Après le doubles, triple et quadruple… voici le quintuple module caméra ! Si les ingénieurs logiciels de Huawei sont toujours confrontés à un casse-tête logiciel après avoir été privés des services Google, les ingénieurs hardware du géant chinois n’ont, eux, pas ralenti d’un iota.
Annonçant aujourd’hui les trois terminaux de la famille « P40 », Huawei inaugure donc un capteur « géant » qui sera décliné sur toute la gamme. Ainsi que le premier smartphone au monde équipé d’un système de double téléobjectif, le fleuron de la famille : le P40 Pro+.
Module principal : un capteur géant habillé de jaune
Le P30 Pro avait marqué les esprits avec le très grand capteur 1/1.7 pouce de 40 Mpix intégré au module caméra principal. Primo parce qu’il était très grand par rapport à la compétition et deuxio parce qu’il était le premier du genre à remplacer les photosites verts (les « pixels ») par des photosites jaunes – on parle de capteur « RYYB » pour « rouge-jaune-jaune-bleu ». Un changement de couleur qui permet une meilleure collecte des photons en basses lumières. L’entreprise revendique ainsi que sa technologie RYYB lui permet à elle seule de récolter 40% de lumière en plus qu’un capteur équivalent en matrice RGGB traditionnelle.
Le capteur du module principal de tous les P40 prend le même parti : Huawei conserve la structure « rouge-jaune-jaune-bleu » de la matrice colorée. Mais va plus loin en termes de définition – 50 Mpix natif – comme en termes de dimensions. Bien plus loin même : quand la surface du capteur du module caméra grand-angle du P30 Pro mesure déjà 43 mm² (7,6 x 5,7 mm), celle des P40/P40 Pro/P40 Pro+ fait 85,4 mm² (10,67 x 8,0 mm) presque le double ! Associés à la matrice RYYB, cela représente une belle collecte de lumière.
Et si cette dernière est quelque peu diminuée par la moindre ouverture du diaphragme de l’optique (f/1.9 quand le module du P30 Pro ouvrait à f/1.6) la plus grande couverture angulaire devrait compenser cette perte puisqu’on passe d’un 27 mm à un 23 mm. En supposant que Huawei à poursuivi ses améliorations d’algorithmes de traitement d’image, notamment en matière de rendu des couleurs, les P40 pourraient reprendre fièrement le flambeau du P30 Pro, notamment en matière de photo de nuit. Du côté de la qualité des couleurs – un point faible du P30 Pro dans certains situations – Huawei a ajouté une nouvelle sonde de couleurs analysant la lumière sur huit canaux spectraux.
Comme pour le P30 Pro, ce capteur géant, désormais appelé « Ultra Vision Sensor » n’est pas utilisé dans sa définition native de 50 Mpix, mais combine les informations de quatre pixels adjacents pour produire une image de 12,5 Mpix. Un gain de 25% par rapport au 10 Mpix du P30 Pro qui lui permet d’égaler la définition de sortie de ses concurrents, mais avec des photosites « utiles » bien plus grands.
Autre amélioration technologique majeure pour ce super capteur : comme les capteurs Samsung (et Canon dans le monde de la photo), tous les photosites travaillent à la mise au point grâce à une structure de type « Dual Pixel » appelée ici Octa PD. Le Dual Pixel classique consiste à scinder en deux les photosites pour faire en sorte que chacun d’entre eux puisse, outre la captation des informations de luminance (quantité de lumière) et de chrominance (couleurs), participer à la mise au point par détection de phase (Phase Detection en anglais). Dans le cas de l’Octa PD (« huit » en latin), il s’agit tout simplement de combiner les informations des deux éléments de chacun des quatre photosites pour profiter de 8 points de détection de phase. Une démarche logique, puisqu’elle n’est que l’extension du pixel binning qui a déjà lieu en termes de rendu d’image : puisque le capteur combine déjà des groupes de quatre pixels pour produire ses clichés de 12,5 Mpix à partir d’un capteur de 50 Mpix, autant grouper aussi les informations collectées quant à l’autofocus.
Les promesses de ce capteur sont donc énormes : une couverture angulaire plus large, une meilleure définition d’image, de meilleures performances en basses lumières et un autofocus grandement amélioré.
Duo de téléobjectifs pour un zoom x100
Ce n’est pas un mais bien deux modules téléobjectifs que Huawei a intégré dans son terminal le plus haut de gamme. Le premier module est connu : il s’agit de l’équivalent 80 mm introduit par le P20 Pro. Le petit nouveau est un téléobjectif à construction périscopique offrant un coefficient de zoom x10 par rapport au module caméra principal (Huawei persiste à ne pas utiliser la focale la plus large comme point de référence, ce qui est parfaitement idiot).
Cet équivalent 240 mm double la puissance de « zoom » optique du P30 Pro qui n’était « que » de x5 (équivalent 125 mm). Point de capteur géant ou de matrice RYYB, il s’agit ici d’un tout petit CMOS de 8 Mpix à matrice RGB classique ouvrant à une valeur très modeste de f/4.4. C’est déjà une une performance en soi, compte tenu de la focale. Et compte tenu du fait que cette optique très complexe intègre non seulement une stabilisation électronique « IA » (AIS), mais aussi une vraie stabilisation optique (OIS) !
