01 Informatique : Le retard de l’e-Administration française se comble-t-il ?Pierre de La Coste : Pas encore. Mais n’oublions pas que c’est un retard relatif. Les autres administrations européennes ont les mêmes problèmes et personne n’a de solution miracle à proposer. L’Administration
électronique nationale est en phase de démarrage, elle n’est ni disqualifiée, ni en avance.Qu’est-ce qui a déjà changé ?La politique d’Henri Plagnol(1) porte lentement ses fruits. Même si ce n’est pas encore sensible pour le grand public, la création de l’Adaé(2) nous a dotés des moyens d’une politique
ambitieuse. C’est un événement nouveau, d’une grande importance. N’oublions pas que l’Administration est un investissement lourd qui sera amorti sur le long terme. Or, aujourd’hui, en dépit d’une situation budgétaire tendue, le gouvernement a choisi
de mettre l’accent là-dessus. Nous avons raté une belle occasion d’aller vite lors de la période de croissance précédente. La difficulté actuelle est de trouver des budgets.Ça va donc dans le bon sens !La clé est de coordonner trois actions : la décentralisation, la dématérialisation et les départs à la retraite des fonctionnaires. Pendant un temps, le papier cohabitera avec l’électronique. De façon permanente pour certaines
procédures grand public. Mais, pour d’autres échanges professionnels, comme entre préfectures et communes, par exemple, le papier pourrait disparaître rapidement.Où se situent encore les freins ?Ils ne sont pas politiques, puisque le gouvernement s’est clairement engagé dans la voie de l’e-Administration, ni technologiques étant donné que les outils existent et fonctionnent, ni financiers car les budgets NTIC sont
globalement en croissance. Non, le frein principal est massivement sociologique. Il existe clairement des réticences au changement chez certains fonctionnaires qui jouent le bras de fer contre la politique de réforme du gouvernement. A ce titre, il
y a peu de différence avec la contestation des intermittents du spectacle, des étudiants ou à propos des retraites. L’effort global du gouvernement pour réformer la France se heurte à une résistance importante.Quel est alors le plus grand danger ?L’e-Administration est lancée ?” c’est un défit pour le gouvernement et le service public ?”, mais elle risque de se faire sans gain de productivité ou de fonctionnement. Un peu comme Sesame Vitale, qui est une
réussite technologique et qui rend un réel service, mais qui n’a pas réduit les frais de personnel. Le danger est que la dématérialisation se fasse à effectifs constants. Il faut que les départs à la retraite soient progressivement remplacés, non
par de nouveaux agents, mais par l’électronique.Mais, à terme, la productivité devrait s’améliorer ?Il faut l’espérer. Sinon, l’Administration française risque d’accoucher d’une e-Administration à son image : c’est-à-dire bonne et très efficace, mais avec un poids inchangé pour la société et une pléthore d’agents si l’emploi
public est maintenu à son niveau actuel. C’est ce qui risque de se produire et que nous observons déjà à propos de la déclaration d’impôts sur internet. Ce téléservice fonctionne très bien, mais n’a pas permis de réduire le nombre de fonctionnaires
ni les coûts de production.Il s’agit donc essentiellement d’un problème humain !Nous sommes dans un processus révolutionnaire. Il y a des gens qui vont de l’avant et d’autres qui n’ont pas intérêt à ce que cela change. Le politique doit faire comprendre au fonctionnaire que c’est aujourd’hui qu’il faut
agir : la réforme de l’e-Administration se fera donc à chaud.Vous avez une proposition pour faire avancer ces idées ?Je pense qu’il faut davantage utiliser l’e-Démocratie participative pour lancer des grands débats de société sur internet. Même sur des sujets qui font peur, avec des milliers d’intervenants. Sur la Sécurité sociale, l’emploi, les
retraites. A ce titre, le site
e-1789.com est un modèle du genre.(1) Secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat
(2) Agence pour le développement de l’administration électronique
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