique en environnement client-serveur était nouvelle. Et je pense que si nous avions bâti notre informatique sur un mainframe, nous aurions échoué, tant les besoins étaient nombreux et différents selon les services. Tout se faisait alors au crayon et au papier. Il fallait donc amener les utilisateurs à l’informatique en douceur. Aujourd’hui, nous disposons de près de trois mille postes de travail pour deux mille neuf cents personnes.Vous n’avez donc rencontré aucune réticence ?Non, car nous avons découvert de grands professionnels, avec lesquels il a été possible de dialoguer. Ils ont vite compris les avantages de l’informatique. Et nous, de notre côté, nous avons fait en sorte que les résultats soient rapidement visibles. Le conducteur d’antenne, par exemple, le premier à avoir été informatisé, doit respecter des règles et des quotas très stricts en ce qui concerne les temps accordés aux séquences publicitaires. Il lui était très difficile de les optimiser manuellement. Aujourd’hui, notre produit gère ces temps au vingt-cinquième de seconde près.Comment ce mariage entre informatique et activité professionnelle se traduit-il dans l’organisation de la direction informatique ?Deux cent quinze informaticiens sont détachés dans les différentes filiales du groupe. Ils travaillent en synergie totale avec les utilisateurs et développent des applications qui répondent aux spécificités des métiers de chacune d’elles. Le métier de l’édition de vidéo, par exemple, n’est pas le même que celui de la programmation de chaînes. En revanche, nous avons fédéré les infrastructures informatiques comme les réseaux, les serveurs et les bases de données. Ces ressources sont centralisées, car elles nécessitent des expertises techniques très fortes et doivent obéir à des standards communs. Et c’est là l’une des conditions nécessaires à la sécurisation de l’ensemble de nos processus. Notre réseau informatique en particulier ne peut jamais s’arrêter.La fiabilité est-elle le seul avantage de cette centralisation ?Non, bien sûr. Cette mise en commun des ressources informatiques nous permet aussi d’intégrer rapidement l’évolution des technologies. En 1992, par exemple, nous avons vécu la révolution de la numérisation de la vidéo. Nous nous sommes alors rendu compte que ce que nous stockions sur des cassettes pouvait prendre la forme de fichiers informatiques. Nous avons alors travaillé avec les industriels de la vidéo. Des protocoles de compression ont ainsi été mis au point. En l’espace de quatre ans, cette évolution technologique nous a permis de lancer TPS. Et c’est bien parce que nous nous sommes approprié cette révolution du numérique au niveau de l’ensemble de l’entreprise que nous avons pu mener notre diversification et lancer de nouveaux produits.Avez-vous lancé beaucoup de produits ?Un grand nombre. En 1997, ce fut le lancement du satellite numérique TPS, en 1998 celui du web, TF1.fr. Entre 1999 et 2000 nous avons mis sur le marché plusieurs chaînes thématiques numériques. En 2000 et 2001, cela a été le tour des chaînes d’actualité en continu comme LCI. Et ce n’est pas fini…Comment êtes-vous parvenu à gérer cette succession de nouveaux produits ?Dès 1992, à mon retour du Comdex, nous avons créé une structure de réflexion de recherche et développement autour de la télévision numérique. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à entrevoir les possibilités de décliner nos produits de base. En analogique, TF1 pouvait disposer de six chaînes au maximum. Le satellite nous en offrait potentiellement une centaine. Cette opportunité apportée par la technologie a nourri notre deuxième phase de réflexion : puisque nous n’avions plus de limites physiques, nous pouvions créer quantité de chaînes thématiques. Mais si nous détenions alors le concept ?” la capacité de distribuer des chaînes sur les réseaux ?”, nous ne possédions pas, le modèle économique. Et c’est en poussant notre démarche de modernisation des processus de production internes que nous avons pensé le développement de nouveaux business et trouvé la façon de décliner nos produits sur le web, sur DVD…Vous avez donc adopté, comme les constructeurs automobiles, une démarche d’innovation de procédés plutôt que de produits ?C’est effectivement parce que nous avons changé nos façons de faire que nous avons pu créer tous ces nouveaux produits. Dans le monde numérique, le monteur, par exemple, ne monte plus de la même façon. Les journalistes et les techniciens ont un accès en temps réel aux images d’archives. Les vidéos sont stockées sur les bases de données et accessibles par le réseau, comme tout autre fichier informatique. Résultat : sur des sujets d’actualité, le gain de temps est de un à trois ; et le renouvellement de l’ensemble de notre matériel technique nous a procuré à lui seul, en termes de coût d’exploitation, des économies de l’ordre de 10 %. Cela nous a permis, à la fois, de développer de nouveaux business et de réaliser des économies d’échelle. Nous continuons toujours dans cette voie en abordant aujourd’hui la deuxième phase de modernisation de nos processus, qui va nous offrir la possibilité de numériser la mise à l’antenne des autres produits de TF1.

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Andrée Muller