Avec ces deux modules zoom x3 et x10 (selon la nomenclature de Huawei), Le P40 Pro+ promet un zoom hybride poussant à x20 et un zoom numérique… x100. Oui, Huawei soutient qu’avec un module x10 épaulé par les informations du module x3 (et celles du module principal ?) ainsi que les algorithmes de stabilisation d’image de dernière génération, son nouveau smartphone haut de gamme offrirait un zoom x100. Sur ses photos de comparaison face au Samsung Galaxy S20+, on perçoit très nettement la différence de qualité. Il faudra tester pour se faire un vrai avis, mais sur le papier les affirmations de Huawei tiennent la route.
Ciné Camera : les atouts du Mate 30 Pro, en mieux
On ne mouille pas trop le maillot en affirmant que le module ultra grand-angle du P40 Pro+ s’annonce comme le meilleur du marché. Hérité du Mate 30 Pro, ce module caméra équivalent à un 18 mm f/1.8 embarque un capteur là encore très grand format : un CMOS RGB de 40 Mpix de 1/1,54 pouce. Au ratio très photographique de 3/2 (comme les capteurs APS-C et 24×36 des vrais appareils photo reflex et hybrides), il écrase littéralement tous les petits capteurs que l’on retrouve dans les modules caméra ultra grand-angle. Et ce tant du point de vue photographique que vidéographique.
Côté images fixes, ses 40 Mpix sont, là encore, combinés pour produire des clichés de 10 Mpix – la surface utile de collecte de la lumière lui permet de produire des images bien plus détaillées et de monter à des valeurs ISO inaccessibles aux petits capteurs
Mais c’est surtout du côté de la vidéo que le capteur brille : outre la 4K60p HDR+, les séquences ralenties à 7680 i/s, la double stabilisation (AIS et OIS), il profite de nouveautés telles que le zoom audio directionnel ou encore un pixel binning 16/1 qui lui permet de shooter des séquences à 51.200 ISO. Sur le papier, cette montée en ISO semble limitée à du Full HD (40 Mpix divisé par 16 donne 2,5 Mpix au format 3/2, si on applique le ration 16/9 de la Full HD, on obtient bien les 2 Mpix nécessaires).
Module ToF et soutien logiciel
Le cinquième module caméra de l’appareil n’est pas équipé d’un capteur CMOS mais d’un capteur de temps de vol (Time of Flight sensor, ToF). Un module qui n’a donc pas pour mission de rapporter des informations luminance ou chrominance, mais des informations de distance. Ce qui permet aux autres capteurs de modéliser assez précisément leur environnement proche (jusqu’à 3m voire 5m max en général). De quoi notamment identifier et isoler un visage pour la simulation de flou d’arrière-plan (bokeh). Ou faciliter le travail de séparation sémantique des éléments de l’images pour accélérer l’application des algorithmes d’amélioration de l’image.
Outre ce capteur ToF, Huawei y est aussi allé fort du côté logiciel avec trois fonctionnalités très intéressantes. La première s’appelle Best Moment (meilleur moment) : s’appuyant sur l’analyse des postures et des expressions faciales, il propose des choix de meilleurs clichés d’une séquence en rafale. Déjà vu, mais utile.
La seconde se nomme AI Remove Passerby, que l’on pourrait traduire par « retrait des passants par l’IA ». Sur le plan technique, l’appareil prend plusieurs photos consécutives de votre scène, conserve la meilleure expression du sujet grâce à la technologie Best Moment, mais il se sert aussi de l’analyse des éléments changeants dans l’image pour les retirer de l’image finale. De quoi faire des photo « covid-19 » même quand tout le monde sera à nouveau dans la rue ? Il faudra tester.
La troisième fonctionnalité, qui prend le nom de « AI Remove Reflection », nous semble tout à fait inédite puisqu’il s’agit d’une analyse de l’image qui vise à retirer les réflexions induites par les vitres et autres fenêtres. Là encore il s’agit d’« imaging computing » où, par le biais d’une analyse d’une suite d’images, l’appareil retire (ou atténue ?) les reflets causés par exemple par une cloche de verre sur un objet d’art au musée.
Module selfie haut de gamme
Si le cinquième module dorsal est équipé d’un capteur ToF, il y a bien un cinquième capteur CMOS sur le P40 Pro+, à savoir celui du module caméra en façade. Ouvrant à f/2.2, cet équivalent 26 mm d’une taille plus qu’honorable de 1/2.8 pouce offre une définition de 32 Mpix. Un module qui est implémenté dans tous les P40 mais qui profite, dans le cas des P40 Pro et de ce P40 Pro+, de l’autofocus et d’un module compagnon infrarouge (IR) qui mesure la profondeur pour la simulation d’arrière-plans flous.
Vous l’aurez compris, Huawei a intégré des composants soignés pour les amateurs de selfies, que ce soit en photo ou en vidéo puisque le capteur gère la vidéo 4K – et Huawei de mettre en avant les tutoriels maquillage dans sa conférence de presse.
Huawei le pied sur l’accélérateur
Oui, Huawei risque d’avoir du mal à vendre en Europe un terminal Android sans les apps de Google. Mais si on met de côté les problèmes logiciels et politiques du P40 Pro+, on ne peut qu’être impressionné devant le déluge de technologies dont l’entreprise chinoise fait montre.
Outre une impressionnante démonstration hardware qui montre que ses ingénieurs sont toujours pied au plancher, la marque à la fleur rouge a aussi accompagné son terminal de fonctions logicielles créatives utiles et même inédites dans le monde de la photographie. Preuve que même dans la tempête, l’entreprise garde toute sa combativité technologique. Les utilisateurs finiront-ils par répondre présents et faire l’impasse sur Google pour obtenir ce qui se fait (peut-être) de mieux en photographie mobile ? C’est le pari de Huawei.
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